LD Lines continue sa marche vers le Détroit du Pas-de-Calais. Après avoir pris pied à Dieppe puis renforcé le service du Havre vers l’Irlande, l’armement prend pied dans le port de Boulogne sur Mer. Le 12 février, le Côte-D’Albatre a effectué le premier voyage commercial. Affrété par LD Lines au Conseil général de la Seine-Maritime, le navire a chargé principalement des voitures et des camionnettes pour son premier voyage. L’affrètement s’est fait « dans des conditions supérieures au marché », précise Pierre Géhanne, directeur général du LD Armateurs.
Une inauguration alors que les premiers résultats des opérateurs sur le Transmanche tombent et montrent un secteur en pleine déprime. « Nous avons démarré cette ligne un peu plus tôt que prévu en raison du départ de Speed Ferries du port de Boulogne », indique Christophe Santoni, directeur général de LD Lines. À l’origine, l’armement a prévu une arrivée sur les quais de Boulogne pour le 1er juillet, lorsque le futur hub de Boulogne aurait été mis en service. Les terrains occupés par l’ancienne Comilog doivent être réaffectés en une zone pour accueillir les navires rouliers. « Dès lors qu’une infrastructure est disponible, une compagnie serait venue sur le port, selon Pierre Géhanne, président de LD Lines. La nature a horreur du vide alors nous avons occupé ce poste. »
Le Côte-D’Albatre et le Seven-Sisters, deux navires sister-ship opérant jusque-là sur la ligne par alternance entre Dieppe et Newhaven sont désormais affectés à cette ligne. Ils effectuent deux allers et retours par jour entre les deux ports pendant la semaine (voir encadré). La traversée se fait en 1 h 45. Le troisième aller et retour se fait entre Dieppe et Douvres. Le samedi, les navires partent de Dieppe pour rejoindre Douvres puis de Douvres à Boulogne et de Boulogne à Douvres. Le dimanche, ils réalisent deux allers et retours entre Douvres et Boulogne.
38 000 camions par an
Pierre Géhanne a déjà fait ses calculs. Le seuil de rentabilité de cette ligne devrait se faire avec 450 000 passagers, 120 000 voitures et 38 000 camions. « Il n’est pas envisageable de faire uniquement du passager sur le Transmanche. Nous devons combiner fret et passagers pour assurer à la ligne une profitabilité. » Pendant l’exploitation de sa ligne, Speed Ferries a réussi à embarquer quelque 700 000 passagers en un an. « Nous devons rester prudents. La rentabilité de cette ligne ne se fera sans doute pas dès la première année mais nous y mettons les moyens », assure le directeur général de Louis Dreyfus Armateurs. Pour son premier voyage commercial, l’amarrage du navire a été un peu laborieux. « Nous devons prendre nos marques mais nous avons seulement réalisé un essai il y a quelques jours », nous a expliqué un responsable de LD Lines à Boulogne. Peu importe, l’armement maintien le cap. « Boulogne est complémentaire du port de Calais », assure Pierre Géhanne. Des propos qui ne cachent pas l’objectif de l’armateur. « Dès notre installation dans le port du Havre nous avons rapidement senti que notre axe de développement se situe sur le Détroit du Pas-de-Calais. » En ouvrant cette ligne, LD Lines se rapproche de son but. Et pour renforcer sa position dans ce port, LD Lines attend pour le mois de juillet un nouveau navire. construit dans les chantiers de Singapour, ce nouveau ferry propose une capacité de 1 300 passagers, 100 camions et 300 voitures. Il viendra épauler la flotte actuellement en service sur le Transmanche.
Six départs quotidiens
À partir de cette date, la liaison entre Boulogne et Douvres sera améliorée avec six départs quotidiens de Boulogne et autant de Douvres, ainsi qu’un aller et retour de Dieppe à Douvres. Parallèlement, le port de Boulogne devrait inaugurer, à cette date, son nouveau terminal. Cette nouvelle installation offre aux transporteurs routiers des espaces de repos pour les coupures de temps de transport et le port y a apporté un effort particulier sur la sûreté.
