Rotterdam : encore moins de conteneurs, toujours plus de GNL en 2022

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La guerre en Ukraine a entraîné des changements sans précédent dans les flux de marchandises du port néerlandais en 2022. Á 467,4 Mt, le trafic reste contenue dans la baisse des trafics. Á l’image de Hambourg et de Anvers, le conteneur, trafic-phare des ports du range nord-européen, est en difficulté.

Et la boucle est bouclée. Alors qu’Anvers et Hambourg ont présenté leurs trafics pour l’année 2022, il manquait le premier d’entre eux, Rotterdam. Le port néerlandais confirme la mise sous tension de la rangée nord-européenne.

Les volumes de conteneurs pour le premier port allemand ont chuté de 5,1 % (12,3 % au dernier trimestre) pour atteindre 8,3 MEVP en 2022. Les 250 000 EVP en manque à gagner placent Hambourg à la 20e place du classement mondial des ports, derrière le Thaïlandais Laem Chabang. Le fret conteneurisé à Anvers-Bruges, deuxième port européen, connaît un sort similaire avec une contraction de 5,2 % l’an dernier pour finir à 13,5 MEVP.

Après avoir enregistré une baisse de 4,4 % des flux de boîtes traités sur le premier semestre de 2022, Rotterdam doit se résigner à voir son trafic-phare partir à vau-l’eau sur l’ensemble de l’année, avec une baisse de 5,5 % en EVP (14.45 MEVP) et de 9,6 % en tonnage (139,6 Mt). La différence entre les deux s’explique par l'augmentation des entrées de conteneurs pleins en provenance d'Asie au cours des neuf premiers mois de l'année et de la baisse des exportations, si bien que beaucoup plus de conteneurs vides ont été réexpédiés.

Le conteneur, otage de la guerre en Ukraine

Suspension des échanges après l'agression de l'Ukraine et perturbations persistantes en mer, justifie la direction portuaire. « Le secteur du conteneur a encore été affecté par les phénomènes de congestion en raison de la forte demande de transport associée à des difficultés liées principalement aux restrictions sanitaires et à des problèmes de capacité. Cela a entraîné une surcharge des terminaux et des centres de distribution dans le port et l'arrière-pays, et une incertitude quant aux délais de livraison ».

Rotterdam a également fait les frais des annulations de services au profit de ports dont les quais étaient moins encombrés. Cependant, la direction attribue surtout la situation à la guerre en Ukraine et aux embargos qui en ont découlé. Avant la guerre, plus de 8 % (en EVP) du trafic de conteneurs de Rotterdam étaient liés à la Russie, soit une part de marché de 40 % dans ce trafic. Ces flux se sont littéralement volatilisés après mars.

La baisse de la consommation en fin d’année, en réaction à l’inflation incontrôlable, les effets de surstock des entreprises et la chute de la demande de transport ont scellé le segment au plancher.

Boom des importations d’acier

Les autres marchandises diverses ont en revanche augmenté de 10,4 %. Un phénomène observable également à Hambourg. Sur la façade nord-ouest de l'Europe, la forte hausse des prix de l'énergie a rendu la production industrielle européenne relativement coûteuse, ce qui a entraîné une augmentation des importations d'acier et de métaux non ferreux en provenance notamment d'Asie, où la demande a été affaiblie par la mise sous cloche répétée de l’activité. « Les tarifs élevés pour transporter un conteneur ont favorisé les expéditions en vrac », complète le port.

Vrac liquide, effet GNL

Sans surprise, les vracs liquides sont portés par une conjoncture plus que favorable. En hausse générale de 4 %, pour atteindre 212,8 Mt. Cette croissance globale est relativement faible, comparée aux volumes de GNL, dont les flux se sont envolés de 63,9 %. Le gaz naturel liquéfié profite à plein de son statut de super substitut au gaz naturel qui entrait en Europe par gazoduc depuis la Russie. Alors qu’en 2022, 30 % des flux de GNL ont été livrés des États-Unis, Rotterdam a réceptionné la première cargaison d’Australie. Cette première s’est inscrite dans le cadre d’un contrat d’achat entre la société australienne Woodside Energy et le principal fournisseur allemand d’énergies Uniper.

Le brut, en croissance de près de 6 %

En comparaison, la trajectoire du pétrole brut parait faible (5,9 %). Le segment a profité, une partie de l'année, du transit de pétrole russe, notamment à destination de l'Inde alors que « les raffineries du nord-ouest de l'Europe devaient s'en passer », ce qui a eu pour effet de pousser le brut de l’Oural russe vers d'autres marchés. En fin d'année, il a été porté par les trafics de pétrole destinés à la Pologne et à l'Allemagne, en remplacement du pétrole précédemment livré par oléoduc depuis la Russie.

