Guerre de tranchées en Manche

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L'attaque judiciaire de P&O Ferries se fait indirectement contre LD Lines. P&O Ferries prend au sérieux les intentions de LD Lines sur le détroit et au-delà. La compagnie britannique, filiale de Dubaï World a déposé un recours devant le tribunal administratif de Rouen contre le Syndicat mixte de promotion de l'activité transmanche (SMPAT), pour subvention illégale d'une activité commerciale, aussi bien devant la législation française qu'européenne. P&O Ferries s'appuie sur le rapport de la Cour des Comptes pour 2008, à son avis « très critique », qui fait état d'une subvention cumulée sur sept ans de 128 M¤ entre 2001 et 2007. LD Lines intervient sur la ligne Dieppe- Newhaven dans le cadre d'une délégation de service public, effectivement subventionnée à hauteur d'un peu moins de 14 M¤ cette année. LD Lines loue par ailleurs à la collectivité l'un des deux navires de Transmanche Ferries, à un prix que Pierre Géhanne, le directeur général de LD Armateurs estime « nettement au-dessus du marché », pour effectuer la liaison triangulaire Dieppe-Douvres-Boulogne-sur-mer.

LD Lines n'en reste pas là. « Sans préjuger des réponses que donnera le SMPAT, nous souhaitons apporter des précisions », indique un document émanant de l'armement. Cette aide, selon LD Lines, accordée par le Département de Seine Maritime a été notifiée aux autorités compétentes tant en France qu'à l'échelon européen. Selon la compagnie basée à Suresnes, les sommes incriminées par le rapport de la Cour régionale des comptes portent sur la période antérieure à l'arrivée de LD Lines sur ce lien. « C'est justement devant l'importance des fonds publics nécessaires au fonctionnement de cette ligne que le Conseil général de Seine Maritime a cherché un opérateur privé pour limiter le recours au financement public », indique Pierre Géhanne, directeur de l'armement. Et il se place au-dessus de cette polémique arguant qu'il préfère « mettre toute son énergie au service de ses clients plutôt que dans de vaines polémiques, aussi infondées au préjudiciables. » La compagnie entend se défendre pour la protection de son nom et de sa réputation.

Quelque vingt pages de critiques

Le rapport de la Cour régionale des Comptes publié en février, comporte une partie dédiée aux interventions du Conseil général de Seine Maritime dans le transmanche, intitulé, « la gestion par une collectivité publique d'une ligne de transport maritime Dieppe-Newhaven ». Dans ses conclusions, la Cour régionale des comptes de Haute Normandie estime qu'aucune solution indolore pour les finances du syndicat mixte ne peut être envisagée. Elle relève plusieurs points. Elle note une exploitation constamment déficitaire variant de 1,1 M¤ en 2003 à 19,9 M¤ en 2006. Et la Haute Cour de continuer, « pour atteindre l'équilibre budgétaire, il a dû être fait appel annuellement aux dotations du département. » Au final, quelque 125 M¤ ont été injectés par la collectivité. Plusieurs facteurs ont contribué à la fragilité du système économique de cette ligne selon la Cour régionale des comptes. Elle relève notamment un mode de commercialisation peu adapté, un déséquilibre récurrent entre les charges et les produits non réalisés et une grille tarifaire qui reposait avant tout sur l'accroissement du chiffre d'affaires plus que de la rentabilité. Quant aux charges élevées, elles tiennent aux formes d'acquisition de navires pour assurer l'exploitation de la ligne. Selon la haute juridiction régionale, « le montage aura eu pour conséquence de doubler le prix défiscalisé des deux navires achetés. » Dans ses conclusions et recommandations, la Cour régionale des comptes note que le déficit cumulé atteint, au 31 décembre 2007, la somme de 128 M¤. « Le département s'est lancé, pratiquement en solitaire, dans une activité commerciale à la rentabilité aléatoire, accompagnée d'un investissement hasardeux, et en grande partie irrégulier. » Et elle continue, « les modifications continuelles du mode de gestion retenu traduisent d'une collectivité territoriale qui subit, plus qu'elle ne maîtrise, les contraintes d'une activité commerciale spécifique à laquelle elle ne s'était pas préparée. » Pour le ministère en charge des transports, la délégation de service public de cette ligne, confiée à Louis Dreyfus Armateurs, répond partiellement aux critiques formulées par la Cour. Le président du département de la Seine Maritime, Didier Marie, a répondu sur plusieurs points. Depuis sa prise de fonction en 2004, il a donné de nouvelles orientations avec, notamment, la cession de la compagnie Newhaven Port and Properties limited, société en charge de la gestion du port britannique. D'autre part, il a été à l'origine de la délégation de service public. « Cette ligne est déléguée moyennant une compensation de service public s'élevant à 14,5 M¤ par an. Un dispositif financier est prévu pour réduire cette compensation dès lors que les résultats se révèlent excédentaires. À ce jour, ce mécanisme n'a pu être activé. » Alors, si les pertes épongées par le département, au sens des attaques par P&O ferries ne concernent l'exploitation de cette ligne avant la délégation de service public à Louis Dreyfus Armateurs, ce dernier perçoit toujours une aide annuelle.

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