MSC ne fait pas partie de ces armements au passé centenaire. Créée par Gianluigi Aponte, son actuel président, la compagnie basée à Genève a vu le jour au début des années soixante-dix. Son fondateur est capitaine de navire et commence dans ce milieu avec une unité qu’il arme et fait naviguer. À ses débuts, l’armement opère principalement sur les trafics conventionnels. Mais dès le milieu de la décennie apparaît la conteneurisation. Et très vite, MSC mise sur ce nouveau contenant. Un pari qui lui réussit. La compagnie investit dans des porte-conteneurs. Et le pari de la croissance organique a porté MSC rapidement vers le haut du classement des armements conteneurisés mondiaux. « Le groupe a toujours privilégié la croissance interne au lieu des acquisitions », explique Stephan Snijders, directeur général de MSC France. Le résultat est probant. En 38 ans, MSC est devenu le second armateur mondial derrière le géant danois Mærsk. Et l’armement a aussi su conserver ses atouts d’origine. Une compagnie entre les mains d’une famille, les Aponte, des Napolitains installés sur les bords du Lac Léman à Genève, pour conserver de la réactivité. Ces caractéristiques sont encore des atouts majeurs, selon Stephan Snijders qui qualifie l’armement de multinationale familiale. « De par cette propriété, nous pouvons prendre rapidement des décisions parce que nous avons moins de décisionnaires qu’une société cotée en bourse.» Enfin, en demeurant entre les mains d’une famille, les gains financiers réalisés chaque année ne sont pas redistribués à des actionnaires, mais plutôt réinvestis dans de nouveaux moyens.
Dans les années suivant sa création, MSC s’est constitué un réseau d’agences dans le monde. En France, l’armement a commencé par confier la représentation de ses intérêts à Sealiner, une société indépendante. En 1993, l’armement décide de s’implanter en propre en reprenant les effectifs de l’agence. Au fur et à mesure, MSC France va s’étendre sur le territoire. En 1994, il ouvre une agence à Montoir, puis à Rouen et à Marseille. Cette même année, MSC part à l’assaut des départements d’outre-mer et prend position à la Réunion. En 1995, MSC France ouvre une agence à Bordeaux. Et en 1998, la compagnie accoste à Mayotte. Aujourd’hui, MSC France est présent dans les grands centres industriels français. La direction générale est basée à Paris; le centre administratif au Havre. Plus récemment, ce réseau a été complété avec l’ouverture d’une agence à Lyon en décembre 2007. Une ouverture suivie dès le 11 janvier par celle d’un bureau à Dunkerque.
Au fil des ans, MSC a étendu sa gamme de prestations. « Nous vivons une révolution qui ne fait pas de bruit, celle du passage du métier d’armateur à celui d’opérateur global de transport intercontinental », indique Stephan Snijders. Un constat qui s’accompagne de faits. L’armement a en effet investi dans de nombreux ports pour prendre place comme manutentionnaire. En France, il est présent au Havre, sur le terminal de Bougainville en partenariat avec Terminaux de Normandie. « Nous avons été les premiers à signer pour disposer de quais à Port 2000. Mais pour les premiers postes à quai, nous avons laissé notre place. Nous attendons nos navires de 12 000 EVP en 2010. Jusque-là, nous pouvons opérer nos navires sur le terminal de Bougainville. » Fort de ce succès, MSC est aussi sur la liste des concessionnaires à Marseille pour Fos 2 XL. Alors quand Mærsk Line quitte Dunkerque et que MSC annonce un renforcement de son activité localement, la question d’une prise de participation dans le terminal, actuellement détenu par AP Møller se pose. La réponse est calculée. « Nous allons y réfléchir selon le développement de nos activités et des escales. La situation incite à ce que nous nous y intéressions », précise Stephan Snijders.
À côté de la manutention, MSC a aussi mis le pied sur le fleuve. Dès 2004, ce mode de transport a séduit l’armement lorsqu’il a été contraint de revoir son schéma logistique sur la ligne de l’océan Indien. À cette date, il décide de prendre des navires de plus grande taille et d’étendre cette ligne vers l’Australie. La desserte du port de Rouen pose alors des problèmes. Le choix s’impose: assurer par barge les liaisons entre Rouen et Le Havre pour conserver une base dans les deux ports normands. « Rouen est un port de groupage important que nous ne voulions pas enlever de nos rotations. » De plus, l’agrément donné par les douanes leur permet de faire de cette liaison fluviale un feeder. Et devant le succès de ce schéma logistique, MSC décide de le développer. Aujourd’hui, l’armement assure quatre rotations hebdomadaires entre Le Havre et Rouen ainsi que deux rotations entre Le Havre et Gennevilliers. « Le fluvial est nécessaire pour évacuer les terminaux maritimes rapidement et éviter un engorgement des ports qui serait coûteux », souligne le directeur de MSC France.
