Depuis trois ans, le canal de Suez voit son trafic augmenter d’une manière spectaculaire. Avec un premier bond en 2003 avec 550 Mt (+ 20 % par rapport à l’année précédente), le canal de Suez a vu transiter dans ses eaux plus de 670 Mt en 2005. La première raison de cette progression est à chercher dans les travaux d’approfondissement et d’élargissement que l’Autorité du canal poursuit sans relâche.
Cette politique d’agrandissement permanent a été décidée en 1975, après la réouverture du canal à la navigation, suite au règlement de la guerre des Six jours entre l’Égypte et Israël. Durant les six années où la navigation était interdite sur le canal, les navires ont pris l’habitude de passer par le cap de Bonne-Espérance. Dans le même temps, leur taille a considérablement augmenté. Le canal n’avait alors plus alors la profondeur nécessaire pour les laisser passer. D’où la politique de creusement. En 2001, un nouveau palier a été atteint, le canal pouvant désormais laisser passer des unités ayant un tirant d’eau de 20 m. "Avec une largeur et une profondeur accrue, le canal a offert de bien meilleures conditions de sécurité, ce qui a permis aux armateurs de payer beaucoup moins cher leur assurance", précise Galal el Dib, conseiller du président de l’Autorité du canal. Cependant, pour le moment, seulement 60 % des transporteurs de brut peuvent emprunter le canal de Suez. Une nouvelle étape de l’agrandissement du canal est prévue pour 2007, avec une largeur de 225 m et un tirant d’eau de 21,5 m. À l’horizon 2013, avec un tirant d’eau de 22,5 m et une largeur de 250 m, le Canal sera accessible à tous les types de navires-citernes.
L’Autorité du canal poursuit également l’allongement de ses canaux de dérivation permettant de fluidifier la circulation. À présent, la traversée du Canal prend entre douze et quinze heures. Le canal est pour le moment dédoublé sur 78 km. L’Autorité s’est fixé comme objectif d’allonger ces voies jusqu’à 125 km. La traversée du canal pourrait alors se faire en huit heures.
DES TARIFS ADAPTÉS
Les bénéfices du canal suivent l’évolution du trafic. En 2005, il a enregistré un chiffre d’affaires record de $ 3,5 milliards, soit une hausse de plus de 10 % par rapport à une année 2004 déjà spectaculaire. Cette hausse des bénéfices, outre l’augmentation du trafic, s’explique aussi par le fait que le panier de devises utilisé par le canal pour facturer les frais de transit – le SDR (panachage de dollars, de yens, d’euros et de livres sterling) – a sa valeur qui ne cesse d’augmenter.
Depuis quelques années, l’Autorité du canal pratique également une politique tarifaire soigneusement étudiée et prenant en compte la concurrence, principalement celle du Cap de Bonne-Espérance. Ainsi, des tarifs très avantageux sont proposés aux navires reliant l’Amérique et l’Extrême-Orient. En effet, pour ces lignes, il n’est pas plus économique pour les armateurs de transiter par le canal. Des réductions tarifaires peuvent aller jusqu’à 70 % sont donc proposées aux armateurs.
Une attention particulière est également portée au gaz et au pétrole exportés des pays du Golfe vers l’Europe ou les États-Unis. Afin de concurrencer les pipelines, les navires-citernes (représentant un peu plus de 16 % du trafic du Canal) se voient proposer un rabais d’environ 35 % du tarif initial. Pour ceux dont l’importance de la charge ne leur permet pas de traverser le canal, un service de pipeline est proposé afin de leur permettre d’atteindre un poids acceptable pour la traversée du canal. Ce pipeline est géré par la compagnie Sumed, une co-entreprise entre l’Égypte et les pays du Golfe. À leur sortie du canal, les navires récupèrent le restant de leur cargaison au terminal d’Alexandrie.
Depuis quelques temps, l’Autorité du canal propose une solution pour les navires arrivant après l’heure de départ des convois. Quotidiennement, trois convois traversent le canal: deux du Nord au Sud et un dans le sens inverse. À présent, les navires arrivant avec une heure de retard peuvent rejoindre le convoi, à condition de payer une surtaxe de 3 %. Pour ceux ayant deux heures de retard, la surtaxe est de 5 %, et elle atteint 10 % pour les navires arrivant avec plus de trois heures de retard. Cette souplesse permet aux armateurs d’économiser une journée et à l’Autorité du canal d’engranger des bénéfices supplémentaires.
Les conteneurs en provenance d’Asie constituent une grande part du trafic en pleine expansion. Cette activité représente maintenant plus de la moitié du trafic du Canal. Dans les délais qui ne sont pas encore fixés, l’Autorité du canal envisage d’ouvrir un deuxième convoi Sud-Nord. Il s’agirait peut-être alors des ultimes travaux du Canal de Suez.
Le Canal de Suez, une vieille histoire…
Dès le VIIe siècle avant JC, le pharaon Nékao a le premier l’idée de creuser un canal reliant le delta du Nil à la mer Rouge. Au fil des siècles, le canal est abandonné et finit par être comblé. Il faudra l’expédition de Bonaparte en Égypte en 1801 pour que ce projet ressorte des cartons des ingénieurs. Les calculs qui sont alors faits concluent qu’il existe un dénivelé de 10 m entre les deux mers, nécessitant l’aménagement d’écluses jugées trop coûteuses.
Mais les Saint-Simoniens, des chercheurs utopistes, reprennent les calculs de l’ingénieur Lepère et montrent qu’il s’est trompé. Ferdinand de Lesseps convainc alors Saïd Pacha, le monarque égyptien, d’autoriser la Compagnie universelle du Canal de Suez à exploiter le futur canal qui est inauguré en grande pompe en 1879.
En 1956, le président Nasser nationalise le Canal. L’Angleterre et la France, considérant que leurs actionnaires sont lésés, lancent une offensive sur le Canal. Un arbitrage international met fin au conflit. En 1967, l’armée israélienne envahit le Sinaï et avance jusqu’au Canal qui devient le siège d’une longue guerre d’usure prenant véritablement fin en 1974. Un an plus tard, le Canal, déminé, reprend son activité et retrouve des jours plus calmes.