Quelle est la production actuelle de votre première installation industrielle en Vendée ?
Thomas Créach : L’électrolyseur inauguré en septembre dernier produit aujourd’hui 300 kg d’hydrogène par jour en moyenne, en utilisant l’électricité produite par les trois éoliennes voisines d’une puissance unitaire de 3,5 MW. Elles sont exploitées par Vendée Énergie qui revend le surplus d’électricité sur le réseau. L’hydrogène produit est utilisé principalement pour des usages liées à la mobilité. Un de nos principaux clients est Lidl, qui l’utilise pour ses chariots élévateurs sur sa plateforme logistique de Nantes. Au printemps 2023, nous atteindrons la production nominale estimée à 1 t par jour en moyenne. Il s’agit uniquement d’hydrogène renouvelable, l’électrolyseur étant directement relié à des sources d’énergie renouvelable pour ne pas prélever sur le réseau une électricité qui aurait une origine fossile ou nucléaire
Quels enseignements applicables à l’offshore tirez-vous de cette production d’hydrogène à partir d’électricité éolienne ?
T.C. : Grâce à ce site, nous savons désormais comment dimensionner un site de production d’hydrogène fonctionnant à l’électricité éolienne. Nous produisons quoi qu’il arrive, lorsque le vent le permet, et stockons l’hydrogène sur site pour anticiper les moments où il y aura moins de vent ou davantage de demande de la clientèle. Nous avons donc appris à gérer l’intermittence de la production et de l’usage. Nous croyons beaucoup à l’hydrogène produit à partir d’éolien offshore, qui constitue une des sources les plus stables d’électricité renouvelable. Une éolienne à terre, sur une année, produit effectivement 20 à 25 % de l’électricité qu’elle pourrait générer si elle fonctionnait tout le temps à sa puissance nominale. Ce facteur de charge est doublé ou triplé pour les éoliennes en mer. L’intérêt de l’offshore vient aussi de l’importance de la puissance installée, 500 MW au minimum par parc, ainsi que du prix compétitif de l’électricité produite.
Le passage à la production d’hydrogène en mer peut-il se faire rapidement ?
T.C. : En Vendée, nous avons déjà fait un pas vers les conditions de l’offshore car l’électrolyseur installé est alimenté par une source d’énergie renouvelable, et l’eau utilisée est de l’eau de mer. En utilisant dès septembre 2022, sur le site d’expérimentation en mer de l’École centrale de Nantes (SEMREV) au large du Croisic, l’électricité de l’éolienne flottante Floatgen, nous montrons que cette technique peut être mise en œuvre dès aujourd’hui pour produire en mer 400 kg d’hydrogène par jour. La barge qui accueille l’électrolyseur est actuellement en cours d’équipement à Saint-Nazaire, à proximité des Chantiers de l’Atlantique qui nous accompagnent sur l’intégration des équipements, installés dans trois conteneurs de 40 pieds. Nous travaillons aussi à optimiser la maintenance de cette installation qui est compliquée et coûteuse en mer.
Quels sont vos autres projets en matière de production de d’hydrogène en mer ?
T.C. : Nous prévoyons d’exploiter 55 MW en 2024 et 200 MW en 2026. En tout, l’ensemble de nos projets totalise 4,8 GW. Cela ne concernera pas seulement la mobilité mais aussi l’industrie. C’est en mer du Nord et en mer Baltique que les projets offshore avancent le plus vite. Un appel d’offres va par exemple être lancé en Allemagne pour l’attribution de 300 MW d’électricité éolienne pour la production d’hydrogène en mer. Nous comptons y participer. D’autres projets sont plus avancés. D’ici 2026 ou 2027, nous nous positionnerons sur un champs éolien offshore d’1 GW, exploité par WTD en Suède, un électrolyseur de 400 à 600 MW.
L’hydrogène sera-t-il transporté à terre par des navires spécialisés ?
T.C. : Nous pourrons alimenter localement les navires de maintenance du parc éolien, s’ils fonctionnent sur pile à combustible à hydrogène. On peut imaginer le transport par des navires spécifiques au transport d’hydrogène si cela s’avère techniquement intéressant. Mais nous privilégions le pipeline avant tout, technique efficace et éprouvée. C’est du moins celle qui sera utilisé pour les premiers projets.
Ce sera le cas pour l’électrolyseur qui sera installé en mer en septembre au SEMREV ?
T.C. : Nous n’allons pas installer de pipe car il n’est pas utile de tester ce mode de transport massivement utilisé dans l’exploitation gazière ou pétrolière en mer. L’hydrogène produit sera tout simplement rejeté dans l’atmosphère pendant cette période de test, qui vise uniquement à valider la faisabilité de la production en mer avant de déployer à beaucoup plus grande échelle sur d’autres sites. L’oxygène, également produit lors de la synthèse de l’hydrogène, sera aussi rejeté. Nous travaillons d’ailleurs avec l’Ifremer et l’Université de Brest pour évaluer l’impact à moyen et long terme sur les océans du rejet en mer d’oxygène.
Propos recueillis par Étienne Berrier