Partie pour durer, la grève lancée par la CGT et le Syndicat autonome de la marine marchande (SAM) de la SNCM et de la CMN sur la desserte Marseille-Corse n'aura pas tenu plus de quatre jours. Il aura fallu par contre 10 heures de négociations pour trouver un accord qui satisfasse les parties. La bataille navale déclenchée par la prochaine arrivée de la Moby Line sur Toulon et l'aide sociale au passager, dispositif complémentaire de la délégation de service public, n'a donc pas fait long feu. La proximité des élections régionales qui pourrait voir l'assemblée territoriale de l'Île de Beauté changer de « couleur » y est sans doute pour beaucoup. Visiblement soulagé, Jean-Louis Borloo, ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer s'est réjoui de la reprise du travail et a salué « le comportement responsable des acteurs socio-économiques de Corse malgré les difficultés qu'a engendrées pour les entreprises insulaires ce conflit ».
Il était visiblement dans l'intention des syndicats majoritaires de la SNCM et de la CMN de faire de la question de la continuité territoriale et du service public un débat politique en période électorale. D'autant que ces compagnies emploient directement quelque 850 personnes sur l'île de Beauté. Ont-ils réussi ? La réponse sortira des urnes. La collectivité territoriale de Corse sortante avait pris le cap du libéralisme en baissant notablement le montant de l'enveloppe de la continuité lors d'une de ses ultimes assemblées. La prochaine jouera un rôle déterminant dans la reconduite (ou pas) de la dotation publique à partir de 2013. La grève observée du 22 au 25 février constitue pour cela aussi un coup de semonce.
La mission de Charles Revet
En attendant, les navigants de la CGT et le SAM ont su se faire entendre. La nomination par le gouvernement d'une mission parlementaire conduite par le sénateur Charles Revet, n'est pas la moindre. Examiner les conditions de la concurrence entre les opérateurs et l'ensemble des dispositifs d'aides publiques qui leur sont attribuées « afin de s'assurer que la concurrence entre compagnies maritimes est équitable » n'est-ce pas déjà reconnaître que des distorsions existent ? Jean-Louis Borloo a ainsi souligné « l'importance que le gouvernement et les élus apportent, dans le cadre d'une concurrence saine et loyale, à la qualité du service public de desserte de continuité territoriale entre la Corse et le continent ». La mission parlementaire devrait rendre ses conclusions fin avril.
Le contre-feu de Corsica Ferries
En fine procédurière qu'elle est, la Corsica Ferries a aussitôt allumé un contre-feu en réclamant que « figure également dans ces objectifs (de la mission parlementaire NDRL), l'analyse des conditions de recapitalisation et de privatisation de la SNCM à hauteur de 280 M ¤ et qui ont bénéficié à l'actionnaire privé gérant actuellement la SNCM ». « En effet, en replaçant la SNCM en situation favorable, ces fonds publics ont gravement entaché la concurrence entre les compagnies et sont toujours d'actualité puisqu'ils font l'objet d'une action devant la Cour européenne de justice dont on attend prochainement le jugement », rappelle l'armement bastiais par son siège, italien par son pavillon et suisse par sa holding.
Parmi les autres points obtenus par l'action syndicale, des assurances sur le renouvellement de flotte (alors qu'était évoquée la vente de quatre navires), la prise en compte d'heures supplémentaires et la requalification d'une quarantaine de CDD en CDI, la suspension de la convention d'aide sociale pour la Moby Lines, ont permis d'aboutir à une trêve.