Le président du directoire de SeaFrance Pierre Fa a tenu à s’expliquer ce 2 juillet, deux jours après que, à la demande de la compagnie, le tribunal de commerce de Paris ait converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire. En CE, les organisations syndicales ont donné unanimement leur accord.
Deux administrateurs judiciaires ont pris les rênes. Un endettement à court terme de l’ordre de 13 à 14 M€ est figé. Une première période d’observation prendra fin au 15 septembre. Dans ce nouveau cadre, trois CE extraordinaires sont programmés cette semaine et les deux suivantes. Le 20 juillet, le nouveau plan industriel (NPI) doit être bouclé et acté par le CE et les instances paritaires. Si la SNCF, actionnaire, a la conviction que le NPI est vraiment accepté et sera exécuté sans heurts sociaux, il sera présenté au choix du tribunal de commerce. Les administrateurs judiciaires en place dans l’entreprise auront tout loisir de tester cet accord et ses premiers effets, en pleine haute saison. Les réservations de l’été s’annoncent plutôt bonnes, mais dans une atmosphère très compétitive.
Le test de l’été
Dans cette hypothèse, l’actionnaire s’engage à assurer la trésorerie jusqu’à la fin de la période d’observation. Il est certain qu’il sera sollicité au-delà de la fin juillet. La convention de trésorerie d’un montant de 70 M€ mise en place avec la SNCF sera alors dépassée. D’autant plus que le 21 juillet, le financement du SeaFrance Berlioz, acquis en 2005 par le biais de GIE fiscaux doit être dénoué, pour 21,2 M€.
Le 15 septembre, si le tribunal choisit la solution SNCF, celle-ci financera la recapitalisation de la compagnie « au compte-gouttes », prévient le président Fa, jusqu’à hauteur de 190 M€. Avec pour objectif, un plan social apuré, un retour à l’équilibre au mieux fin 2013, début 2014. Mais d’autres hypothèses sont possibles. « Il est très probable que des repreneurs vont se manifester », suppute Pierre Fa. Le tribunal aura à choisir la meilleure offre. Ou, si une alliance crédible se dessine entre la SNCF et un repreneur, à y acquiescer. Le critère social pèsera lourd.
Dans un cas comme dans l’autre, il restera l’arbitrage de l’Union européenne. Celle-ci peut repousser le NPI, l’accepter, ou plus probablement l’« amender », en imposant une cure d’amaigrissement supplémentaire, assortie d’une perte de parts de marché. Par exemple, en imposant la vente à la concurrence d’un des navires. « Dans ce cas, ce serait l’un des trois car-ferries », commente Pierre Fa. Il reste donc bien des inconnues à lever.
La fin du tramway transmanche
Cette situation, explique le président, se comprend d’abord par une situation de fond: un métier à faible marge, mais des investissements très élevés, et un révélateur brutal, la crise économique. SeaFrance était armée pour un marché en croissance et une concurrence modérée. « Aujourd’hui, l’excès d’offre sur la demande sur la route courte est de l’ordre de 180 % », calcule Pierre Fa. La crise a immédiatement étranglé SeaFrance.
« Nous faisons face », assure-t-il. « Il est possible de s’en sortir, à condition de travailler autrement. » Le NPI, avec un effectif global ramené de 1 590 à 865 postes équivalent temps plein, soit 725 suppressions d’emplois, 243 de plus que prévu par l’accord de médiation de janvier dernier, propose un armement à quatre navires, et un coefficient d’armement de 2,73. En jouant sur les renforts internes (personnel non affecté) et les CDD, l’armement sera adapté au plus près des besoins.
Ce n’est pas tout. « La guerre des prix est mortelle pour les compagnies », dénonce Pierre Fa. Un assainissement de l’offre est donc nécessaire. L’entrée en flotte par les soins de P&O Ferries de deux ferries de nouvelle génération fin 2010 et fin 2001 doit « s’accompagner d’une restructuration de flotte, et de la fin du système tramway sur le transmanche », prévient-il. Moins de navires, moins de navettes, moins de départs, sinon pas de marge. L’effort de Seafrance ne suffira pas.