Selon les analystes du marché, quelque 100 millions de barils de pétrole brut sont entreposés à bord d'une cinquantaine de VLCC amarrés au large de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de l'Afrique de l'Ouest, du golfe du Mexique et des ports asiatiques. En outre, 40 pétroliers stockent environ 25 millions de barils de distillats, dont du gasoil et du carburant aviation. Près d'une vingtaine de ces chargements se trouvent dans la zone entre Amsterdam, Rotterdam et Anvers, une dizaine en Méditerranée et le reste en Afrique de l'Ouest. Malgré les variations journalières des volumes, le nombre de navires serait encore supérieur, d'après les analystes maritimes et les traders pétroliers.
Les volumes de pétrole et de produits pétroliers stockés en mer ont battu les records en avril. Le prix du pétrole à la consommation est en effet très en dessous de son coût à la livraison. Cette structure du marché pétrolier, connue sous le nom de « contango », apporte des opportunités commerciales aux compagnies pétrolières.
Taux de fret attractifs
Les taux de fret de VLCC d'une capacité de 2 millions de barils sont tombés à 35 000-40 000 $ par jour, ou 52-60 cents par baril et par mois. Avec des frais financiers moyens de 30 cents par baril et par mois, moins pour une grande compagnie internationale et plus pour une petite société de négoce, cela porte le coût mensuel du stockage d'un baril à environ 90 cents.
Un entreposage flottant meilleur marché donne aux traders plus de souplesse qu'un stockage de longue durée à terre. Aujourd'hui, le volume stocké en mer approche celui du début des années 1990 après la première guerre du golfe Persique. À l'époque, les citernes se sont vidées avec la hausse de la demande. Une reprise de la demande de pétrole est peu probable actuellement, en raison de la plus grave crise économique connue depuis la deuxième guerre mondiale.
Selon les analystes, 125 millions de barils de pétrole et produits dérivés entreposés en mer correspondent à environ 2,85 jours de la demande prévisible des 30 pays de l'OCDE. L'Agence internationale de l'énergie a calculé que les stocks terrestres équivalent à 61,6 jours de la demande de ces mêmes pays. Or d'après le courtier PVM Oil Associates, ce total de 64,45 jours est quasiment historique, car une couverture de 50 jours entraîne une forte hausse des prix, une de 53 jours une augmentation raisonnable, mais une de 57 une baisse et une de 60 jours un effondrement. « Les stocks sont beaucoup plus élevés qu'on ne le pensait et cela implique que, à un certain point, toute reprise va s'arrêter », explique son directeur général David Hufton. Pour les analystes, l'énorme entreposage flottant pourrait expliquer la relative solidité du marché pétrolier au cours des derniers mois, malgré la chute de la consommation dans les grands pays industrialisés. Le prix moyen du pétrole est passé de 150 $ le baril en juillet 2008 à 35 $ en décembre, puis s'est redressé à 50 $ ces dernières semaines.
L'entreposage terrestre
L'entreposage de pétrole à terre est moins cher qu'en mer en temps normal. En outre, les contrats de location sont aussi plus longs qu'en mer, de l'ordre d'une année. Ils offrent donc beaucoup moins de souplesse aux traders, qui souhaitent pouvoir commencer ou terminer des contrats avec un court préavis et le minimum d'agitation.
Le coût d'entreposage du pétrole brut à terre dépend de la durée. Aujourd'hui, selon les analystes, il correspond à 64 cents par baril et par mois pour les contrats les plus courts dans la zone entre Amsterdam, Rotterdam et Anvers. À Singapour, il varie de 5,50 $ à 6,50 $ par m3 et par mois, soit 59 à 69 cents par baril. Aux États-Unis, il est de 10 à 20 % plus cher. Selon le Service américain d'information sur l'énergie, les cuves sont presque pleines et le centre clé de Cushing (Oklahoma) dispose de 30 millions de barils, soit 80 % de sa capacité. Les citernes de Rotterdam sont également bien remplies. En conséquence, la demande de capacité a poussé les tarifs de stockage à la hausse et rendu l'entreposage flottant plus attractif.
Toutefois, « le pétrole ne peut rester entreposé en mer pendant des années, ni même trop de mois, souligne le cabinet JBC Energy de Vienne, cette situation indique une tendance de plus en plus baissière des prix du pétrole ».