Avec la fin des conférences maritimes depuis le mois d'octobre, les armements de lignes régulières annoncent régulièrement des augmentations. Il n'est pas une semaine sans que l'un ou l'autre ne diffuse une information sur une GRI (General Rate Increase) ou l'augmentation d'une surcharge pour les soutes ou en ajustement des parités des monnaies. « Les taux de fret sont devenus bas. Nous devons agir pour conserver un service de qualité à nos clients », plaident les armateurs d'une seule voix. Les indices publiés mettent en évidence la chute brutale des taux sur les principales routes entre l'est et l'ouest. La fin des conférences maritimes empêche les armateurs de s'entendre sur des hausses « concertée ». Désormais, chaque armateur mène sa barque indépendamment et selon sa propre stratégie.
Aujourd'hui, l'arrivée de navires de 13 000 EVP dans les lignes régulières oblige les armements à une stratégie de remplissage. Pour arriver à leurs fins de rentabilité, ils « cassent » les prix, selon certains transitaires. « En fait, souligne un responsable de ligne d'un armement, nous avons nous-mêmes fait entrer le loup dans la bergerie avec ces navires en intégrant une nouvelle donnée en faveur d'une concurrence plus féroce entre nous. Pour remplir, la course se fait plus sur le remplissage au détriment du taux de fret réel devant couvrir les frais fixes du navire ».
Pour les clients de ces compagnies maritimes la situation est devenue différente. Les transitaires constatent le changement. « Le marché est devenu véritablement libre. Si un armateur augmente trop ses taux, il va perdre des parts de marché par rapport à ses concurrents. Nous sommes entrés dans un vrai marché où la loi de l'offre et de la demande s'exerce à part entière », indique Jean-Louis Le Yondre, président du conseil de développement du Grand Port Maritime du Havre. Et il va plus loin. Les effets d'annonce ne seront que des incantations s'ils ne sont pas suivis d'effets par les clients. « L'acte commercial de chaque armateur avec son client va déterminer sa part », explique-t-il.
Au-delà de la relation entre l'armement et le transitaire, ces augmentations tarifaires doivent après être répercutées auprès des clients finaux, les chargeurs. Les transitaires ont généralement deux sortes de clients. D'une part, ceux qui négocient leur contrat sur le long terme et d'autre part, ceux dont les prix s'adaptent en fonction du marché. Sur les premiers, les prix sont revus à chaque anniversaire du contrat. « Nous avons un certain nombre de clients dont les contrats sont négociés trimestriellement. Pour ceux-là, les augmentations ne s'appliquent pas pendant la durée du contrat mais ils sont renégociés à la fin », indique Hervé Balladur, président-directeur général de HBI. Pour les autres, la situation est plus complexe et le pdg de HBI reconnaît les difficultés à répercuter ces hausses. « Dès lors qu'elles sont justifiées par une dégradation trop marquée et un contexte spécifique, les clients comprennent l'augmentation. » A contrario, quand les taux se maintiennent, la pilule est plus difficile à faire avaler. « L'erreur des armements, continue Hervé Balladur, c'est de n'avoir pas appréhendé les véritables attentes du marché. Les clients finaux ne souhaitent pas des prix bas, ils veulent un taux qui soit en adéquation avec le service apporté. Toute chose a un prix. » Cette course au juste prix est aussi dans l'intérêt du transitaire. Commissionné sur le prix du contrat (2,5 % selon les conditions générales du marché), le transitaire pousse pour que les taux soient à des niveaux raisonnables.
La baisse des taux a été une aubaine pour certains. Les transitaires de plus petites dimensions ont vu leur volume augmenter en pouvant proposer des prix identiques à leurs concurrents. « Au début, les GRI ont été annoncées de façon disparate. Rapidement, elles se sont faites avec une plus grande concertation même si les armements ne peuvent plus s'entendre. Aujourd'hui chaque armateur tente d'imposer ses propres hausses selon ses conditions économiques particulières », selon un responsable de l'agence Humann et Taconnet du Havre. Dans sa relation avec le chargeur, le responsable commercial du transitaire joue un jeu difficile. « Nous comprenons la position des armements mais nous avons parfois des difficultés à la justifier auprès de certains chargeurs. » Dans le marché actuel, une augmentation des taux est mal venue. Les volumes ne suivent pas la tendance. « Le moment est mal choisi alors, les chargeurs qui disposent d'un contrat sur plusieurs mois accumulent les volumes sous les termes du contrat finissant. »
Il est aussi un élément étrange. Des groupes internationaux de commission de transport refusent de donner leur point de vue sur ce sujet. Les raisons invoquées sont diverses. Elles tiennent soit à une stratégie interne jugée confidentielle, soit à une volonté de ne pas communiquer sur leur action.