Cet accord permet à CMA CGM de « renforcer sa structure financière et de sécuriser le financement de son plan d’investissement ». Selon les termes de cet accord, le groupe familial turc s’engage à investir dans CMA CGM 500 M$ sous forme d’une souscription d’Obligations Remboursables en Actions (ORA) d’une durée de cinq ans, « donnant accès à 20 % du capital ». Yildirim « disposera par ailleurs de trois représentants au sein du Conseil d’administration de CMA CGM sur un total de dix. L’actionnaire familial historique reste majoritaire avec 80 % du capital et des droits de vote » (à terme, devrait-on ajouter, car ce n’est qu’à la fin des cinq ans que le groupe turc pourra opter pour la transformation de ses obligations en actions, a répondu un porte-parole).
Société « internationale » créée en 1963 à Samsun, Yildirim est présent dans l’exploitation et le commerce mondial de minerai de chrome, la production et le commerce de ferrochrome, le commerce du charbon, la production et le commerce d’engrais, le transport maritime, la construction navale et les activités portuaires. En tant que groupe multisectoriel connaissant l’une des plus fortes croissances en Turquie, Yildirim, se démarque aujourd’hui par des « expertises reconnues dans son pays qu’il a su au fil des ans développer au niveau mondial. Ses valeurs, son positionnement unique et sa reconnaissance internationale en font aujourd’hui un investisseur privilégié pour le groupe CMA CGM ».
Le dossier gouvernance traité d’ici à janvier 2011
Le 26, les deux groupes ont organisé une conférence de presse téléphonique animée par Rodolphe Saadé, d.g. adjoint de la compagnie marseillaise (assisté de Philippe Soulié, le d.g. en titre) et de Robert Yuksel Yildirim, p.d.g. du groupe éponyme.
Le premier a expliqué qu’il a fallu effectivement un certain temps pour trouver le bon partenaire qui partage les « mêmes valeurs, notamment familiales »; le groupe turc ayant été repris par les trois fils du fondateur. Preuve que le pire n’est jamais sûr, si on se rappelle bien de certaines conséquences familiales de la reprise de la CGM.
Si Rodolphe Saadé n’a pas souhaité préciser le taux d’intérêt des ORA, de source syndicale, celui-ci serait de 12 % par an; soit 60 M$ à verser au prêteur.
D’ici quelques semaines devrait être présenté le nouveau mode de gouvernance de CMA CGM, a souligné Rodolphe Saadé: « Prenons le temps d’y réfléchir. » En clair, Jacques Saadé reste-t-il ou non, juridiquement, à la tête du groupe?
Après avoir une nouvelle fois souligné les très probables excellents résultats 2010 de la compagnie, le d.g. adjoint a rappelé qu’il serait ravi de voir arriver d’ici à la fin de l’année le Fonds stratégique d’investissement et ses 150 M$. Il a remercié le personnel de CMA CGM pour ses efforts.
CMA CGM « envisage toutes les solutions » dans sa recherche d’un partenaire désireux d’investir dans la croisière, activité de la filiale la Compagnie des Îles du Ponant, a ajouté le d.g. adjoint; le core business de CMA CGM étant les « conteneurs, les terminaux et les navires ». Le sort ultime de la croisière étant a priori scellé, quid donc de l’immobilier? La réponse se trouve peut-être dans les négociations « presque finalisées » entre CMA CGM et le pool bancaire qui finance les constructions neuves. Le carnet de commandes reste « inchangé » et le schéma de financement est « maintenu à quelques variations près », a répondu Philippe Soulié.
Robert Yüksel Yildirim a précisé qu’il n’était pas qu’un « simple » investisseur, souhaitant également être un partenaire industriel, notamment en matière de terminaux portuaires en dehors de la Turquie, voire de chantiers navals. En 2011, Robert Yüksel Yildirim espère bien soumissionner pour la privatisation ou la création de terminaux portuaires en Europe et en Afrique. « De nombreuses synergies existent entre les deux sociétés. »
Résultats 2010
Au 30 septembre, le groupe a enregistré un chiffre d’affaires total de 10,5 Md$, en progression de 38 % par rapport à la même période en 2009. Les volumes transportés ont atteint les 6,8 MEVP, + 18 % par rapport aux neuf premiers mois de 2009. Le groupe a réalisé une marge opérationnelle (Ebitda) de 18,5 %, « l’une des meilleures performances du secteur ».
Ces bons résultats sont expliqués notamment par le choix de navires de grande taille et un plan d’économies engagé très tôt, conjugués à la reprise des échanges mondiaux et en particulier à la croissance des volumes Asie/Europe (+ 21,1 %) et Asie/États-Unis (+ 15,4 %) sur les 9 premiers mois de l’année.
Après la « baisse saisonnière habituelle des volumes et des taux de fret de l’automne », l’année s’achèvera par de très bons résultats. 2011 devrait être meilleure, a précisé Rodolphe Saadé.
CMA CGM a pris livraison depuis le début 2010 de douze nouveaux navires portant ainsi sa flotte en propriété à 92 unités. Elle a également affrété de nouveaux navires, portant ainsi sa flotte totale à 400 navires. En 2011, neuf nouveaux navires en propriété, dont 6 de plus de 10 000 EVP, devraient être livrés.
ORA, trois façons d’en sortir
Les 500 M$ devraient être versés en janvier 2011 après validation de l’opération par les autorités, nous a précisé un porte-parole de CMA CGM. En janvier 2016, le groupe turc pourra donc demander soit le remboursement de ses 500 M$, soit 20 % des actions de CMA CGM, quelle que soit la valeur de celles-ci, dans une perspective de rester actionnaire, soit 20 % des actions de CMA CGM après son introduction en Bourse. D’ici là, beaucoup de choses peuvent se produire.