À l’occasion d’un webinaire, organisé par nos confères du Marin et du groupe Ouest France avec le Cluster maritime français, Jean-Marc Roué, le président de Brittany Ferries, a exposé ce qu’il attendait concrètement d’un plan de relance : de la compétitivité...
Comme toutes les compagnies maritimes opérant des ferries, Brittany Ferries est sévèrement sanctionnée par la crise sanitaire. Comme toutes les sociétés qui opèrent sur le marché transmanche, elle est ballottée depuis bientôt quatre ans au gré des valse-hésitations des interminables négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Sept de ses douze ferries sont assignés à quai et elle doit surtout compter sur le fret alors que 85 % de son chiffre d’affaires repose en temps normal sur l’activité passagers. Après une interruption de plusieurs mois, puis une saison estivale en pointillé, interrompue par une décision impromptue du premier Ministre Boris Johnson d’imposer une quarantaine aux estivants britanniques, elle « tourne » actuellement à un dixième de son activité de l’an dernier.
Jean-Marc Roué était un des intervenants de la table ronde organisée en visioconférence le 1er décembre par nos confrères du Marin et du groupe Ouest-France avec le Cluster Maritime Français sur la stratégie maritime à tenir dans une période aussi troublée.
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Compétitivité à marche forcée
Sur le modèle du plan de relance du fret ferroviaire – qui agit à la fois sur la promotion de l’offre et la compétitivité –, l’ex-président d’Armateurs de France sollicite un dispositif comparable pour la relance du transmanche. « Nous avons besoin d’un coup de main sur la promotion de la destination pour que les Britanniques continuent de venir sur notre territoire et d’une aide sur les coûts d’exploitation. »
Certes, reconnait-il, le gouvernement britannique a perçu la Brittany Ferries comme « un opérateur sérieux qui pourrait être précieux dans une situation critique » mais bénéficier d’une aide en compensation d’un Brexit dur n’est pas en soi une finalité, insiste-t-il. « C’est un pansement sur une jambe de bois ». Jean-Marc Roué fait ici référence au fait que le gouvernement britannique a réservé auprès de Brittany Ferries, Stena, DFDS et P&O Ferries des espaces commerciaux dans leurs garages pour anticiper sur des difficultés d’approvisionnement.
Pour le dirigeant, un « net wage durable nous mettrait, sans exiger de modifications particulières, à un niveau de compétitivité équivalent à un pavillon danois, chypriote ou italien… » Une directive européenne, en date de 2004, le permet, rappelle-t-il.
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Anticipation néante du Brexit
Jean-Marc Roué regrette que rien n’ait été fait, excepté pour préparer le passage portuaire, pour anticiper la situation du transmanche alors que le Brexit est connu depuis le 26 mars 2016. De la communication militante sur le sol britannique pour ne pas perdre le chaland voire en gagner n’aurait pas été pas du superflu, illustre-t-il.
Quant au budget européen de compensation de 5 Md€, annoncé par le président du Conseil de l'Europe Charles Michel, pour soutenir les entreprises du secteur, « ce budget n'est pas obtenu. Il n'y a rien dans la balance. Je constate aussi que dans le plan de relance français de quelque 100 Md€, il n’y a rien qui soit alloué spécifique à ce secteur ».
Baisse structurelle du marché ?
Faut-il s’attendre pour autant à une baisse structurelle du marché ? Non, il n’y croit pas, la crise vient de démontrer que l’appétence à consommer de la population britannique est intacte, rappelle Jean-Marc Roué. « Il sera sans doute plus compliqué d’exporter et plus cher mais le volume de fret sera, selon moi, équivalent ». La situation reste, quoi qu’il en soit, encore à clarifier sur l’Irlande, marché ciblé par les récents développement de l’entreprise bretonne.
Sur le passager, Jean-Marc Roué est moins catégorique. « Le transport maritime est sans doute le mode de transport le plus sécurisé en temps de crise sanitaire. Nous avons repris la mer début juillet et nous n’avons enregistré que trois cas détectés positifs et ce parmi notre membre d’équipage sans savoir s’ils avaient été contaminés à bord ou chez eux. Nous avons eu sept autre cas parmi nos personnels sédentaires, qui ont également été possiblement contaminées à l'extérieur. Je pense donc que nous avons démontré notre capacité à opérer dans un contexte sanitaire strict ».
Pour lui, le temps « n’est plus à la résilience mais à la compétitivité. La résilience, c’est le confinement », trace-t-il. Comme pour paraphraser la ministre de la Mer, Annick Girardin, qui avait reçu les opérateurs du tourisme transmanche et les avait alors invités à la « résilience ».
A.D.