Nils Smedegaard Andersen, président-directeur général du groupe AP Møller Mærsk, n'a pas caché son désarroi face aux résultats financiers du groupe. Avec un chiffre d'affaires global de 48,5 Md$, le groupe armatorial de Copenhague a perdu 20,7 % en 2009. L'Ebitda suit le volume d'affaires. Il perd 44,2 % à 9,16 Md$. Le résultat net du groupe est passé dans le rouge. Il perd 129,6 % et plonge à une perte nette de 1,02 Md$. « Nous avons connu une année difficile », a commencé Nils Smedegaard, lors de la conférence de presse. Des difficultés que le groupe a notamment rencontrées sur son activité conteneurs. La répartition des résultats nets du groupe par activité montre que la partie conteneur est la seule à afficher des pertes à hauteur de 2,08 Md$. Les autres, y compris les terminaux portuaires, sont demeurées positives. « Au cours de l'année passée nous avons continué à ajuster nos coûts pour conserver notre rentabilité, a indiqué le président-directeur général. De plus, nous avons recentré notre portefeuille d'activité. »
La principale activité à avoir entraîné les comptes du géant danois dans le rouge a été les conteneurs. Avec un volume de 13,8 MEVP transportés en 2009, AP Møller Mærsk a perdu 1 %. Plus grave, les taux de fret se sont effondrés de 28 %. Au cours de l'année passée, la variation des taux de fret a été forte. Sur le premier semestre, les taux ont perdu quelque 25 %. Depuis le début de l'été, ils ont tendance à remonter par palier pour revenir en janvier 2010 aux niveaux auxquels ils étaient un an plus tôt. Pour demeurer dans le marché, Mærsk a entrepris, comme ses concurrents, de réduire ses coûts. La première décision a été de réduire la vitesse des navires pour apporter une réduction de 5 % des coûts du voyage. Devant la baisse de la demande, l'armement a été amené à mettre à l'ancre 12 % de sa flotte. Enfin, parmi les coûts, l'armement a envoyé à la ferraille 3 % de sa flotte, mais en a reçu 3 %. « Nous avons aussi reporté des livraisons de nouvelles unités pour éviter de créer une surcapacité sur le marché », a continué le président-directeur général.
Sur le dernier trimestre de l'année, les comptes affichent une remontée. « La situation des taux de fret sur le dernier trimestre 2009 et les premiers mois de 2010 sont à la hausse. Nous ne sommes pas dupes. Cette hausse sera-t-elle pérenne ? Nous pensons qu'il s'agit d'une variation liée aux besoins de refaire les stocks plus qu'une tendance lourde à la reprise du marché », a amèrement souligné Nils Smedegaard Andersen. Parce qu'en 2010, la direction générale de Mærsk ne prévoit pas de miracles sur la division conteneurs. La demande doit revenir à des niveaux plus élevés mais l'arrivée de nouvelles cales doit se faire dans un schéma de sortie des navires les plus anciens. « L'année 2010 dépend beaucoup de cette donnée sur les navires neufs entrés et les envois à la ferraille. Nous nous attendons une année meilleure, mais elle ne sera pas pour autant à des niveaux acceptables. »
Se développer sur l'Afrique, l'Amérique latine et l'Inde
Pour demeurer dans ce secteur des conteneurs mais regarder une autre division, APM Terminals, en charge de la gestion de terminaux portuaires, a connu un meilleur sort. Le volume mondial du nombre de conteneurs traités dans le monde a perdu 12 %, « APM Terminals a vu son volume descendre de 7 %, soit moins que le marché. » Alors, si le chiffre d'affaires baisse de 3,1 % à 3,02 Md$, L'Ebitda augmente de 29 % à 738 M$ et le résultat net de 46 % à 442 M$. En 2009, APM Terminals a développé de nouveaux terminaux, notamment l'un à Bahrain et l'autre sur le port congolais de Pointe Noire. Sur les prochains mois, la division manutention du groupe continue d'accroître son volant de terminaux. « Nous regardons dans des ports qui offrent des croissances et des retours sur investissements importants », a indiqué le pdg du groupe. Trois régions dans le monde intéressent particulièrement cette division : l'Afrique, l'Amérique latine et l'Inde. « Des secteurs sur lesquels nous menons une veille sans pour autant oublier nos positions actuelles et les développements que nous pouvons réaliser. »
L'intégration de Broström
