La réglementation sur les eaux de ballast dans la voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs – qui pénètre via l’océan Atlantique jusqu’au cœur du continent nord-américain – est la plus sévère au monde. Elle a été renforcée en juin 2006, avec application au début de cette année. La collaboration entre le Canada et les États-Unis est également accentuée depuis janvier 2006: standardisation des processus et documents, programmes d’arraisonnement conjoint, base de données harmonisée en cours de montage, etc.
Tout navire de commerce en provenance de l’océan Atlantique est inspecté à chaque passage dans la voie maritime pour vérifier s’il respecte la règlementation en vigueur. Au premier transit de la saison, une inspection (souvent à Montréal, parfois à Québec, Bécancour, Trois-Rivières ou Sorel) l’autorise ou non à entrer sur le réseau. Pour les transits suivants, s’il n’a pas l’intention de faire escale dans un des ports du Saint-Laurent, l’inspection se fait entre les deux écluses américaines de Snell et Eisenhower, avant d’entrer sur les Grands Lacs. Même les navires "nobob" (no ballast on board), dont les réservoirs sont vides ou qui ne peuvent pomper les eaux résiduelles à l’extérieur, sont soumis à réglementation et inspection.
PLAN, FORMULAIRE ET SALINOMÈTRE
Pour les navires ayant de l’eau de ballast à bord, celle-ci doit être échangée au préalable par de l’eau de mer ayant un minimum de 30 ppm (parties par millier) de sel dans des zones de 200 m de profondeur, à au moins 200 milles des côtes. Les espèces aquatiques d’outre-Atlantique auraient dans ce milieu "raisonnablement hostile" peu de chances de survie. L’objectif est d’éviter les nouvelles introductions d’espèces étrangères ou la prolifération d’espèces envahissantes dans les immenses réservoirs d’eau douce que sont les Grands Lacs.
Le navire doit ainsi posséder un plan de gestion des eaux de ballast, selon les directives américaines et canadiennes; il est tenu de soumettre un formulaire quatre jours avant son arrivée dans les eaux canadiennes. De plus, il doit être équipé d’un salinomètre à bord pour vérifier le résultat de l’échange de l’eau de ballast en mer et le rinçage des réservoirs vides. Lors de l’inspection, l’équipage est interrogé afin de mesurer leur compréhension de la réglementation; les documents du navire sont étudiés et des tests réalisés sur la salinité des eaux de ballast. Si l’inspection ne s’avère pas concluante, le navire doit retourner dans le golfe du Saint-Laurent ou en mer refaire son échange.
Sinon, il lui faut conserver ses eaux de lest à bord ou les traiter d’une manière écologique, reconnue par les autorités. Ou encore, les pomper à terre, mais aucune installation de réception ni de traitement n’est prévue.
BILAN MITIGÉ
Les navires sans eaux de ballast sont eux aussi de plus en plus contrôlés. Une solution de traitement a été mise en place. Il s’agit d’ajouter aux réservoirs une tonne de sel pour 25 t d’eau, soit une solution à 40 ppm, et de l’y laisser huit heures minimum.
Entre avril et décembre 2006, 486 navires provenant de l’océan Atlantique ont franchi le Saint-Laurent. Sur ce total, 30 % des navires n’auraient pas été conformes à la législation en vigueur sur les eaux de ballast. Au final, 32 obligations de rétention des eaux de ballast ont été ordonnées, 7 lettres d’avertissement ont été délivrées ainsi que 27 demandes de correctifs. Une infraction a été constatée débouchant sur une amende de US$ 1 000 (748 €). En cas de récidive, 6 000 $ (4 489 €) seront réclamés.
Les laquiers, qui ne naviguent que dans la voie maritime, sont eux-mêmes contraints d’observer depuis 2001 le guide de pratiques de gestion volontaires visant également à réduire les transferts des espèces envahissantes. Ils sont soumis régulièrement à l’inspection des citernes et l’élimination des sédiments.
Canadiens et Américains mènent parallèlement des recherches communes sur les eaux de ballast. Des scientifiques utilisent actuellement une barge dans le cadre d’un projet pilote pour simuler les traitements possibles à bord d’un navire. Ils cherchent à déterminer des outils de traitement pour endiguer l’introduction et la prolifération des organismes.