Des deux consortiums qui ont présenté leur nouvelle offre de services à partir du 1er avril 2020, celle de THE Alliance était sans doute la plus attendue dans la mesure où HMM, qui prenait jusqu’à présent des slots sur les services Asie-Europe et transatlantique de 2M, rejoindra les fondateurs de la 3e alliance maritime mondiale. La guerre des megamax n’aura pas lieu.
Deux des principales alliances maritimes mondiales – THE Alliance et Ocean Alliance – ont présenté leur nouvelle offre de services pour 2020 tandis que 2M (Maersk et MSC) se fait attendre. Mais c’est bien l’annonce de THE Alliance qui était la plus attendue dans la mesure où, le 1er avril 2020, la Sud-coréenne HMM rejoindra, en tant que membre à part entière, Hapag-Lloyd, Ocean Network Express (One) et Yang Ming, les fondateurs de la 3e alliance par la capacité conteneurisée. Les quatre transporteurs maritimes, et numéros 5, 6, 8 et 10 mondiaux dans le secteur du conteneur, totalisent 4,362 MEVP avec 18,4 % de parts de marché.
La version amendée (intégrant HMM) de l’accord de partage de navires (Vessel Share agreement, VSA), qui avait permis en 2016 de composer une flotte initiale de 151 navires d'une capacité de 3 000 à 14 500 EVP, a été acceptée par la Commission maritime fédérale américaine (FMC). La nouvelle offre que vient de dévoiler THE Alliance, comprend 33 services sur lesquels seront déployés 280 porte-conteneurs offrant une « couverture portuaire plus complète, une fréquence accrue et des transit-time améliorés », indique un communiqué pour le moins laconique. Sur les 33 services, HMM contribuera à 27 d’entre eux. Mais le transporteur ne participera ni aux liaisons transatlantiques ni à la boucle entre Asie et Moyen-Orient (boucle AR1 entre Pusan et Singapour via Jeddah, Aqaba, Sokhna).
La première qualité de la Sud-coréenne reste la force d’appoint que vont représenter les 20 unités totalisant une capacité de 396 000 EVP. Douze porte-conteneurs de 23 000 EVP, qui seront livrés en avril, seront affectés à la route Asie-Europe du Nord dans un service FE4 remanié. Les huit autres, de 15 000 EVP, en cours de construction chez Hyundai Heavy et attendus en 2021, seront déployés sur le marché transpacifique après leur livraison au premier semestre 2021. Pour rappel, dans le cadre de l'accord avec 2M, qui expire le 31 mars, HMM apporte notamment trois navires de 13 000 EVP sur la ligne Asie-Méditerranée et Asie-côte Est américaine et six unités de 10 000 EVP sur la route Asie-côte Ouest américaine.
Guerre des boucles mégamax sur la route Asie-Europe ?
Premier constat : THE Alliance disposera désormais sur la route Asie-Europe du Nord – la plus convoitée pour ses volumes importants et pour son équilibre entre imports et exports – de deux boucles (FE4 et FE2) sur lesquelles elle peut aligner des mégamax. Pas de nature cependant à égaler la puissance de ses deux concurrentes – 2M et Ocean Alliance – qui disposent chacune de quatre rotations avec des mégamax.
Quoi qu’il en soit, THE Alliance se renforce. Pour le reste, les deux boucles mégamax subissent quelques aménagements. Le FE2 (12 navires de 19 000 à 21 100 EVP), qui partira de Busan, n’escalera plus à Qingdao, Hong Kong et Jebel Ali (en direction de l'Est) et ce, en faveur du premier port touché d'Europe du Nord pour les porte-conteneurs qui arrivent d'Asie par l'Atlantique : Le Havre. Ningbo et Port Kelang en profitent également. Le port malaisien accède ainsi au statut de hub de l’Asie du Sud-Est. Le FE4, qui partait auparavant de Yantian, a désormais Qingdao pour origine et ajoute Busan, Singapour, Algésiras et Londres Gateway à ses escales au détriment, cette fois, du port français normand et anglais de Southampton. HMM devrait allouer progressivement à ce service ses 12 nouvelles unités.
Pour ce qui est des autres lignes entre l’Asie et l’Europe du Nord, la FE3 partant de Hong Kong fera désormais halte au Havre et à Londres Gateway mais ne passera plus par Jebel Ali et Southampton. Au final, entre Asie et Europe du Nord, THE Alliance maintient le même nombre de rotations (5) mais selon les calculs d’Alphaliner, elles se traduiraient par une augmentation de capacité hebdomadaire de 10 000 EVP par direction.
Parmi les autres changements majeurs, un nouveau service pendulaire remplacera les services actuellement déployés sur la route Europe-Asie du Sud-Est (ex-FE5, 10 navires de 14 000 EVP) et Asie-côte Ouest américaine (ex-PS7, 6 navires de 8 000 à 10 000 EVP). Il portera un nouveau nom, sera exploité par 18 navires de plus de 14 000 EVP, et offrira une liaison hebdomadaire supplémentaire entre l'Asie du Sud-Est et la côte Ouest américaine (desservant Rotterdam, Hambourg, Anvers, Southampton en Europe), portant ainsi à trois le nombre de services, en plus des PS3 et FP1 (ce dernier, concentré sur le Japon).
