Telle est l’opinion d’Armateurs de France, exprimée par son président Christian Garin et sa déléguée générale Anne-Sophie Avé, lors de la conférence de presse annuelle tenue à Paris le 30 mars.
Pour les vracs secs, les variations du Baltic Dry Index de 2009 se poursuivent au premier trimestre 2010: les taux de fret sont retombés à 36 000 $/jour pour les capesizes. La hausse de capacité de vraquiers d’ici quatre ou cinq ans représente près de 80 % de la flotte actuelle: 3 000 restent en effet en commande. Le marché chinois joue un rôle important, car des entreprises ont racheté des navires en déshérence et les chantiers ont obtenu de l’ouvrage jusqu’en 2012-2013. Les armements peuvent se constituer des flottes à des prix inférieurs de 40 % à ceux de 2003, afin que les transports à partir des ports chinois se fassent sous pavillon national. « Il n’y a pas d’hégémonie chinoise, mais une présence plus importante des compagnies maritimes chinoises », souligne Christian Garin.
Pour les conteneurs, la baisse des trafics, de 10 % à 25 % selon les routes, pendant 18 mois, semble enrayée depuis la fin 2009. Mais là aussi, une surcapacité de 7 % à 8 % de navires s’annonce avec les livraisons prévues en 2010. En outre, 400 navires représentant 11 % de la capacité mondiale en EVP restent désarmés, surtout dans la zone asiatique
Pour le pétrole et le gaz, l’incertitude des taux de fret demeure et de nombreuses commandes sont attendues dans les trois prochaines années. Les taux de fret restent trop bas pour couvrir les coûts: 5 000 $/jour pour un VLGC dont l’exploitation revient à 11 000 $/jour. En conséquence, de plus en plus de transporteurs de gaz sont désarmés.
Pour les activités offshore, le premier semestre a été épargné par la crise, mais les taux de fret se sont effondrés au second. Cette tendance se poursuit au premier semestre 2010. Les fluctuations du marché spot touchent davantage la mer du Nord et le golfe du Mexique que l’Asie et l’Afrique. La surcapacité demeure avec l’entrée en flotte de nombreuses unités en 2009 et 2010. Les groupes pétroliers recherchent les unités les plus récentes, économes et performantes.
Préserver le marin français
Au 31 décembre 2008, derniers chiffres disponibles, les compagnies maritimes emploient 13 696 navigants, dont 9 876 (72 %) Français, 2 123 (16 %) ressortissants de l’Union européenne et 1 697 (12 %) de pays tiers. Parmi eux, 4 569 (33 %) sont officiers et 9 129 (67 %) personnels d’exécution. La proportion d’officiers est de 37 % chez les Français, 31 % chez les ressortissants de l’Union européenne et 15 % pour les pays tiers. Les personnels d’exécution représentent 63 % de l’effectif français et 85 % de ceux des autres pays.
Par secteur d’activités, les porte-conteneurs emploient 1 201 navigants (648 Français), les navires à passagers 6 186 (4 839), les rouliers 142 (83), les navires citernes 1 566 (681), les vraquiers 502 (331), les unités offshore 1 685 (973), la recherche et les services 467 (374) et les activités portuaires 1 947 (1 947).
Selon Anne-Sophie Avé, Armateurs de France a constitué un observatoire des métiers pour préserver des emplois français et un comité « affaires sociales » pour une réflexion globale sur la compétitivité du marin français. Celle-ci est assurée par sa formation de bon niveau, en vue d’une mise immédiate en conditions opérationnelles, et aussi par une gestion de sa carrière sous pavillons français et de pays de l’UE. Quant à la question de son salaire net, « on ne va pas lâcher prise pour améliorer la compétitivité du marin français », souligne la déléguée générale. Les prélèvements sociaux ne vont pas dans les mêmes organismes. Une exonération nécessite l’accord de chacun. Le ministère du Travail devant gérer toutes les entreprises françaises, le cas des compagnies maritimes est « moins audible » en raison de leurs effectifs: « la population est moins importante et les organismes déficitaires ». Il s’agit donc de jouer sur d’autres moyens que le salaire net. Pour le président Christian Garin, c’est notamment la capacité des armements à l’international: « Grâce à la taxe au tonnage et aux GIE, le niveau atteint est satisfaisant, car comparable à ceux des grands pays maritimes européens ». Si le salaire brut du navigant français est supérieur à celui de ses homologues européens, le net est inférieur. La tradition d’exonération et de report des charges sociales constitue le différentiel entre la France et les pays européens. Il peut atteindre 25 % à 30 % en faveur des autres pays de l’UE.
Les taxes
La loi de finances 2010 convient très bien à Armateurs de France. D’après sa déléguée générale, « deux amendements dangereux ont été annulés »: la taxe sur les navires à passagers touchant la France et une taxe supplémentaire pour la sûreté… déjà intégrée dans la redevance portuaire. S’y ajoutent les suppressions des taxes professionnelle et « carbone », génératrices d’impacts sur la compétitivité des entreprises françaises. La TVA sur la restauration à bord des ferries, qui varie selon le port de départ, fait l’objet d’un rapport global avant toute décision de l’État. Elle ne concerne que le transmanche, car la desserte de la Corse est considérée comme un transport international. « Il y a une volonté politique en faveur du secteur maritime avec, à la clé, des emplois! » Quant à la taxe sur les soutes, affectées par la volatilité des prix, la durée de facturation et la situation locale, « l’armateur n’en a pas la responsa- bilité », rappelle Christian Garin.
Enfin, Anne-Sophie Avé s’est déclarée consternée par la condamnation en appel le même jour du groupe pétrolier Total dans le procès Erika: « La France a dit que le droit français prime sur le droit international. Tous nos marins sont en danger dans le monde. C’est normal de condamner l’armateur, mais pas le chargeur. Piétiner le droit international est une jurisprudence extrêmement dommageable! »