Bourbon: sans le remorquage portuaire, c’est encore plus brillant

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L’activité "remorquage portuaire" étant destinée à être cédée avant la fin de l’année, les règles comptables obligent Bourbon à présenter ses comptes en séparant le récurrent du reste. Et cela tombe bien puisque le récurrent a explosé durant le 1er semestre!

Le chiffre d’affaires de l’offshore a augmenté de 28 % à 231,4 M€; l’EBITDA (excédant brut d’exploitation), hors plus value, de 25 % à 93,5 M€; avec plus-value, de 41,5 % à 105,2 M€; le résultat opérationnel de 71 % à 67,3 M€. Cela dit, la marge (EBITDA hors plus-value/CA) a légèrement baissé, passant de 41,4 % à 40,4 %. À 13,3 % contre 11 %, la rentabilité des capitaux engagés s’est améliorée. Bref, en long comme en large, tout ce qui touche à l’offshore se transforme en or, et ce, de façon durable, affirme-t-on.

D’un autre côté, le naufrage du Bourbon-Dolphin, qui a fait huit morts sur un équipage de quinze, le 12 avril dernier a "impacté fortement" les résultats et amené Bourbon a abaissé son objectif de taux tolérable d’incidents enregistrés. Après avoir créé une fondation pour aider les familles des marins disparus, Jacques de Chateauvieux s’est engagé à diffuser toutes les informations disponibles sur les causes de cet accident, notamment l’enquête technique norvégienne.

Celle-ci devrait être terminée d’ici à février prochain. Le site internet de la compagnie est exemplaire du point de vue de la gestion de crise: les informations norvégiennes y notamment sont traduites en anglais. Bourbon assume et explique ce qu’il fait.

La grosse voie d’eau qui a noyé une partie de la salle des machines de l’Athena, un multipurpose supply vessel, a également ébranlé les esprits. Le navire avit fini par échouer, fin juin, sur un fond sablonneux proche de Pointe-Noire. Christian Lefebvre, responsable des activités maritimes du groupe, rejette toute idée de crise de croissance ou de qualifications insuffisantes des bords compte tenu du fort développement de la flotte.

CONSÉCRATION DU VRAC

Avec un retour sur investissements (EBITDA/cap. engagés moyens) de presque 60 %, l’activité "transport de vrac sec" a justifié une présentation détaillée. Et Jacques de Chateauvieux excelle dans l’art de justifier par le menu la pertinence de ses choix; d’autant qu’il n’y a plus de raison de s’étendre sur le remorquage portuaire.

Or, dans le vrac sec, la taille de l’entreprise n’est pas significative et ceci devrait le rester à horizon prévisible. Il existe plusieurs façons de se différencier, mais cela a peu d’impact sur la rentabilité relative de chaque compétiteur. Le plus important est la qualité des relations unissant le client à son fournisseur.

L’activité vrac (sans que le nom de Sétaf-Saget ne soit cité) veut être, sur le long terme, le service de transport de grands donneurs d’ordre dans le ciment (Lafarge notamment), le charbon ou les minerais. En détenant en propre 20 à 30 % de la capacité de transport exploitée, Jacques de Chateauvieux estime obtenir ainsi une rentabilité supérieure à 16 %, qui est la "norme" de son groupe.

Pour faire saliver les analystes financiers, le président rappelle que pour un 52 000 tpl, supramax, le taux journalier moyen entre 1995 et 2007 était de 17 000 $/j. Entre août 2004 et août 2007, il est passé à 32 000 $/j. Les coûts étant restés constants (5 000 $/j), l’EBITDA (base 355 j d’exploitation) est donc passé de 4,3 à 9,6 M$. Dès lors la rentabilité (EBITDA/coût du navire; ici de 36 M$) passe de 11,8 % à 26,7 %.

Encore plus fort, l’espoir d’encaisser des taux journaliers plus élevés augmente le prix de revente possible d’un navire. Ainsi, celui qui anticipe un taux de 36 000 $/j pour un supramax, estime son EBITDA à 11 M$, soit un "bonus" sur deux ans de 13,4 M$ (11-4,3 M$) × 2. Il est donc prêt, selon Jacques de Chateauvieux, à acheter pour livraison immédiate, au plus 50 M$ un navire qui en vaut 36 aujourd’hui. C.Q.F.D.

C’est ainsi que Bourbon vient de vendre pour 43 M$ un 49 000 tpl de 2001, livrable en décembre prochain.

Pour profiter de la vague, quatre Panamax de 74 000 tpl ont été commandés aux chantiers indiens de Pipavav pour 144 M$, livrables en 2010. Le président est "joueur", reconnaissant que le chantier indien était en cours de construction; ce qui n’est pas incompatible avec le fait de disposer d’informations particulières (voir encadré).