Haiphong, nouvelle star portuaire
En Asie, les liaisons transpacifiques avec les Etats-Unis se veulent plutôt prudentes. THE Alliance, pas plus qu’Ocean Alliance, ne prévoit de nouveaux services. Alors que les volumes de conteneurs expédiés sur ce trade en direction Est (Asie de l’Est-Amérique du Nord) étaient restés légèrement positifs (+ 0,5 %) au cours des trois premiers trimestres de 2019, ils ont dévissé de 10,4 % au 4e trimestre, n’ayant pas eu droit à l’effet stockage par anticipation « aux droits de douane punitifs » sur les importations chinoises par les États-Unis. Ce décrochage est une première sur la route transpacifique depuis 2009 et fait suite à une forte croissance de 8,3 % en 2018.
Et les actuelles rotations privilégient les destinations hors de Chine. Avec la côte Ouest des États-Unis, elles profitent aux ports de la Corée du Sud et Haiphong. Le port vietnamien se retrouve sur deux services, les PS3 et les PN2. Le Vietnam tire son épingle des frictions commerciales entre les deux géants économiques de la planète, la Chine et les États-Unis. Le pays d’Asie du Sud-Est a augmenté le volume total de ses exportations vers les États-Unis de 34,8 % pour atteindre 1,5 MEVP en 2019. La Thaïlande en profite également et enregistre une hausse de 17,8 % pour atteindre 0,62 MEVP.
Parmi les autres faits majeurs sur cette route, la création d’une nouvelle boucle au départ de Shanghai qui fera escale à Gwangyang, Busan et Incheon. Par ailleurs, par un « savant » jeu de chaises musicales, le désormais sacralisé Haiphong remplace Vung Tau dans la rotation PS3. Xiamen (écarté du PS7) se substitue dans le PS4 à Hong Kong, qui n’en finit plus de dévisser et où les autorités portuaires locales commencent à réagir. Ningbo, roi portuaire chinois, est ajouté à la rotation PS5 tandis que Busan est transféré sur le PS6, où Shanghai disparaît et où Kobe remplace Tokyo.
Tokyo et Kobe, plutôt bien logés
De l’Asie vers la côte Ouest des États-Unis, les escales asiatiques sont également redistribuées et le service est recentré sur Taïwan et le Japon (nouveau PN1), l'Asie du Sud-Est et le Japon (nouveau PN2), la Chine du Sud et du Centre avec Busan (nouveau PN3) et la Chine du Nord et centrale avec la Corée (nouveau PN4). Dans le nouveau PM1, Xiamen remplace Qingdao comme tête de la rotationn, où apparaissent Shanghai et Busan mais disparaît Kaoshiung. Le port taïwanais est également rayé du PN2, ainsi que Vung Tau alors qu’y apparaissent Tokyo et Kobe. À l’inverse, Kaoshiung est intégré dans l’itinéraire du PN3 qui ne desservira plus Gwangyang et Ningbo. Enfin le PN4 est profondément remanié.
En ce qui concerne les liaisons transpacifiques avec la côte Est américaine, via le Canal de Panama, les cinq boucles sont également maintenues. Parmi les faits notables, les transporteurs ont décidé de revenir à deux services distincts EC1 et EC3, qui avait été fusionnés en novembre dernier. En « prêtant » ses navires sur le EC2, HMM signe son retour sur la côte Est des États-Unis, où ses porte-conteneurs, ciglés de sa nouvelle identité visuelle réduite à trois lettres depuis mai dernier, n’avaient plus été vus depuis trois ans.
Le transporteur sud-coréen ambitionne de porter la capacité de sa flotte à 1 MEVP (832 000 EVP actuellement, commandes comprises) et d'atteindre un chiffre d'affaires annuel de 10 Md$ d'ici 2022, soit le double de ce qu’il affiche aujourd’hui. Depuis 2014, le transporteur maritime de conteneurs accumule les trimestres négatifs alors que l’État sud-coréen ne cesse de la renflouer. Les analystes ne croient pas à une amélioration de ses résultats avant l’entrée en service en avril de ses géants, dont HMM attend une amélioration de 25 % de ses revenus pour 2020.
Étonnamment, un jour après la présentation de cette offre, Hapag-LLoyd annonçait avoir signé un accord de VSA avec 2M sur la route Extrême-Orient-Europe du Nord, dont les détails ne sont pas encore connus. Sans préjuger des nouveautés du réseau de Maersk et MSC, leur alliance reste pour l’heure la seule à offrir des services directs entre l'Asie et les ports scandinaves ainsi qu’une connexion directe entre l'Extrême-Orient et Gdansk grâce à leur service AE-10/Soie que THE alliance n'offre pas. Ceci ne justifiant pas forcément cela.
Adeline Descamps avec la contribution de Thierry Joly en Asie
Ocean Alliance : Une offre de services prudente
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