Un séjour brestois entre deux schémas directeurs portuaires

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La nomination de Jean-Luc Peltier à la tête du service des équipements de la CCI brestoise a coïncidé avec le conflit de la passerelle ro-ro qui avait violemment opposé Roscoff à Brest et divisé les politiques locaux et régionaux. "L’une de mes premières tâches a été d’essayer de débloquer ce nœud", se souvient l’ancien directeur administratif et financier de Worms (lire par ailleurs). Et début 1996, Bernard Pons, alors ministre de l’Équipement, donnait son aval.

Cette chaude période passée, le nouveau directeur a passé en revue la situation brestoise."Avec un trafic global tournant autour de 2 Mt, on était sur des trafics assez traditionnels, basés sur du vrac agroalimentaire, des hydrocarbures à l’importation et des poulets congelés à l’exportation, mais avec des reefers conventionnels et complets. C’était un peu vieillot finalement, même s’il y avait eu des investissements relativement importants réalisés les années passées, et notamment dans les grues. Mais Brest n’était pas adapté à des trafics modernes." Avec le schéma directeur du port 1991-2006 comme livre de chevet, Jean-Luc Peltier le met en œuvre dans deux axes: le vrac agroalimentaire et l’amorce du conteneur.

Le réseau des bandes trans-porteuses pour le vrac agro-alimentaire à la réception est ainsi amélioré, soit pour doubler les cadences soit pour pouvoir transporter deux produits différents en même temps. En parallèle, le fonctionnement des silos est modernisé et la construction du magasin T permet d’augmenter sérieusement les capacités de stockage. "Nous avons ensuite traité les problèmes des nuisances avec des trémies antipollution."

LE PARI GAGNÉ DES CONTENEURS

"À l’époque, personne ne croyait vraiment à la conteneurisation", se souvient le directeur des équipements de la CCI. "Brest était un petit port et les ports de cette taille ne traitaient pas les conteneurs. Il me semblait pourtant évident que si Brest voulait conserver son trafic de poulets congelés à l’export, il fallait diminuer le prix de passage. Et la solution passait par les boîtes." En l’absence de tout contact positif avec une compagnie, et sans savoir quel exportateur allait utiliser ce mode de transport, la première grue à conteneurs est pourtant commandée en 1996. "Elle a été livrée en octobre 1997 et 15 jours après, le premier porte-conteneurs accostait à Brest. Heureusement que nous avions anticipé l’événement! Car le risque était très grand que ce trafic de poulets, promis à une inévitable conteneurisation, nous échappe un jour. Il est clair que les conteneurs auraient pris la route pour Le Havre." Brest reste ainsi le premier port européen sur ce trafic très spécifique. Un résultat que Jean-Luc Peltier attribue à un travail conjoint: "Nous avons équipé le port et Jacques Malgorn, de Tilly-Sabco, a négocié la logistique."

Et non seulement Brest a ainsi sauvé son trafic de poulets, mais il a su en développer d’autres. "En dehors des ports autonomes, Brest est de loin le 1er port à conteneurs. Doux a rejoint Tilly et CMA CGM a rejoint Mærsk. Je pense que le mouvement va continuer à se développer, car la présence des deux armements augmente la capacité de prise en charge de marchandises diverses."

MISER SUR LA POSITION GÉOGRAPHIQUE

Premier port français en la matière, Brest peut également s’enorgueillir de sa réparation navale, autre facette de la tâche du directeur des équipements. "Quand je suis arrivé, elle connaissait des hauts et des bas, constate Jean-Luc Peltier, aujourd’hui, elle est forte et régulière." Un résultat dont il attribue les mérites au travail de la Sobrena, mais que la CCI a accompagné tout au long des plans de pérennité des équipements. "La CCI a pris une position courageuse suite à la faillite des Arno. C’était plus facile de laisser tomber que de se battre contre des moulins à vent. Personne n’y croyait plus à l’époque. Deux plans de pérennité ont déjà été réalisés et le 3e est en cours de développement. La technique évolue et il nous faut évoluer avec elle." Élargie et modernisée, la forme 1 sera ainsi mise en service en 2008 et permettra de traiter une dizaine de navires supplémentaires par an tout en soulageant le plan de charge des formes 2 et 3, aujourd’hui saturées. "Il faut se battre pour obtenir des financements, mais on le fait parce que la réparation navale est essentielle à l’économie du port de Brest."

