En clair, après la saisie en février 2007 par la Commission européenne, de la Cour de justice des communautés européenne d’un recours contre la France, celle-ci se décide, au milieu de l’été, à mettre un terme au privilège de nationalité du commandant et de son suppléant.
Le projet de loi comporte deux chapitres: l’un concerne donc la nationalité du commandant et de son suppléant, l’autre modifie le code disciplinaire et pénal de la marine marchande pour placer le commandant sous le contrôle du procureur de la République.
L’article 1er du premier chapitre stipule donc qu’"à bord des navires battant pavillon français, le capitaine et l’officier chargé de sa suppléance sont ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou de la Confédération suisse. L’accès à ces fonctions est y subordonné à la possession de qualifications professionnelles et d’un niveau de connaissance de la langue française permettant notamment la tenue des documents de bord et l’exercice des prérogatives de puissance publique dont le capitaine est investi. Un décret en Conseil d’État, pris après avis des organisations représentatives d’armateurs, de gens de mer et de pêcheurs intéressées, précise les modalités de vérification de cette dernière condition".
La proportion minimale de marins d’origine communautaire ou assimilée sera fixée par arrêté du ministre chargé de la Mer après avis des partenaires sociaux et selon "les caractéristiques techniques des navires, de leur mode d’exploitation et de la situation de l’emploi". Une certaine souplesse semble donc assurée.
Ces modifications concernent à la fois une loi de 1926 mais également celle du 3 mai 2005 instaurant après plusieurs années d’intenses réflexions, le registre international français. Le 2e alinéa de l’art. 5 de la dite loi est donc modifié comme suit: "à bord des navires immatriculés au RIF, le capitaine et l’officier chargé de sa suppléance, qui peut être l’officier en chef mécanicien, garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l’environnement ainsi que de la sûreté, sont ressortissants" de la Communauté européenne, de l’espace économique européen, etc. Même condition de maîtrise du français.
Dans l’exposé des motifs, Jean-Louis Borloo rappelle que le 30 septembre 2003 que la Cour de justice des CE avait estimé qu’une dérogation au principe de libre circulation des travailleurs (en clair le maintien du privilège de la nationalité) ne pouvait se justifier que si les prérogatives de puissance publique attribuées au commandant et à son suppléant étaient "effectivement exercées de façon habituelle par lesdits titulaires et ne représentent pas une part très réduite de leurs activités". Or, la Cour a considéré que ces prérogatives "ne sont pas exercées de façon habituelle et ne représentent qu’une part très réduite" des activités du capitaine ou de son suppléant.
S’appuyant sur cette argumentation, la chambre criminelle de la Cour de cassation a, en juin 2004, jugé contraire au droit communautaire l’exigence d’un capitaine français à bord d’un navire de pêche battant pavillon français, rappelait J.-L. Borloo sans s’étonner explicitement qu’une loi de mai 2005 puisse ne pas tenir compte de cet arrêt.
EN MATIÈRE PÉNALE ET DE SÉCURITÉ DU NAVIRE
L’exposé des motifs note que selon l’actuel code disciplinaire et pénal de la marine marchande, le capitaine d’un navire français peut faire arrêter et consigner une personne à bord, exerçant ainsi des prérogatives de puissance publique relevant des seules autorités nationales, prérogatives qui ne peuvent pas être déléguées à un étranger sous peine d’enfreindre la Constitution.
Pour régler momentanément ce problème, les prérogatives du capitaine en matière pénale et de sécurité du navire vont être réduites et placées sous le contrôle du procureur de la République (art. 4).
Ainsi, après un crime ou un délit ou une tentative à bord du navire, le capitaine doit conserver les preuves et rechercher le ou les auteur de ces actes. Il en informe au plus tôt l’autorité administrative qui, à son tour, en informe le procureur de la République compétent. À la demande de ce dernier ou avec son accord, le capitaine peut consigner une personne dans un endroit fermé. En cas d’urgence, le capitaine consigne d’abord et demande au procureur son accord. En escale dans un port étranger, le capitaine du navire remet toutes les pièces de l’enquête à l’autorité consulaire.
Ces dispositions s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la République (art. 5).
L’examen de projet de loi a été renvoyé à la commission des Affaires économiques du Sénat, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale.