Le bal des absents ou la lettre du déserteur

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Coorganisées par Les Echos Conférences et Le Marin, les 3e assises se tenaient pour la première fois en dehors de Paris. À en juger pour le nombre de participants dont près de 150 étudiants pour la journée du 13 décembre, cette manifestation pourrait être jugée particulièrement réussie. Sur les contenus, cela est moins sûr. En termes de présence du monde politique français ou communautaire et de grandes annonces, c’est un échec.

"M. LE PRÉSIDENT, JE VOUS FAIS UNE LETTRE…"

Ainsi que l’a souligné Francis Vallat, président de l’Institut français de la mer, présenté comme étant la voix de la France maritime, et du cluster maritime français. "Messieurs qui n’êtes pas là: M. le Président, M. le Premier ministre, M. le ministre d’État chargé des Transports" telle était l’introduction de son discours.

Avant de se lancer dans une délicate analyse sur le thème "des engagements aux actes" du président, Francis Vallat rappelait que "[...] contrairement à ce qu’on dit souvent, ce monde économique maritime ne pleure pas sur son sort, loin de là. Ses représentants demandent seulement à l’État de réaliser enfin que pour rester des opérateurs français, ce qui est leur volonté, leur préférence mais pas une nécessité, il faut que l’État remplisse son devoir au-delà des mesures catalogue, et dise ce qu’il veut vraiment, en un mot dise clairement ce qu’est son organisation politico-administrative maritime bien sûr, mais surtout ce que sont sa politique et sa stratégie maritimes".

Si les engagements du candidat et les actes du président de la République sont loin de converger dans les différents domaines d’activité du maritime, le plus important est ailleurs, a continué Francis Vallat. "Première observation, le monde maritime est ici, dans cette salle, mais l’État est absent, pas l’État tout entier [...]" puisque le secrétaire général de la mer, Xavier de la Gorce, était là. À entendre Francis Vallat, des promesses fortes avaient été faites du côté de l’Elyssée. "Et du coup, je dis bien du coup, le président Barroso n’est pas venu non plus". Pas plus que Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, chargé des transports, ou Dominique Bussereau qui devait lors du déjeuner du 14 décembre, évoquer, selon le programme diffusé, la réforme portuaire en France. "Deuxième observation: où est aujourd’hui la mer dans l’État? Où sont les priorités maritimes? Où est l’intégration maritime en France ou même, ne soyons pas trop exigeants, où est la définition d’une politique maritime globale? Où est le mode d’emploi pour travailler avec les membres du gouvernement ou les cabinets qui s’occupent de la mer avec des périmètres fluctuants, se recoupant parfois, souvent confus? s’est interrogé Francis Vallat. "Troisième observation: Le Grenelle de l’environnement n’a pas rassuré, tant sur la forme que sur le fond. [...]".

"Ces trois observations n’illustrent-elles pas le fait que le maritime, jusqu’à présent en tout cas, ne fait jamais partie des priorités et qu’il est parfois écouté, mais qu’il y a toujours – les tâches du gouvernement étant par nature multiples et d’arbitrage – de bonnes raisons de ne pas l’entendre", a estimé, sublimé,Francis Vallat.

"…IL FAUT QUE JE VOUS DISE MA DÉCISION EST PRISE, JE M’EN VAIS DÉSERTER"

Les urgences du transport maritime français sont:

– "la politique portuaire où ce qui inquiète le monde maritime n’est pas les étapes du report de la réforme, mais la suite des reports et les « bonnes » raisons qui ont été données à chaque fois": les matches de la Coupe du monde de rugby qui se tenaient à Marseille, la réforme des régimes spéciaux, puis les élections municipales de mars 2008;

– "[...] le fameux dossier des ENMM repoussé depuis des années et encore et toujours alors qu’on sait là aussi ce qu’il faut faire et que Dominique Bussereau, dont l’engagement personnel est apprécié d’ailleurs du monde maritime, est conscient des enjeux aussi bien que de l’urgence";

– Le salaire net des navigants;

– la politique de la "chaise vide" appliquée en matière de cabotage de substitution et lors de la conférence Marco Polo II de début décembre.

Tout cela "illustre le manque criant d’une politique maritime d’ensemble, et plus encore d’une vision politique maritime qui intégrerait et combinerait de façon intelligente les points ci-dessus et bien d’autres, et ce, à l’heure où cette intégration est la grande ambition du monde maritime et de l’Europe et où pourtant le rapport Poséidon coordonné par le SG mer n’est plus cité ou invoqué que par nous, et plus jamais par le sommet de l’État, un comble". Avant de conclure, le président de l’IFM et du cluster prévenait que "si l’État est absent [...] alors les opérateurs économiques maritimes français ne pourront accepter de disparaître et feront sans lui [...]". Il a conclu en s’adressant au président de la République: "Vous êtes sur tous les fronts, demandez ou laissez agir votre gouvernement sur celui du maritime". Et à en juger par l’intensité des applaudissements de la salle, les "déçus" du sarkosysme étaient fort nombreux.

Les 3e assises de la mer auraient pu marquer la célébration de l’action de Francis Vallat. En effet, en début décembre le conseil d’administration du cluster a décidé de pérenniser l’aventure commencée il y a deux ans et entourée d’un certain scepticisme.

Faire sans l’État? Socatra est parée

Si l’État est absent alors les opérateurs maritimes feront sans lui, prévenait Francis Vallat (voir article ci-joint). S’il est assez facile pour une compagnie de la taille de celle de CMA CGM s’aller voir ailleurs, surtout en phase haute d’un cycle économique, on imagine moins bien cela pour un transporteur comme Socatra, par exemple. Que nenni, répondait son président, Fernand Bozzoni: “Je suis installé au Luxembourg. Tout peut s’y transférer rapidement et facilement”.

Ne pas décevoir” tels étaient les derniers mots du discours de Xavier de la Gorce sur les priorités maritimes françaises. Au 1er juillet prochain, la France assumera la présidence de l’UE: cela se présente visiblement “bien” dans certains domaines maritimes.

Ce n’est pas la première fois que dans un État membre de l’UE, les compagnies maritimes “menacent” de partir si leur gouvernement ne les entend pas ou mal. En général, cela “s’arrange” discrètement.

M.N.

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