Hapag-Lloyd à l'amende pour des frais de détention « déraisonnables »

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La décision du Bureau of Enforcement de la Federal Maritime Commission, l’autorité américaine de régulation du transport maritime, d’adresser une amende de 822 000 $ à Hapag-Lloyd pour des frais injustifiés n’a rien d’anodin. Elle touche à un point de clivage sensible entre les compagnies maritimes, les chargeurs et les transporteurs tiers : l’application des règles en matière de détention et de surestaries dans un contexte de congestion critique des ports qui ne permet pas toujours la restitution des conteneurs vides.

C’est un nouveau casse-tête dont le transport maritime a le secret. Un conflit d’usages. Le Bureau of Enforcement (BOE) de la Féderal Maritime Commission, l'organe chargé d’enquêter sur les violations des règles sur le transport maritime, a adressé une amende de 822 000 $ à Hapag-Lloyd sur la base d’une décision d’un tribunal administratif. 

L’armateur allemand a imposé des frais de détention que la juridiction a jugé « déraisonnables » à son client Golden State Logistics, transporteur routier, considéré, lui, de bonne fois dans sa volonté de restituer à temps les conteneurs vides aux terminaux de Los Angeles et Long Beach. Les tentatives répétées de GSL pour trouver des rendez-vous disponibles ont en effet été considérées par le tribunal administratif comme suffisantes pour démontrer l'intention. L’entreprise a en effet pu prouver qu’elle avait utilisé à plusieurs reprises le portail BlueCargo qui permet de réserver un créneau horaire. 

Sanction punitive

La sanction a été fixée à 65 666 $ par conteneur sachant qu’Hapag-Lloyd a imposé des frais au client sur 11 conteneurs. Pourtant, les frais de détention et de surestaries, imposés par son agent nord-américain à GSL, se sont élevés à 10 135 $. Mais le BOE considère que la compagnie avait « sciemment » et « délibérément » appliqué les frais alors que GSL était dans l’incapacité technique de retourner les conteneurs, faute de créneaux de rendez-vous pour effectuer les livraisons. 

« Les pratiques d'Hapag-Lloyd ne sont pas conformes aux règles sur les surestaries et la détention. Par conséquent, une pénalité importante est nécessaire pour dissuader de futures violations et assurer la conformité avec la législation », énonce explicitement la décision de la BOE, qui a manifesté chercher la sanction punitive. 

En réalité, le bras armé juridique de la FMC pensait initialement sanctionner Hapag-Lloyd à hauteur de 16,5 M$ mais a dû y renoncer faute de pouvoir fournir la « charge de la preuve ». Au demeurant, sur ce point, dans la réforme en cours de l’Ocean Shipping Act, il est question d’inverser les statuts : c’est-à-dire que ce ne serait plus au chargeur ou transitaire ou transporteur routier de prouver qu’il a tout fait pour restituer à temps les conteneurs mais à la compagnie de démontrer qu’il n’en est rien. Dans l’incapacité de la fournir pour certains jours où des frais ont été prélevés, le BOE a dû revoir sa copie. 

Joe Biden à l’écoute des chargeurs américains

La décision apparemment banale ne l’est pas compte tenu du contexte car elle renvoie aux grandes problématiques du moment. La congestion portuaire, particulièrement critique sur les ports de la côte ouest-américain, ne permet pas toujours la restitution en temps et en heure des conteneurs. Les frais appliqués par les compagnies, qui à la base avaient été pensés pour accélérer le retour rapide des conteneurs et fluidifier la circulation des marchandises, passent très mal, a fortiori dans un contexte de taux de fret élevés.  

Suite aux nombreuses plaintes des chargeurs, la FMC a été fermement invitée par l’administration Biden à lancer un audit sur la politique des compagnies en matière de surestaries et de détention. Ce point n’est qu’un parmi tant d’autres qui font l’objet d’examen. La FMC vient par exemple de finaliser une première phase d’entretiens avec 11 transporteurs maritimes relatif aux capacités offertes à l’export pendant la crise sanitaire. Les chargeurs accusent à ce sujet les compagnies d’avoir tout concentré, navires et équipements, sur l’import, pour profiter des taux de fret particulièrement élevés entre Asie et Amérique du Nord.   

Jurisprudence et porte ouverte à... ? 

Les règles de détention et de surestaries ont fait l’objet d’un amendement publié dans le Federal Register le 18 mai 2020 que nul n’est censé ignorer, comme l’énonce universellement la loi. Pour autant, la décision ne signifie pas pour autant qu’elle fera jurisprudence. Un autre opérateur de transport, Orange Avenue Express, qui prétend également que Hapag-Lloyd a appliqué des frais injustifiés pour des reefers vides, a été débouté de sa requête. 

La décision de la BOE n’en reste pas moins problématique car l'armateur allemand a visiblement agi suivant les règles de sa politique et pratiques ordinaires. Après avoir déclaré que le Bureau n'était pas compétent pour juger l'affaire, Hapag-Lloyd ne semblait pas exclure, dans ses déclarations auprès de plusieurs médias, une réponse juridique.  

Adeline Descamps

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