Présentées une première fois dans une interview publiée par Les Echos, une deuxième fois lors des 4èmes Assises de l’Économie maritime, début décembre, les constatations de Philippe Louis-Dreyfus, président de l’ECSA et actionnaire majoritaire de Louis-Dreyfus Armement commencent à être connues. Elles ont maintenant une valeur européenne. Schématiquement, la crise financière, puis économique a entraîné une crise dans les marchés des vracs secs bien supérieure à celle des autres segments du transport maritime. L’affrètement d’un Capesize est passé en quelques mois de 200 000 US$/j à 5 000 ou 6 000 $/j. Certains opérateurs ont oublié que le transport maritime était une industrie. Le bon sens est passé au second plan. Il y a trop de navires en commande. Les banques ont cessées de faire le tri entre les bons risques et les autres. Mais le pire est à venir avec les dérivées sur le fret papier (Forward Freight Agreement). Cessant d’être un outil permettant aux chargeurs de lisser leurs coûts de transport, elles sont devenues un marché en elles-mêmes largement déconnectées des réalités de terrain.
Les conséquences de l’effondrement du crédit touchent tous les secteurs du transport maritime et heurtent les valeurs du président des armateurs européens et celles de ces derniers. Le manque de confiance s’est généralisé entre banques et entre ces dernières et leurs clients. « Le non respect de ses engagements est devenu un mode de gestion », regrette Philippe Louis-Dreyfus qui a passé une quinzaine d’années dans le secteur bancaire. Cette « innovation » dans la gouvernance d’entreprise aura un effet domino préjudiciable pour tout le monde: les transporteurs, les navigants, la sécurité maritime, etc.
Respecter les engagements
La crise actuelle va nettoyer les marchés et les banques vont retrouver la voie du bon sens, espère le président de l’ECSA. Les fondamentaux de la vieille économie devraient revenir au premier plan et chacun doit s’occuper de son « business » tout en conservant à l’esprit que le transport maritime est une industrie cyclique. Les transporteurs doivent respecter leurs engagements. Philippe Louis- Dreyfus est agacé lorsqu’il lit ici et là que tel armateur dit pouvoir restituer à tout moment les navires dont il n’a plus l’usage. C’est oublier un peu vite qu’un contrat d’affrètement de longue durée prévoit des pénalités en cas de restitution du navire sans cause réelle.
La période des bons vœux
À défaut de proposer des solutions pratiques pour limiter les conséquences d’une crise à laquelle ils ne sont pas étrangers, les armateurs européens suggèrent aux gouvernements de ne pas prendre de mesures protectionnistes contraire au retour à une économie robuste. Comme toujours, ils plaident pour une stabilité de leur environnement, nécessaire à une industrie vivant à long terme. Enfin, les banques doivent retrouver le chemin du financement et des navires et du commerce international.
En ce qui concerne les navires, il ne faudrait pas trop se hâter peut-être car les représentants de l’ECSA reconnaissent que si les compagnies peuvent disparaître ou être absorbées par d’autres, leurs navires, eux, ne disparaissent pas. Ainsi les surcapacités demeurent sauf celles représentées par les vieux vraquiers proches de leur special survey. En effet, face à des recettes d’affrètement en chute libre, la perspective de devoir dépenser quelques centaines de milliers de dollars peut entraîner un ferraillage du navire. Mais il s’agirait là d’une décision individuelle car les armateurs européens n’ont pu se mettre d’accord sur un projet de politique de ferraillage des vieux navires.
En matière de protection de leurs équipages contre des attaques piraterie, ils sont d’accord pour que les premiers ne soient ni armés, ni accompagnés par des « milices » privées. Par contre, la présence de commandos marine d’État n’est pas exclue.