Lorsqu’en 2007, à la faveur d’un appel d’offres à privatisation, le groupe CMA CGM prend le contrôle de la Compagnie marocaine de navigation (Comanav) en s’emparant de 52 % du capital pour 201,3 M€, tout le monde s’interroge sur le devenir de la branche passagers. En se payant l’armement no 1 du Maroc, le groupe de Jacques Saadé assoit sa puissance sur le Maghreb pour les diverses et les conteneurs. Le trafic de passagers (environ 1 M), dont il est loin d’être un expert, était destiné à être rétrocédé à l’espagnol Balearia (voir encadré).
Deux ans plus tard, cette activité revient à son lieu d’origine en étant vendue à la société marocaine Comarit pour 80 M€. En s’offrant le pôle passagers de la Comanav, l’homme d’affaires Ali Abdoulmoulah sort une épine du pied de CMA CGM qui a vu la piste espagnole (Balearia, mais aussi Transmed) s’effondrer brutalement avec la crise. La Comarit, compagnie maroco-norvégienne, devrait reprendre tous les actifs de Maroc Ferry, (dont notamment cinq navires), propriété de la compagnie rachetée, et renforcer son rôle sur les dessertes avec le détroit (Tanger-Algésiras) et le continent européen (Nador-Almeria et Tanger-Sète).
Du côté de CMA CGM, on se félicite évidemment d’une opération qui permet de se « recentrer ses activités au Maroc dans le développement des terminaux portuaires, notamment à Somaport (Casablanca), qui ouvrira ses portes au premier semestre 2009 et à Tanger-Med, en activité depuis 2007 ». Le groupe, indique le même communiqué, développe également le transport de marchandises par conteneurs, afin de « multiplier les services maritimes reliant le Maroc au reste du monde ». CMA CGM opère aujourd’hui en propre ou à travers ses filiales Comanav et Delmas, 11 services de transport conteneurisé avec les ports de l’Europe du Nord (Le Havre, Anvers, Rouen, Dunkerque, Rotterdam, Portsmouth), la Méditerranée (Marseille, Port Vendres, Malte, Valence, Barcelone, La Spezia), l’Afrique de l’Ouest (Abidjan, Tema, Lomé, Cotonou, Nouakchott, Dakar, Banjul, Conakry, Freetown, Monrovia) et le Maroc (Agadir, Casablanca et Tanger).
Balearia: 10 ans de progression
Fondée il y a tout juste 10 ans, la compagnie Balearia, également connue sous le nom d’Eurolíneas Marítimas, est devenue le leader des liaisons avec les îles Baléares et le no 2 de la desserte du détroit de Gibraltar. Forte d’une flotte de 14 navires, elle avoue 215 M€ d’activités pour 2008. Une stratégie de niche lui a permis d’assurer un trafic de 5,2 millions de passagers sur Majorque et Minorque, et un autre de 1,5 million pour les lignes entre Algésiras, Tanger et Ceuta. Son ascension a fait croire à Balearia qu’un rapprochement avec CMA CGM autour de l’activité passagers Comanav pouvait être une nouvelle opportunité de croissance. Le déséquilibre financier et la crise mondiale en ont décidé autrement pour la compagnie dirigée par Adolfo Utor. L’année 2009 sera consacrée à un nécessaire rééquilibrage budgétaire pour sortir du rouge. Elle se prépare aussi à renouveler une partie de sa flotte pour un investissement de 350 M€. « Nous avons arrêté tous les projets d’expansion », reconnaît aujourd’hui son dirigeant.