« Les raffineries du nord-ouest de l'Europe se sont tournées vers d'autres marchés pour s'approvisionner [notamment en provenance d'Irak, d'Arabie Saoudite, d'Angola, du Nigeria et de Norvège]. Comme ce pétrole provient de lieux éloignés, le nombre de très gros transporteurs de brut [VLCC, capacité jusqu’à 2 Mt] est passé de 27 à 156 entre 2021 et 2022 », confirme le port.

En revanche, les produits pétroliers (-10,8 %) ont pâti de la baisse structurelle des importations et réexportations de fuel et des sanctions visant la Russie. L’embargo européen entré en vigueur le 5 février cette année, complété par un plafonnement des prix, risquent de dégrader encore davantage les trafics cette année.

Vrac sec, conjoncture chahutée

Autres flux qui ne sortent pas indemnes d’une conjoncture chahutée, le vrac sec passe le cap des 80 Mt. Le segment reste sous forte influence des rendements des récoltes dans différentes parties du monde. Et l'année dernière, les importations en provenance d'Ukraine ont été réduites tandis que les coûts énergétiques élevés ont affecté les entreprises de transformation dont certaines ont en outre essuyé des mouvements sociaux.

La hausse du prix des énergies a « également été une raison majeure de la baisse de la production dans l'industrie sidérurgique allemande. En conséquence, les importations de minerai de fer ont diminué de 15,5 %. » Un moindre mal car le premier semestre s’affichait en chute de 20,6 %.

Les entrées de charbon – avantagé par son prix compétitif par rapport au gaz naturel –, a bondi de 17,9 % mais a plus servi aux centrales à produire de l’électricité qu’en tant qu’ingrédient de l’acier.

« Afin de consommer moins de gaz naturel dans les centrales électriques au gaz, le gouvernement néerlandais a levé le plafond de production », pointe l’autorité portuaire. Les importations de charbon russe étant interdites depuis août, les États-Unis, l'Afrique du Sud, l'Australie et la Colombie ont servi de palliatifs.

Les autres vracs secs sont en revanche en retrait, de 14,2 %, en raison des stocks élevés, quand bien même certaines marchandises, tels que les minéraux industriels et les engrais, ont basculé vers les vraquiers pour compenser les taux de fret élevés du conteneur. Cette situation s’est matérialisée à certaines périodes de l’année par l’accumulation de vraquiers dans le premier port européen.

Le ro-ro confirme son retour à la vie

Après la chaotique transition Brexit, le trafic ro-ro retrouve des couleurs avec une hausse de 13,5 %.

In fine, avec 467,4 Mt, le trafic total de Rotterdam a été sensiblement étale (- 0,3 %) par rapport à 2021 (468,7 Mt). « 2022 a été une année extraordinaire à bien des égards. La guerre et les sanctions ont entraîné des changements dans les flux d'énergie dans le monde et des prix élevés de l'énergie », résume Allard Castelein, le président du port de Rotterdam, qui tire déjà les enseignements. « La guerre a révélé les risques pour les secteurs cruciaux d'une forte dépendance à l'égard d'un pays ou d'un nombre limité de pays. À cet égard, elle devrait servir d'incitation à accélérer la production d'énergie renouvelable et à maintenir les industries stratégiques ».

Revenus financiers en hausse

L’établissement portuaire a réalisé une année de bonne tenue sur le plan financier avec des recettes (revenus fonciers et droits portuaires) en progression de 6,9 %, à 825,7 M€. Les deux piliers de la structure des revenus ont augmenté respectivement de 25 et 28 M€ (avec un trafic stable). Le résultat net ressort stable, à 247,2 M€, augurant d’un versement de dividende en hausse de près de 10 M€, à 132,3 M€. Pour rappel, Rotterdam a pour actionnaires la municipalité de Rotterdam et l'État néerlandais.

« L'Autorité portuaire est une machine à investir », soutient Vivienne de Leeuw, directrice financière de l'Autorité portuaire de Rotterdam. Le port est de ce point de vue surtout soutenu par les investissements de ses locataires. Plusieurs décisions d'investissement ont été annoncées l'année dernière, notamment une bioraffinerie et la « plus grande usine d'hydrogène vert d'Europe ». En outre, ont été confirmés les projets pour agrandir un terminal d'importation d'ammoniac, accroître la capacité d'une unité de recyclage des batteries, construire une station de ravitaillement en hydrogène pour les camions et l’alimentation à quai. Ces investissements totaliseront environ 3 Md€, selon la direction.

« Tous les projets en cours représentent un potentiel de réduction des émissions de carbone de près de 30 Mt d'ici 2030. Ce volume représente 40 % de l'objectif national de réduction », assure Allard Castelein, qui attend du gouvernement néerlandais des réponses sur les émissions d'azote, un débat qui commence à dater.

Adeline Descamps

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