À l’approche de la prochaine réunion du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) en novembre à l’OMI, qui doit décider du plan opérationnel à mettre en œuvre pour respecter l’agenda 2050 sur le climat, les énergies se mobilisent et se percutent. Un nouvel instrument vient d’émerger dans le cadre du défi mondial de réduction des émissions maritimes.
Il y avait les principes Poséidon (Poséidon Principles), qui vise à orienter en priorité les prêts bancaires vers les dossiers des compagnies maritimes les plus vertueuses ou en conformité avec les objectifs climatiques adoptés par l'OMI. Il y a désormais la norme carbone de Sea Cargo Charter, qui intègre des considérations climatiques dans les décisions d'affrètement afin de favoriser un transport maritime plus vert.
Cadre commun
La charte, à la rédaction de laquelle ont présidé le Smart Freight Centre, l'University College London Energy Institute/UMAS et Stephenson Harwood, offrira un référentiel commun aux affréteurs et ainsi, une aide à la décision dans leurs achats de services de transport.
Figurant parmi les principaux acteurs mondiaux dans le domaine des pétroliers et du vrac sec – plus de 80 % du commerce maritime mondial –, les 17 signataires fondateurs de Sea Cargo Charter sont d’importants utilisateurs de transport maritime. Par leur poids et leurs achats, ils ont donc le pouvoir d’influer sur le cours des choses, en l’occurrence l’atteinte des objectifs de décarbonation fixés par les Nations unies. C'est du moins de ce qui est soutenu dans l'argumentaire.
« Les affréteurs jouent un rôle central dans la création et l'augmentation de la demande de transport maritime plus durable. Et la transparence sur les émissions est essentielle pour leur permettre de fixer des repères et de mesurer les progrès réalisés dans les objectifs climatiques », relève Erik Hånell, PDG de Stena Bulk
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Sans concertation
La Sea Cargo Charter, alignée sur la stratégie carbone de l’OMI (réduire de moitié les émissions d'ici 2050 par rapport à l'année de référence 2008), imposera de facto aux propriétaires de flotte de déclarer les émissions de CO2 selon la méthode décidée par les parties dans la charte.
Ce qui n’est pas sans ajouter de la confusion dans la mesure où les affréteurs créent ainsi leur propre système de déclaration des émissions de gaz à effet de serre (GES), hors enceinte de l’OMI et donc sans concertation avec les principaux concernés : les armateurs. Les instances représentant les exploitants de flotte n’ont pas encore réagi par une prise de position officielle.
Engebret Dahm, directeur général de Klaveness Combination Carriers, en est convaincu : « Ce n'est qu'en surveillant, en déclarant et en évaluant ses émissions de carbone que l'industrie prendra les mesures nécessaires. »
« Un processus standard de déclaration des émissions de gaz à effet de serre simplifiera certaines des complexités souvent associées à cette déclaration », assure pour sa part Jan Dieleman, président de Cargill et président du groupe de rédaction de la charte. « Il encouragera une approche plus transparente et plus cohérente du suivi des émissions. »
Transparence et cohérence
Hugo de Stoop, directeur général d’Euronav, y croit : le prix ne sera plus le seul critère d’appréciation. « Grâce à cette initiative, le processus de décision pour choisir le bon transporteur ne sera pas seulement basé sur le seul critère économique mais de plus en plus sur le prix environnemental à payer pour assurer ce transport ». Par cette déclaration, il se rend lui-même comptable d’un achat basé sur la qualité et non sur sur le seul prix qui reste aujourd’hui l’un des principaux critères d’appréciation.
Pour Grahaeme Henderson, responsable mondial de Shell Shipping & Maritime, l’effet d’entraînement créé par cette dynamique peut « accroître la demande des clients en matière de transport maritime à faibles émissions » et ainsi créer les conditions nécessaires pour obtenir un soutien financier des pouvoirs publics et débloquer les investissements pour faire avancer les technologies neutres en carbone. « Dans la foulée de cet élan, nous aimerions que l'OMI, lorsqu’elle réexaminera la stratégie en 2023, fixe une direction et se dirige vers des émissions nettes zéro d'ici 2050 », ajoute le dirigeant.
L'OMI a adopté en 2018 ses objectifs pour 2050 mais n’a pas encore décidé de la manière de faire. Mais il est prévu que ces exigences soient applicables à l'industrie mondiale du transport maritime dès 2023. La prochaine réunion de l'organisation au sein du comité environnemental sera décisive à cet égard.
Pour l’heure, les affréteurs ne se veulent donc pas plus ambitieux dans leurs objectifs que l’OMI. Prochaine étape : viser plus haut, taper plus fort, en fixant par exemple aux armateurs un objectif de réduction des émissions de CO2 ? Avant cela, l’appel est lancé auprès de tous les chargeurs « responsables » pour qu’ils se joignent à l'initiative.
Adeline Descamps
*ADM, Anglo American, Bunge, Cargill Ocean Transportation, COFCO International, Dow, Equinor, Gunvor Group, Klaveness Combination Carriers, Louis Dreyfus Company, Norden, Occidental, Shell, Torvald Klaveness, Total, Trafigura et Ørsted.