Après la manutention et le fluvial, MSC s’intéresse maintenant au ferroviaire. Et ce d’autant plus que la libéralisation de ce mode lui ouvre des opportunités. « Nous avons déjà des navettes en Europe entre la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. En France nous regardons attentivement.» Cette période d’observation se fait surtout sur les partenariats à conclure avec des opérateurs ferroviaires. L’armement ne souhaite pas être tractionnaire, mais disposer de wagons pour assurer ses propres liaisons.
Cette diversification des activités ne fait pas pour autant oublier les risques qui pèsent aujourd’hui sur les armements conteneurisés. L’évolution récente du prix des soutes vient malmener leurs résultats financiers. Pour revenir à des taux de rentabilité honorables, les compagnies font le choix soit de réduire la vitesse de leur navire soit d’arrêter des escales. MSC a pris une troisième alternative. L’armement a refusé de réduire la vitesse de ses navires. De plus, il a refusé de retirer des navires des lignes pour réaliser des économies, mais, bien plus, il ajoute de nouvelles unités pour avoir une offre plus grande. Un pari pour prendre des parts de marché ou, du moins conserver celles qu’il a. Dans cette logique, MSC, à l’image des armements appartenant à des conférences et desservant l’Extrême-Orient, a imposé une hausse des taux de fret, notamment pour les trafics en sortie d’Europe vers l’Asie. « Les taux sont tombés à un niveau exceptionnellement bas, voire pratiquement gratuit », indique Stephan Snijders. Cette augmentation a constitué un véritable big bang, mais relativement bien accepté par les chargeurs, selon le directeur de MSC France, car elle est la même pour tous.
Dunkerque, un nouvel hub?
L’arrivée de MSC à Dunkerque coïncide avec l’annonce de Maersk Line d’y suspendre prochainement ses escales. Certains analystes ont prêté à MSC la volonté de vouloir faire de ce port un nouvel hub pour remplacer Mærsk Line. « Nous préparons depuis plusieurs mois notre arrivée dans ce port. Certes, le départ annoncé de Maersk Line dans quelques mois change la donne, mais ce fait n’est pas à l’origine de notre choix », assure Stephan Snijders. Le directeur général de MSC France jauge cette région à l’aune de ses potentiels: des développements importants sur la région du nord pour la grande distribution et pour les importations. « Dunkerque dispose d’atouts indéniables. Cependant, pour décider de réaliser des escales dans un port nous avons besoin de trafics import et export, mais aussi de feedering », explique le directeur de l’armement. Parce que la stratégie de l’armement lors de son choix des escales repose aussi sur les possibilités de transbordement. L’arrivée d’un navire de 12 000 EVP dans un port doit devenir rentable et les mouvements pour l’hinterland d’un port ne suffisent généralement pas. L’opérateur utilise ces géants des mers pour assurer une partie de son feedering dans la région. Et Stephan Snijders donne l’exemple du Havre. L’armement réalise quelque 700 000 mouvements par an sur le port normand. Un tiers de ces manutentions sont réalisées pour être redistribuées vers l’hinterland et les deux tiers restants sont uniquement des transbordements vers les pays d’Europe du nord. Dans ces conditions, le développement d’escales par les lignes d’Extrême-Orient n’est pas prévu dans les prochaines semaines dans le port de Dunkerque. Cette stratégie du transbordement, l’armement la décline sur plusieurs lignes. Il utilise ainsi ses principaux ports comme hub. À Barcelone, Valence ou aux Canaries, les conteneurs pour l’Afrique de l’Ouest transbordent soit depuis l’Asie soit depuis la Méditerranée. Alors que ses homologues cherchent des hubs localement avec des tirants d’eau de 14 m ou 15 m, MSC adopte une autre position pour desservir cette partie du monde. « Nous sommes en plein développement sur l’Afrique de l’Ouest. Cette région du monde constitue un de nos axes stratégiques », indique Stephan Snijders, qui veut trouver des solutions.