La division de l'offshore, des pétroliers et autres activités maritimes a suivi la tendance du conteneur. « Les résultats sont décevants », a déclaré le président-directeur général. Une demande en pétrole en baisse, des stocks à un niveau élevé et une flotte en progression ont largement contribué à assombrir les comptes financiers de Mærsk Tankers. Le rachat de Broström Tankers, dès le début de l'année 2009, a amené la société à prendre les mesures pour intégrer ce nouvel armement dans ses effectifs. « Le processus d'intégration a suivi son cours tout au long de l'année. Les synergies opérées entre les armements vont maintenant se matérialiser », indique le groupe danois. Au final, l'ensemble des activités de cette division a vu son chiffre d'affaires progresser de 3 % à 5,5 Md$ et son Ebitda perdre 13 % à 1,4 Md$. Le résultat net est plus alarmant puisqu'il atteint 275 M$, soit une baisse de 76 %. Et ce marché ne devrait pas connaître de meilleures vagues pour les prochains mois. Selon le groupe AP Møller, la demande en pétrole ne devrait pas s'améliorer. Le marché sera encore difficile. Les taux de fret devraient rester à des niveaux bas malgré un hiver rigoureux et un déstockage. Quant à l'offshore, opéré au travers des deux filiales de Mærsk Drilling, FPSO, LNG et Supply, Nils Smedegaard Andersen constate qu'elles ont enregistré un bon niveau d'activité malgré un marché déprimé et l'arrivée de nouvelles unités. Une partie de la flotte a été couverte par de nouveaux contrats. Dans cette division, Mærsk attend de nouvelles unités sur le marché qui devrait créer une surcapacité et donc tendre encore plus le marché. Enfin, dans cette division entre Norfolk Line. L'armement spécialisé dans les trafics Transmanche a été partiellement cédé au groupe danois DFDS. « La cession de nos parts à ce groupe, et en retour notre acquisition de parts de DFDS, doit encore faire l'objet d'une approbation par les autorités de la concurrence. Ce regroupement tient au marché. Face à la consolidation en cours nous avons décidé de regrouper nos activités. »
La cession de Norfolk Line
La filiale en charge de la production pétrolière, Mærsk Oil & Gas, a vu son chiffre d'affaires baisser de 33 % à 9,02 Md$ alors que son Ebitda (après intégration des coûts d'exploration) perd 37 % à 7,05 Md$. Ces chiffres traduisent la situation du marché. La production pétrolière est demeurée au même niveau qu'en 2008 grâce notamment au projet du Qatar. Une baisse du prix du pétrole a élagué le chiffre d'affaires. Le prix du Brent a perdu 36 %, selon la direction de Mærsk Oil & Gas. Dans le même temps, les coûts d'exploration ont baissé de 19 % tout en demeurant relativement importants. En 2009, de nombreux projets se sont concrétisés. En Grande Bretagne, sur les champs de Golden Eagle, Hobby et Pink, le groupe mène toujours des évaluations. En Angola, à Chissonga, en Grande-Bretagne à Culzean et aux États-Unis à Buckskin, les programmes ont été approuvés. De nouvelles licences obtenues en Norvège et la découverte de nouveaux champs au Danemark dès le début de 2010 sont des éléments positifs pour cette filiale. En 2010, cette activité demeurera à un bon niveau même si la production est estimée inférieure à celle de 2009.
Des réductions de coûts qui visent les marins
Au cours de cette conférence, les dirigeants ont largement insisté sur les réductions apportées au cours de l'année. « Nous devons rester dans la compétition. Nous avons maintenu nos efforts pendant toute l'année », ont répété les dirigeants. Ces réductions ont concerné la structure. « Nous avons abandonné notre organisation selon des régions pour nous concentrer sur nos marchés. Nous travaillons actuellement à l'amélioration de nos systèmes informatiques. » Des changements d'organisation qui n'ont pas épargné le personnel. Le groupe s'est lancé dans un grand mouvement de personnel. Personnels sédentaires mais aussi les personnels navigants ont été touchés. En novembre, le groupe a annoncé en Grande-Bretagne vouloir changer la structure des équipages en embauchant des marins philippins en lieu et place des officiers britanniques. Est-ce une première ou cela pourrait-il perdurer ? « Nous devons continuer à ajuster nos efforts aux nouvelles conditions de marché et même les accélérer si nous voulons battre nos concurrents », nous a confié la direction du groupe. Cette compétitivité concerne aussi les équipages des navires. « Les coûts des équipages varient en fonction du pavillon, et la concurrence est si dure que même les marges comptent. Nous allons examiner attentivement les coûts et les compétences des marins et ainsi adapter nos coûts pour rester dans la compétition », nous a indiqué un responsable du groupe.