Comme rien n’est jamais fini, Brest n’a achevé son schéma directeur 1991-2006 que pour s’atteler immédiatement a un ambitieux schéma de développement à long terme étalé de 2007 à 2020. Révélé en novembre 2006, ce nouveau schéma du port de commerce de Brest a pour ambition de doubler le tonnage actuel pour lui faire atteindre 4,7 Mt en 2015 et franchir la barre des 5 Mt en 2020. Un programme que Jean-Luc Peltier résume en deux mots: modernisation et développement. "Si l’on veut rester compétitif, il faut pouvoir accueillir des navires plus gros avec des cargaisons plus importantes." Dragage des souilles, aménagement du polder, réaménagement de la partie ouest, etc., font ainsi partie d’un programme qui a déjà démarré ou va démarrer assez vite. Mais pour en faire quoi? "L’hinterland d’une presqu’île comme est la Bretagne est forcément limité", admet Jean-Luc Peltier. Il faut donc trouver d’autres solutions. "Brest ayant l’avantage d’être sur le passage des navires, on peut penser au transbordement ou à la réexpédition. Il est sans doute temps de réactiver le projet Atlantis 94 et notre tentative de création de l’Association des ports de l’arc atlantique qui n’avait comme seul défaut que d’être en avance sur son temps. Là, c’est le moment et Brest doit miser sur sa position géographique à l’intérieur des eaux européennes pour son développement futur."

Lisbonne, Bilbao, La Rochelle, Brest, Rosslare, Liverpool et Southampton.

Un parcours de haute volée

Derrière une façade très discrète, Jean-Luc Peltier cache une vie professionnelle très riche et extrêmement bien remplie.

Né dans le Perche, c’est à l’École supérieure de commerce du Havre que Jean-Luc Peltier a fait ses premières armes avant de les poursuivre à l’Institut européen des hautes études internationales et de les compléter à Bruxelles par un stage d’un an à la Commission des communautés européennes.

Service militaire accompli, il rejoint les services maritimes de Worms où il accompagne les tout premiers pas de la conteneurisation. “En 1976, j’ai même créé la Setrec, une compagnie de transport de conteneurs, et j’ai mis en place le transport de conteneurs frigorifiques par la route”; se souvient-il. À l’époque, sa société avait un trafic de saumons congelés venant de la côte ouest des États-Unis. “Il fallait les décharger au Havre, les mettre en camions et les réexpédier chez Chevance, dans le Finistère.” Une rupture de charge finalement coûteuse. “Transporter directement les conteneurs jusqu’à leur destination finale était évidemment la solution.” Mais ils n’étaient pas agréés pour circuler en France et il fallait maintenir le froid pendant le trajet. “J’ai donc négocié avec les services vétérinaires à Paris l’agrément des conteneurs à la circulation en France et fais construire des remorques équipées de groupes électrogènes. Une expérience très intéressante et une véritable première à l’époque.”

LA PASSION DU DÉVELOPPEMENT

En 1978, Jean-Luc Peltier quitte Le Havre et devient, toujours chez Worms, adjoint du directeur administratif et financier, avant d’en être nommé directeur en 1980. “À ce moment, nous avions une vingtaine de succursales dans les ports français et près de 300 filiales dans le monde. J’ai participé à la gestion de cet ensemble et au développement du réseau international. Un travail passionnant qui a duré jusqu’à 1987.”

Après la fusion de Worms et de Jokelson, dont il assure la direction financière et administrative pendant 2 ans, Jean-Luc Peltier retourne chez Worms (où il devient directeur général du service maritime) avant d’être nommé directeur du développement international (hors Afrique) de Saga, actionnaire principal de Worms-Jokelson. Saga ayant rejoint Suez avec la SCAC en 1991, Jean-Luc Peltier se retrouve gérant d’une agence maritime à Port-de-Bouc.“Nous pesions 80 % du trafic du golfe de Fos.”

En 1995, pour raison de double emploi avec le petit-fils du fondateur norvégien majoritaire, il quitte Port-de-Bouc et rejoint Brest en tant que directeur des équipements de la CCI.“Outre le fait qu’on est bien à Brest – la région est belle et les gens sont sympathiques – je trouvais qu’il y avait des choses intéressantes à y faire. Et je dois avouer que m’occuper d’un aéroport ne me déplaisait pas non plus.” Un petit mot pour résumer? “J’ai passé une bonne partie de mon temps à créer et à développer”, répond Jean-Luc Peltier.

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