À Marseille, rien n'est trop beau pour la croisière, même les projets les plus fous. Le GPMM n'a pas abandonné l'idée de créer un avant-port au-delà de la digue du large, côté Vieux Port. À l'étude depuis cinq ans, l'aménagement vise à pouvoir accueillir la nouvelle génération de car-ferries ou de cargos mixtes (de 210 m de long), mais surtout à recevoir à proximité du centre-ville des paquebots de croisière de grande taille. Malgré le coût pharaonique de l'investissement, évalué entre 800 M¤ et 1 Md¤, l'établissement public a du mal à s'opposer à l'énorme pression urbaine et touristique exercée sur les bassins Est.
En attendant, Jean-Claude Terrier, DG du GPMM, envisage de « raboter un peu de digue pour rendre plus confortable et plus sûr l'accès » par la passe nord, côté Estaque. Par Mistral, les commandants de super paquebots se détournent facilement et décident au dernier moment de relâcher dans la rade toulonnaise, particulièrement bien abritée. Ces changements auront coûté plus d'une dizaine d'escales et une quarantaine de milliers de passagers, « ralentissant » la progression de ce secteur à 18 % avec un total de 639 000 passagers.
Pour 2010, la marche en avant cessera d'être à deux chiffres, l'objectif est de 690 000 passagers. La bulle du marché de la croisière s'apprête-t-elle à se dégonfler ? Non, le gâteau de la croisière devrait continuer à grossir, mais les convives se font plus nombreux. Dernier en date, à 65 km de la cité phocéenne, Toulon s'est invité. Le port varois est-il en passe de renouveler le coup de la desserte corse pour laquelle il est devenu le premier port continental après avoir joué longtemps les supplétifs ? Sans autre investissement qu'un nouveau bollard, d'une capacité de 200 tonnes, et un aménagement rapide, le môle d'armement de La Seyne-sur-mer vient d'arracher l'adhésion de Royal Caribbean Cruise Line (RCCL). Se détournant de Marseille, le numéro 2 mondial de la croisière réalisera cette année dans le port varois 47 escales représentant quelque 150 000 passagers. Sa décision a-t-elle été motivée par l'insuccès de sa candidature pour l'exploitation du Marseille-Provence Cruise Terminal (MPCT), concession qui a été finalement accordée au consortium formé par MSC Croisière, Costa Croisière et Louis Cruise, ses concurrents ? Peut-être. Mais c'est aussi le résultat de la volonté politique d'Hubert Falco, l'homme fort du Var, qui a tout fait pour que le grand port militaire s'attable au banquet de la croisière.
« Dans un marché qui s'élargit, chacun trouve sa place », commente sobrement Jean-Claude Terrier qui préfère mettre en avant pour Marseille le pourcentage élevé des passagers tête de ligne (178 000 passagers, soit 28 %) qui, s'ils n'ont guère d'incidence sur les recettes portuaires, offrent « des retombées économiques pour le territoire ». La croisière, comme dans la plupart des ports français et européens, apporte un supplément d'activités. Dans les bassins marseillais, elle est en passe d'en devenir le coeur. Le GPMM a investi ces dernières années plus de 20 M¤ sur ce secteur. Un effort que le consortium qui gère désormais le terminal croisières doit prolonger pour parvenir au million de croisiéristes en 2011 comme il s'y est engagé. Il possède de la marge et de l'espace. L'activité fruits et légumes qui partageait avec la croisière le môle Léon Gourret, s'est complètement asséchée. Et l'appel d'offres pour y relancer un trafic conventionnel vient de se révéler infructueux.
« La croisière est l'activité qui performe le plus à Marseille », explique Jean-Claude Terrier. Si, l'an dernier, le port de Marseille a dépassé la barre des deux millions de passagers (2,078 millions), record historique, c'est grâce à elle. Pas étonnant que le GPMM se plaise dans ses présentations à mettre en regard le paquebot des bassins Est et le porte-conteneurs des bassins Ouest, une perspective qui n'est pas sans déplaire à la municipalité marseillaise qui rêve d'ancrer durablement la cité phocéenne dans l'industrie touristique.