Le nombre d’actes de piraterie a augmenté de plus de 11 % dans le monde en 2007, soit le record constaté par le centre de recensement de la piraterie de l’International Maritime Bureau (IMB) de Londres depuis 1992.
Selon lui, il y a eu 293 actes de piraterie, contre 263 un an auparavant. Des pirates ont détourné 49 navires (18 en 2007), ont pris 889 navigants en otage (292), en ont enlevé 42 contre rançon (63), en ont blessé 32 (35) et en ont tué 11 (5).
Cette hausse générale est surtout due aux attaques dans le golfe d’Aden et la côte Est de la Somalie avec 111 incidents (+ 200 % en un an), dont 19 en septembre, 15 en octobre et 16 en novembre. En outre, pour la première fois, un VLCC, le Sirius-Star, a été détourné. Les attaques se produisent de plus en plus loin de la côte. Tous les types de navires, quels que soient leurs francs-bords et leurs vitesses ont été visés. Les pirates sont mieux armés que les années précédentes et prêts à molester et blesser les navigants. L’IMB a exprimé ses remerciements pour leur coopération jugée vitale aux forces navales étrangères présentes sur zone: l’escadre européenne de l’opération Atalante, celle de l’Otan, les Marines française, américaine, indienne, malaisienne et russe ainsi que les gardes-côte du Yemen. La Grande-Bretagne et le Kenya ont signé un mémorandum d’entente sur le transfert et le jugement au Kenya des pirates somaliens capturés par la Marine britannique. Enfin depuis le 1er janvier 2009, l’armement CMA CGM impose une surcharge 23 $ par EVP sur tous les conteneurs devant passer par le golfe d’Aden, après avoir accepté de doubler, pendant la durée du transit, le salaire des équipages des navires qui les transportent.
Le Nigeria est toujours la deuxième zone dangereuse avec 40 incidents signalés dont 27 abordages, 5 détournements et 39 otages. L’IMB estime qu’une centaine d’incidents supplémentaires s’y sont produits, mais ne lui ont pas été directement confirmés. Les motivations des attaques sont en partie politiques: revendications territoriales de groupes indépendantistes ou contre les compagnies pétrolières. Même les navires sous escorte militaire a ou avec des gardes armés à bord constituent des proies.
En revanche, « l’Indonésie doit être félicitée pour ses efforts en vue de réduire la piraterie et les vols à main armées dans ses eaux », a déclaré le commandant Pottengal Mukundan, directeur de l’IMB. Il n’y a eu en effet que 28 incidents en 2008, contre 121 cinq ans auparavant. Il en est de même dans le détroit de Malacca avec 2 incidents (7 en 2007) par suite de la vigilance accrue et des patrouilles organisées par les États riverains ainsi que les mesures préventives à bord des navires. Pourtant, la Marine indonésienne s’attend à une recrudescence de la piraterie dans le détroit de Malacca en raison de la crise économique mondiale. En conséquence, les patrouilles conjointes avec la Malaisie et la Thaïlande seront renforcées.
Au Bangladesh (Chittagong) et en Tanzanie (Dar es Salaam), les attaques visent surtout des navires au mouillage. Parmi les 14 navires attaqués à Dar es Salaam, 12 sont des porte-conteneurs.
Retombées en Somalie
Les actes de piraterie sont devenus un microsecteur d’activité très rentable en Somalie. Les experts de la sécurité maritime estiment à 1 200 le nombre de pirates dans le golfe d’Aden aujourd’hui, contre à peine à peine une centaine trois ans plus tôt. Pour certains, l’essor de cette piraterie trouve en grande partie ses racines dans le trafic ancestral et la contrebande endémique. Pour d’autres, il résulte de la colère d’anciens gardes-côte, furieux de voir deS chalutiers européens, notamment des thoniers, « piller illégalement les zones de pêche des eaux territoriales somaliennes ». Selon les autorités kenyanes, les rançons versées auraient dépassé 150 M$ en 2008. Elles sont à l’abri en Somalie, pays sans État central, sans véritables forces de l’ordre et surbout sans système bancaire relié au reste du monde, qui permettrait d’en retrouver les traces de « blanchiments » dans le système financier international. « L’argent se trouve là-bas, pour l’essentiel en liquide. Le gouvernement local ne s’en préoccupe pas ou n’a pas l’autorité pour s’y opposer, effectuer des contrôles, a déclaré à l’agence Reuters le banquier égyptien Hany Aby-El-Fotouh, spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d’argent, tous les contrats douteux sont réglés en argent liquide » pour l’achat d’armes, d’appareils de communication, de vedettes rapides et d’autres équipements. De son côté, Ismail Ahmed, expert britannique des questions de développement et de finances en Somalie, indique que, hormis les pirates participant directement aux opérations, il y a ceux qui assurent les négociations avec les compagnies maritimes, la fourniture d’armes, l’entraînement des pirates, la collecte des renseignements et la logistique. De plus, les pirates investissent dans des secteurs de leurs villages d’origine, en toute impunité. Toutes les villes de la région connaissent un essor économique sans précédent. L’économie, qui souffre d’une hyperinflation alimentée par l’émission continuelle de shillings somaliens utilisés seulement pour les petits paiements, repose désormais sur le dollar.
Par ailleurs, Michael Weinstein, spécialiste de la Somalie à l’université américaine de Purdue (Indiana), estime que « l’administration (de la région semi-autonome du Puntland) est minée par la corruption de responsables qui ont partie liée avec les pirates ». Dans un entretien à l’agence Reuters, le président du Puntland, Adde Muse, reconnaît que les pirates mènent grand train. Toutefois, ajoute-t-il, « les responsables de mon gouvernement ne font pas partie des pirates, mais un simple soldat pourrait les rejoindre par appât du gain ». Enfin, de nombreux jeunes gens, auparavant engagés dans les milices rivales somaliennes, ont préféré se tourner vers la piraterie, plus lucrative et relativement moins dangereuse.