Neoline s'apprête à lancer la construction de son roulier à voile

Malgré une équation économique rendue plus ardue par la hausse des coûts de construction, Neoline veut mettre sur cale son premier voilier-cargo avant la fin de l’année et assure que ses futurs clients restent engagés. Des nouvelles orientations techniques et financières ont été prises avec la participation des Chantiers de l’Atlantique pour le gréement et l’entrée à son capital de CMA-CGM.

L’inflation, que la guerre en Ukraine a exacerbée, a forcé l’armateur nantais à remettre à plat son schéma industriel. Le coût de construction du navire en projet, un roulier de 136 m naviguant principalement à la voile et permettant ainsi une diminution de 80 % des économies de CO2 sur le trajet transatlantique, est passé en deux ans de 50 à 60 M€. Malgré l’engagement ferme de plusieurs chargeurs de renom (Renault, Beneteau, Manitou, Clarins, Hennessy, Longchamp, Michelin...), le financement du projet, qui était initialement sécurisé à hauteur de 90 % (75 % par de l’emprunt bancaire et à 25 % par des fonds propres), n’était plus assuré.

Reconfiguré, le navire reste proche de celui prévu initialement. Sa construction se déroulera majoritairement en Turquie, mais environ 36 % de la valeur du bateau sera fournie par des sociétés françaises, la plupart étant membres de Neopolia, groupement d’entreprises de la région de Nantes. 

Le gréement assuré par Les Chantiers de l’Atlantique

Principal changement technique à bord, par rapport au projet initial : le gréement (le contrat de construction du navire a été dissocié de celui du gréement pour diluer le risque), sera fourni par les Chantiers de l’Atlantique. « Ce sera le premier navire équipé du Solid Sail des Chantiers de l’Atlantique, indique Jean Zanuttini, le président de Neoline. Cette technologie est en cours de classification, avec un démonstrateur à l’échelle 1. Le processus devrait se terminer à la fin de l’année, ce qui réduit les risques du projet. »

Le Neoliner ne sera donc pas doté de quatre mâts de 50 m de haut avec 4 200 m² de voiles souples, mais de deux de 75 m avec 3 000 m² de voiles rigides, plus durables. Les performances devraient, selon l’entreprise, être au moins équivalentes. La facilité d’opération sera accrue, avec moins de voiles à manœuvrer et un gréement autoporté qui peut s’orienter à 360°, ce qui permet d’établir la voilure sans mettre le navire bout au vent, avec à la clé, une économie de temps et donc de consommation de carburant.

Aligner les planètes

Si la compagnie a dû revoir son projet, c’est que les planètes n’étaient plus alignées. Il faut d’abord et avant tout des clients. « Sur le plan commercial, cela fait longtemps que nous avons atteint l’objectif, affirme Jean Zanuttini. Le roulier est rempli entre Saint-Nazaire, Saint-Pierre et Miquelon et Baltimore [escale du service envisagé, NDLR]. Nous avons encore de la place au retour. » Il faut ensuite un projet technique et un chantier. Là aussi, Neoline coche toutes les cases. Il reste le financement de la construction du navire sur laquelle la société a achoppé à plusieurs reprises, une série de circonstances ayant interféré, alors que le coût de la construction du navire ne fait qu’augmenter : +17 % au cours de la seule année 2021.

Le coût de la construction partant à la dérive, « nous avons dû présenter à nos clients de nouvelles conditions commerciales » rappelle Jean Zanuttini. Il a fallu aussi substituer un autre actionnaire pour compenser le retrait du groupe havrais Sogestran, qui faisait figure d’investisseur de référence. Un rôle qu’a endossé CMA CGM. L’inflation persistante des coûts a conduit l’entreprise à revoir son schéma industriel.

Entrée de CMA CGM

Pour Jean Zanuttini, l’expérience de Neoline reflète aussi « la difficulté à investir pour la transition dans un contexte très mouvant, alors que les différents acteurs sont encore sur les standards de l’économie d’avant ». Le dirigeant ne désespère pas pour autant de signer le contrat de construction du premier voilier d’ici la fin d’année et maintient son objectif de livraison fin 2024 ou début 2025.

« Les difficultés que l’on a traversées ne sont pas dues à la voile, car le vent fait indubitablement partie de la solution, mais au fait qu’en tant que nouvel acteur, nous n’avons accès aux financements qu’à des conditions difficiles, et l’on n’y parvient qu’en nous alliant à des acteurs importants du marché, analyse Jean Zanuttini. Avec un navire plus cher et plus lent qu’un cargo à moteur, nous acceptons de faire un compromis sur la productivité, ce qui ne vas pas soi pour tout le monde. Aujourd’hui la voile est une alternative crédible, mais qui n’est pas généralisable sans changer tous les paradigmes de l’économie. Notre projet est complémentaire des améliorations apportées par les armateurs à leur flotte. D’où notre partenariat avec CMA CGM. »

Étienne Berrier

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