Le 21 mars, la Cour fédérale du district du Massachusetts a confirmé qu’elle acceptait de clore les poursuites contre la compagnie américaine OSG moyennant le versement de 37 M$. En décembre dernier, OSG avait accepté de plaider coupable et de verser 27,8 M$ d’amende et 9,2 M$ pour financer des projets de protection de l’environnement (JMM du 5-1-2007, p. 4). De juin 2001 à mars 2006, douze pétroliers exploités par OSG avaient volontairement déversé dans les eaux américaines des résidus d’hydrocarbures en "bricolant" soit le circuit de filtration, soit le registre des hydrocarbures. "Ceux qui polluent volontairement ne peuvent s’attendre à aucune tolérance". commentait le juge.
Ce dernier rendait cependant hommage aux douze marins et officiers, toujours ou non salariés d’OSG, qui ont signalé ces comportements délictuels.
Chacun a reçu la somme de $ 437 500. En effet, la loi sur la prévention des pollutions venant des navires prévoit qu’un "informateur" puisse être rémunéré jusqu’à la moitié de l’amende qui sera finalement imposée.
Ainsi, selon le communiqué du Département de la Justice, un mécanicien de l’Uranus a été obligé par le chef mécanicien, sous peine de perdre son emploi, de monter un dispositif court-circuitant le système de filtration. Il a été si choqué de constater l’usage qui en était fait à proximité immédiate des côtes de la Nouvelle-Angleterre qu’il s’est mis à noter dans un journal secret, les dates des déversements.
Le premier officier mécanicien de l’Overseas-Shirley a écrit à la compagnie en 2002 pour lui signaler que le chef mécanicien "se rendait régulièrement coupable de déversements illégaux en mer. Environ 153 m3 sont ainsi partis à la mer". D’autres officiers embarqués sur d’autres pétroliers ont préféré informer, discrètement ou non, les US CoastGuards des turpitudes de leur hiérarchie.
OSG n’en a pas tout à fait fini avec ses problèmes de justice. En janvier dernier, il acceptait de plaider coupable devant le tribunal de Beaumont, Texas, et de verser 10 M$. Le jugement est toujours en délibéré.
"ENVIRONMENTAL EXCELLENCE IS A CORE BUSINESS"
Cotée à la bourse de New York, OSG a enregistré un chiffre d’affaire TCE (Time Chart Equivalent) de 992,8 M$ en hausse de 22 %, pour un excédent brut d’exploitation (EBITDA) de plus de 170 M$ (+ 8 %) et un résultat net de presque 393 M$ (+ 16 %). Son site internet ne commente pas la décision du 21 mars 2007, pas plus qu’il ne donne de précision sur le procès au Texas.
Le 19 décembre dernier, le communiqué d’OSG se félicitait toutefois de l’accord trouvé avec la justice américaine. Après avoir estimé que les 37 M$ n’auraient pas d’impact significatif sur les affaires courantes, pas plus que sur ses relations commerciales, OSG soulignait qu’il s’était engagé à respecter un "Environmental Compliance Plan". "Aucune autre compagnie de notre secteur ne s’est engagée à respecter un plan aussi vaste" estimait le capitaine Robert Johnston, senior vice president chargé des opérations maritimes au sein d’OSG.
Dans la section "environnement et société" du site internet de la société, il est écrit que "l’excellence environnementale est une valeur centrale d’OSG". Les États côtiers américains sont donc rassurés au moins pour trois ans. En effet, "l’environmental compliance plan" auquel est contraint OSG pendant trois ans. Son application aux États-Unis et à l’étranger est contrôlée par un expert nommé par le tribunal; une sorte de mise sous tutelle
Déversement intentionnel et facteur humain
Il arrive de temps à autre qu’un avocat d’un navire soupçonné d’avoir volontairement déballasté le long des côtes françaises, demande au journaliste égaré “pourquoi les bords seraient suffisamment stupides pour déballaster en plein jour et de préférence dès qu’ils entendent le bruit d’un avion afin d’augmenter leur chance de se faire piquer?”. Vraie question. Interrogé à ce sujet, un éminent confrère répond qu’il a eu à plaider un cas où les relations entre le commandant et le chef mécanicien étaient à ce point exécrables que le second n’hésita pas à déballaster sauvagement en plein jour, sachant que la responsabilité serait portée par le premier. “Je démentirais toujours vous l’avoir dit, mais j’ai également plaidé un cas du même genre” reconnaissait le premier avocat. Le facteur humain, voila bien un domaine qu’il convient de ne pas prendre en compte.
M.N.