L’ouverture de cette ligne dans des conditions économiques difficiles peut paraître courageuse. L’armateur et l’autorité portuaire n’en démordent pas. Il existe un marché notamment pour le fret sur ce port. Avec 380 000 tonnes de produits de la mer en entrée chaque année, et une position géographique entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, le port joue la carte de la logistique multimodale, indiquent les responsables de la CCI de Boulogne sur Mer.
L’ouverture de cette ligne est le premier pas dans la direction du Détroit du Pas-de-Calais. Et la question d’une implantation prochaine sur Calais ressurgit. Et la question d’une reprise de SeaFrance est lancée. « Nous ne sommes pas au courant de l’ouverture de ce dossier. Si demain, une proposition s’ouvre, nous regarderons avec intérêt les conditions », assure Pierre Géhanne.
Des horaires serrés
La ligne entre Boulogne et Douvres se fait selon des horaires serrés pour une offre plus complète.
Les navires quittent Boulogne les jours de semaine à 10 h 45 et 16 h 15 pour une arrivée à Douvres à 11 h 30, 17 h 00. Ils quittent Douvres à 07 h 00 et 12 h 30 pour une arrivée à Boulogne à 09 h 15 et 15 h 15. Le samedi ils quittent Douvres à 07 h 00 pour une arrivée à 09 h 45 et un retour à 18 h 00 pour entrer à Douvres à 18 h 45. Le dimanche, ils effectuent la rotation avec un départ de Douvres à 07 h 00 pour arriver à 09 h 45 avec un retour au départ de Boulogne à 16 h 15 et une arrivée à Douvres à 17 h 00.
Dans ces horaires, viennent s’intercaler des liaisons entre Douvres et Dieppe. Les jours de semaine, le navire quitte le port de Douvres à 18 h 00 pour une arrivée à Dieppe à 23 h 15. Il repart du port de Dieppe à 00 h 30 pour une arrivée à Douvres à 05 h 00 et reprend ses rotations entre Boulogne et Douvres. Le samedi, le navire assure une rotation entre Dieppe et Douvres seulement avec un départ à 00 h 30 pour une arrivée sur le sol britannique à 05 h 00. Le dimanche, le navire quitte le port de Douvres à 18 h 00 pour une arrivée sur Dieppe à 23 h 15 et un retour de Dieppe à 02 h 00 pour une arrivée sur Douvres à 05 h 00.
LD Lines, du ferry aux autoroutes de la Mer
LD Lines représente environ 10 % du chiffre d’affaires de LD Armateurs, soit 120 M€. Le groupe réalisant quelque 1,2 Md€ de chiffres d’affaires. Présent dans le Transmanche depuis 2005, en reprenant la ligne entre Le Havre et Portsmouth, l’armement cherche aujourd’hui de nouveaux développements sur les autoroutes de la Mer. « Nous avons des contacts avec le gouvernement français dans le cadre de l’appel à projets sur la côte Atlantique, déclare Pierre Géhanne, directeur général de LD Armateurs. La meilleure rotation à envisager se ferait entre Nantes/Saint-Nazaire et Gijon pour des relations en accompagné. Une liaison plus longue se ferait principalement pour le non accompagné, et alors dans ce cas, nous entrons dans un autre processus logistique. » Et le directeur général élude tout de go une liaison avec La Rochelle, « moins bien placée que Nantes saint Nazaire. » Quant aux questions sur les incitations, elles doivent être abordées en amont. « Un camion est fait pour rouler. L’inciter à emprunter un navire se fait selon deux critères: soit l’opérateur routier a un avantage soit il existe un obstacle naturel. » Alors Pierre Géhanne se prononce plutôt en faveur d’une incitation pour les deux parties au transport, les routiers et l’armateur, « mais dans des conditions simples. Il ne faut pas créer un système trop compliqué qui retarde à chacun de percevoir ses avantages au risque de voir la ligne s’arrêter avant l’heure. »