Pour faire bonne mesure, dix supramax de 58 000 tpl ont également été commandés au chantier Sinopacific pour 360 M$, livrables en 2009, 2010 et 2011. Et Jacques de Chateauvieux d’ajouter qu’il en était personnellement coactionnaire, à 50 % pour être précis.

Sauf revirement hautement improbable, aucun de ces nouveaux vraquiers ne sera sous registre français, répondait le président; les conditions d’immatriculation au Luxembourg étant plus favorables. Cela dit, Jacques de Chateauvieux s’empressait de souligner la qualité de l’environnement législatif et fiscal dont bénéficie une compagnie installée en France.

LE REMORQUAGE PORTUAIRE: C’EST LA FAUTE À LA CONCENTRATION

Pour expliquer son retrait total du remorquage portuaire, Jacques de Chateauvieux note que la concentration des grandes compagnies maritimes, notamment celles actives dans le conteneur, entraîne une concentration des opérateurs de remorquage portuaire. Ces derniers peuvent ainsi offrir des sortes de "packages" pour le remorquage dans plusieurs ports. Ce que Les Abeilles ne pouvaient pas faire, leur implantation étant essentiellement française.

Si les négociations avec le groupe espagnol Boluda aboutissent, ce dernier deviendra alors par le nombre de remorqueurs (plus de 200) le 2e groupe mondial derrière Mærsk (Svitzer, Wijsmuller Adsteam) et ses 360 unités. Boluda pourra alors développer une offre multiport. Ceci souligné, Boluda est essentiellement implanté dans les ports espagnols et un peu en Amérique du Sud. Il n’est pas précisément installé dans les grands ports nord-européens.

Explication complémentaire, les résultats financiers du remorquage portuaire en font une activité plutôt "réservée" aux groupes familiaux qui ne sont pas côtés en bourse, a susurré le président.

Dernier élément de réflexion évoqué par un haut fonctionnaire aujourd’hui à la retraite: l’importance des places portuaires françaises, à l’image de la relative modestie du commerce extérieur maritime national, pouvait-elle servir de base de développement permettant de partir à l’assaut des grands ports? En outre, l’administration n’était pas spécialement favorable à faciliter l’émergence d’un puissant champion national susceptible de lui tenir tête.

Jacques de Chateauvieux et la construction navale

Le président Jacques de Chateauvieux semble développer une forme d’intégration verticale. Sa holding familiale, Jaccar, contrôle totalement le petit chantier vietnamien South East Asia Ships (SEAS). Celui-ci avait reçu, à la fin 2006, une commande de 4,782 M€ de la part de Bourbon, note le rapport annuel 2006.

En mars dernier, Jacques Piriou expliquait que le SEAS était une “création” Piriou (JMM du 2-3-2007, p. 26). En outre, depuis 2006, Jaccar détient 39,24 % du groupe Piriou à parité avec le fonds Axa Equity (dont l’un des cadres dirigeants est administrateur de Bourbon). La famille Piriou détient le solde, environ 21,5 %.

On imagine l’apprêté des discutions lorsque Bourbon négocie avec Jacques de Chateauvieux le prix de ses futurs navires.

M.N.

Les marins toujours dans l’expectative

Dans combien de temps les marins français des Abeilles, la compagnie de remorquage du groupe Bourbon, passeront-ils sous pavillon espagnol? Quelles seront leurs nouvelles conditions de travail? Quelles seront les synergies – si synergies il doit y avoir – mises en œuvre avec le futur propriétaire de l’entreprise, l’Espagnol Boluda? À toutes ces questions, les marins des Abeilles n’ont pour l’heure aucune réponse précise. Ils attendent maintenant la réunion du comité central d’entreprise (CCE) de la compagnie, fixée au 13 septembre à Paris. Elle sera suivie, dès le lendemain, de comités d’entreprises extraordinaires, comme dans le port du Havre où la société Les Abeilles emploie 180 salariés, dont environ 165 marins pour neuf coques.

Depuis l’annonce de ce projet de cession du remorquage portuaire, le 19 juillet dernier, les marins des Abeilles ont le sentiment d’être un peu les oubliés de l’histoire. Alors, ils multiplient les réunions entre eux, comme les 4 et 5 septembre derniers à Paris. Leurs organisations syndicales ont mandaté un expert pour ausculter la situation et réclamer des réponses à la direction du groupe. “Pour l’heure, nous devons attendre. Les esprits ont eu besoin d’être calmés à l’annonce du projet, mais le moment venu s’il le faut, il sera toujours temps d’agir”, souligne un élu CGT du remorquage havrais.

Lors du CCE du 13 septembre, les représentants du personnel devraient être sollicités pour un avis purement consultatif sur la cession du remorquage. Comme le veut la procédure dans ce genre de dossier. La CGT pourrait décider de s’abstenir lors de ce vote, préférant jouer la carte de la prudence et pour ne pas fournir, par un vote positif, une sorte de blanc-seing ni à Bourbon ni à Boluda.

Stéphane Siret

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