En direction de l’Europe, il conclut des accords pour contrôler les acheminements par gazoducs du gaz russe et d’Asie centrale. Pour profiter de la demande croissante de la Chine, il s’impose sur les sites de Sibérie et de l’île de Sakhaline, concédés à des entreprises étrangères.
L’EUROPE
Le 23 juin, Gazprom a présenté, avec le groupe pétrolier italien Eni, un projet de gazoduc sous la mer Noire en contournant la Turquie, politiquement instable. L’Italie est son 2e client européen après l’Allemagne et en dehors des ex-Républiques soviétiques. Dénommé "South Stream", ce gazoduc débouchera sur la Bulgarie et la Roumanie. De là, une branche ira vers l’Autriche et la Slovénie et une autre vers le sud de l’Italie. D’une capacité de 30 milliards de m3 par an, "South Stream" devrait entrer en service trois ans après la délivrance des autorisations nécessaires. Le coût des travaux, à établir par la société italienne Saipem, sera réparti également entre Eni et Gasprom. D’autres partenaires pourront participer au projet. Alexandre Medvedev, directeur général délégué de Gazprom, a déclaré que "South Stream" ne menacera pas les autres projets dans la région. "Ce n’est pas une alternative à « Nabucco », a-t-il précisé, c’est un projet qui utilise du gaz russe et d’Asie centrale, que Gazprom achemine par son réseau." Le projet "Nabucco", estimé à 4,6 M€, vise à transporter, via la Turquie et les Balkans, le gaz de la Caspienne et du Moyen-Orient vers l’Union européenne qui souhaite ainsi réduire sa dépendance du gaz russe. Enfin, Gazprom s’est associé avec les sociétés allemandes E.On et Wintershall dans le projet "Nord Stream", gazoduc passant sous la Baltique à destination de l’Allemagne et qui évite l’Ukraine.
DE LA SIBÉRIE…
Le 22 juin, le groupe britannique BP a accepté de céder à un prix favorable la participation (62,82 %) de sa filiale Russia Petroleum dans le gisement de Kovykta (Sibérie orientale), dont les réserves sont estimées à 2 000 milliards de m3. Les acquéreurs sont Gazprom et TNK-BP, co-entreprise entre BP et des milliardaires russes. "Notre fourchette est de 600-800 M$ (446-595 M€)", a déclaré Alexandre Medvedev, directeur général délégué de Gazprom. TNK-BP a déjà investi 450 M$ (334,72 M€) dans Kovykta pour en exporter le gaz vers la Chine à partir de 2015.
…À LA CHINE
Gazprom détient le monopole de la vente du gaz russe, sauf de celui de l’île de Sakhaline, ouvert à la prospection étrangère. Il négocie actuellement l’achat de tout le gaz du site Sakhaline 1, exploité par Exxon Mobil, la société publique russe Rosneft, ONC et le groupe japonais Sodeco. Or, le 19 juin, le directeur général adjoint de Gazprom, Alexandre Ananenkov, a déclaré qu’exporter 8 milliards de m3 de gaz par an de Sakhaline 1 vers la Chine entraînerait une pénurie pour l’Extrême-Orient russe, dont la demande est estimée à 15 milliards de m3 par an. De son côté, le vice-ministre russe de l’Énergie Andrei Dementyev a rappelé l’obligation préalable de la licence d’exportation. En 2004, Exxon Mobil avait conclu un accord de fourniture de gaz à la compagnie chinoise CNPC puis entamé des négociations avec des firmes indiennes et japonaises. Il a aussi commencé une étude de faisabilité d’un gazoduc de Sakhaline vers la côte nord-est de la Chine. De son côté, Gazprom a racheté l’an dernier le contrôle du site voisin Sakhaline 2 à Royal Dutch Shell et ses partenaires japonais, obligés d’accepter un prix cassé sous peine de se voir retirer leurs licences d’exploitation. Ainsi, Gazprom a pris en charge une grande usine de liquéfaction de gaz naturel qui doit entrer en service en 2008. Il veut la développer pour alimenter le marché asiatique émergeant, une fois garanties les fournitures russes. Le blocage du projet d’Exxon Mobil lui permettrait d’empêcher tout acheminement de gaz russe à la Chine sans sa participation. Un accord bilatéral sur un projet de gazoduc russe a déjà échoué, car la Chine trouvait trop élevés les tarifs de Gazprom. En outre, ce dernier espère obtenir en 2008 ou 2009 la licence d’exploitation du site Sakhaline 3, dont la production commencerait en 2014. Enfin, Gazprom s’intéresse aux sites Sakhaline 4 et 5, concédés à 49 % à British Petroleum et à 51 % à Rosneft.