Amazon, Ikea, Unilever et Zara font notamment partie des neuf multinationales qui se sont engagées à transporter leur fret sur des navires alimentés par des carburants zéro émission d'ici 2040. Elles entendent ainsi envoyer des signaux de demande mais les ONG leur rappellent aussi quelques-unes de leurs responsabilités.
Quelle est la portée de cet engagement autre que symbolique ? À qui s’adresse ce message si ce n’est au grand public d’abord et avant d’envoyer un signal de demande aux compagnies pour qu’elles accélèrent le déploiement de nouveaux carburants et technologies sans carbone ? Quelles mesures vont-elles actionner pour honorer leurs promesses ? Elles n’en diront rien à cette heure.
Neuf multinationales* – parmi lesquelles des enseignes de taille telles Ikea, Inditex (Zara), Unilever ou Michelin… – s’engagent à ce que le transport de leur fret n’embarque que sur des navires « zéro carbone » dans moins de vingt ans. Sachant qu'elles ne considèreront pas le gaz d’origine fossile ou le GNL comme un combustible zéro carbone.
Dans un communiqué à part, pour aller au-delà de l’engagement collectif de papier, Élisabeth Munck af Rosenschöld, responsable du développement durable et des opérations de la chaîne d'approvisionnement chez Ikea, a trouvé nécessaire de compléter « cette déclaration d'ambition », par un témoignage à part sur sa « détermination à atteindre les objectifs fixés ». Jusqu'à présent, Ikea s’est donné pour objectif de réduire ses émissions de CO2 de 70 % en 2030 pour l'ensemble de son transport, terrestre et maritime.
2040, pourquoi ?
Ce n’est pas la première initiative du genre. En octobre, des négociants et producteurs de matières premières, parmi les plus importants affréteurs, dont Total et Louis Dreyfus Company, ont initié une charte, baptisée Sea Cargo Charter, par laquelle ils se sont engagés à intégrer les considérations climatiques dans leurs achats afin de favoriser un transport maritime respectueux du climat.
Cette dernière démarche en date s’intitule Cargo Owners Zero Emission Vessels (coZEV) et elle est portée par l'Aspen Institute. Elle reste opportuniste à quelques semaines du sommet des Nations unies sur le climat COP26. « L'année 2040 peut sembler lointaine, mais les experts de ce secteur difficile à maîtriser savent que les infrastructures d’approvisionnement en carburant restent à construire et que la collaboration à grande échelle de tous les acteurs de la chaîne est nécessaire », précise l'Aspen Institute, qui n’en cède pas moins aux comparaisons péremptoires qui claquent et choquent : « les navires propulsés au fuel lourd générent autant de pollution que toutes les centrales électriques au charbon des États-Unis réunis. »
Pour rappel, dans son aggiornamento environnemental, le secteur du transport maritime doit réduire d'ici à 2050 au moins de moitié les gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2008. C’est ce que lui assigne son autorité de régulation, l’OMI.
Arsenal réglementaire favorable
Pour les signataires de la déclaration d'ambition 2040, il s'agit aussi d’envoyer des messages aux décideurs politiques pour qu’ils favorisent la mise en œuvre de mesures susceptibles de réduire les coûts et les obstacles réglementaires à une transition rapide.
Tout en saluant ces premiers pas, Pacific Environment juge néanmoins la date butoir trop lointaine. « Nous demandons à la grande distribution d'être les premiers à s'engager dans la transition vers une énergie propre, et non de se contenter de suivre le mouvement. » L’association pointe par ailleurs les grands absents de la liste. « Où sont Walmart, Target, Home Depot, Lowes et de nombreux autres importateurs maritimes de premier plan », déplore Madeline Rose, directrice de la campagne climatique de Pacific Environment.
Abandonner les « navires sales » d'ici 2030
« Si les grandes marques de distribution veulent vraiment faire leur part dans la lutte contre le changement climatique, c'est maintenant, et non dans 19 ans, qu'elles doivent corriger le tir. Des solutions de transport maritime plus propres existent déjà, et les grandes marques de distribution comme Amazon et Ikea doivent les défendre », a déclaré Kendra Ulrich, directrice des campagnes de transport maritime de Stand.earth, une coalition environnementale qui, avec Pacific Environment, porte la campagne Ship It Zero. La coalition, qui a n’en est pas à sa première stigmatisation d’Ikea et Amazon, demande aussi à anticiper la date butoir et à abandonner ce qu'ils qualifient de « navires sales » d'ici 2030.
Les deux associations sont en outre à l’origine du rapport Shady Ships, publié en juillet 2021. « Il s’agit de la première étude qui quantifie les impacts sur le climat et la santé publique de la dépendance de certains des plus grands détaillants américains à l'égard de la fabrication à l'étranger et du transport maritime transocéanique alimenté par des combustibles fossiles. »
Maersk, dans sa zone de confort
Farouche opposant au GNL, trop imparfait, Soren Skou, PDG de Maersk, qui s’est investi d’une mission depuis de longs mois – celle d’être un leader dans les carburants alternatifs de complète rupture – s’est empressé de rebondir sur les réseaux sociaux. « Maersk s’engage à poursuivre [ses] efforts pour stimuler et développer la production de carburants verts comme le méthanol et l'ammoniac."
Adeline Descamps
* Patagonia, Brooks Running, Frog Bikes et Tchibo