Le fluvio-maritime: un mythe toujours vivant

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Certes cette journée était gratuite mais quand même. Le 24 octobre, un vendredi, près de 150 personnes pour entendre parler d’un segment « mal connu, pour ne pas dire confidentiel », selon Fernand Bozzoni, président du BP2S; le bureau français de promotion du transport maritime de courte distance étant l’organisateur de cette journée.

Confidentiel mais dont les perspectives sont « riches et prometteuses », a estimé Patrick Vieu, jeune directeur des services de transport au sein du MEEDDAT. « Le ministère est particulièrement attentif aux réflexions de cette journée ».

Deux fleuves en France accueillaient ces navires de mer dont la petite taille et le tirant d’air réduit leur permettent de remonter vers l’intérieur.

Sur la Seine, depuis une quarante d’années, les silos de Bonnières (à côté de Mantes-la-Jolie) utilisent des fluvio-caboteurs afin d’exporter du blé vers la Grande-Bretagne qui, alors, ne faisait pas partie de la CEE. En 2001, cet exportateur est devenu propriétaire de deux navires et demi afin d’être sûr de disposer d’un moyen de transport à tout moment. Ces navires sont immatriculés aux Bahamas, répondait Jean Solal, d. g. des silos, sans autre explication. Le fluvio-maritime capable de charger entre 1 500 t et 2 000 t de blé permet une manutention facile, limite les ruptures de charge et facilite la traçabilité. En matière d’agroalimentaire, la traçabilité joue un rôle essentiel après la crise de la vache folle, souligne Jean Solal. Le vrai décideur chez le minotier est maintenant le directeur qualité. Le grain doit être « suivi » depuis le champ jusqu’à sa livraison.

Ce mode s’intègre également dans la logistique industrielle des meuniers qui ne veulent ni stocker, ni être en rupture d’approvisionnement. Il doit donc travailler en juste-à-temps.

En concurrence avec le caboteur purement maritime de 3 000 tpl et plus arrivant jusqu’à Rouen, le fluvio-maritime doit faire la différence grâce à un pré et post-acheminement courts et un temps de navigation maximal de trois jours dans chaque sens.

Parmi ses points négatifs, Jean Solal regrette que le 44 t ne soit pas autorisé aux camions livrant à Bonnières car ce port n’est pas considéré comme étant maritime. Le manque d’importations susceptibles d’être livrées le long de la Seine crée une demande de transport favorable à une bonne utilisation des navires constitue également un frein. Rémi Loth, ancien responsable du fluvio maritime au Port autonome de Paris, pourrait donc reprendre du service.

Au total, une douzaine de clients réguliers sont desservis par les unités appartenant ou affrétées par les silos de Bonnières.

Agent de l’armement Maritramp basé à Chypre, agent consignataire ainsi que courtier d’affrètement sur le Rhône, Marc Lomuto compte 35 chargeurs réguliers utilisant la Saône ou le Rhône en fluvio-maritime. Les transports concernent principalement les pondéreux (ammonitrates compris) mais depuis peu, le caissage également. Marc Lomuto formule deux demandes: que la construction neuve de fluvio-maritime soit aidée par un programme européen et que le combustible consommé durant la navigation fluviale ne soit pas soumis à la TVA en France.

Souvenir, souvenir

Sorte de grand témoin à la parole désormais libre, Michel Meynet a eu la lourde tâche de conclure cette journée. Il a rappelé l’expérience de courte durée de l’Aramon entre Lyon et la Tunisie, au début des années 90. Les Affaires Maritimes exigeaient 11 marins à bord. Une négociation a ramené l’effectif entre huit et neuf mais la concurrence était à six. Il note « l’incroyable pudeur » concernant les prix des navires ou les coûts de manutention. Encore que la représentante du port de Lyon ait répondu que la manutention lyonnaise représente grosso modo la moitié de celle de Marseille.

Dans cette activité, Michel Meynet a souligné l’importance du sens commercial dont doit faire preuve l’armateur et/ou son agent. L’âge de la flotte constitue un facteur de sécurité, a noté l’ancien directeur adjoint à la flotte de commerce, « et tout fonctionnaire doit s’intéresser à la sécurité mais pas à tout prix. Il n’y a pas de honte à faire du sur-mesure à ce sujet ». Il conclut en notant l’absence des opérateurs italiens, espagnols ou allemands. Un discret fantôme est passé dans la salle. Celui de Jean-Robert Tonneau qui ne ménagea pas ses efforts pour tenter de conserver sous contrôle français l’important armateur fluvio-maritime RMS, basé à Duisbourg, lorsque Sanara sombra durant la première moitié des années 90.

L’omerta sur la sécurité

Si plusieurs intervenants ont souligné le vieillissement de la flotte de fluvio-maritime, venant en grande partie de l’ex-Union soviétique, aucun ne s’est ému de la faible motorisation généralement installée sur ces navires. Il n’a pas été question d’évoquer ces registres d’immatriculation, notamment européens (comme Chypre et les Pays-Bas) qui acceptent que l’organisation du travail à bord amène l’officier de quart à la passerelle à être seul durant les périodes d’obscurité et à travailler deux fois 6 h par 24 h. Sans statistiques sur la sinistralité, on ne peut parler de dangerosité des fluvio-maritimes, observe Jean Solal. Soit, commençons donc par l’Advance (88 m) qui a sombré au S-O de Penmarc’h le 30 mars (JMM, 4 avril 2008, p. 5); puis le Natissa qui s’est « planté » légèrement sur Porquerolles (JMM, 24 octobre 2008). Sans parler du maltais Arvin et du russe Danube-Voyager qui se sont échoués, lèges, devant Port-La-Nouvelle en novembre 1999; le rapport du BEA fut édifiant, mettant en cause toute la filière, affréteurs compris (JMM, 19 janvier 2001, p. 83). D’autres éléments statistiques devraient suivre prochainement.

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