"Routiers, les forçats du bitume" : le documentaire à voir sur France 2

A voir bientôt sur la chaîne France 2, un documentaire sur le métier de conducteur routier. Baptisé "Routiers, les forçats du bitume", il a été réalisé par Jean-Claude Raspiengeas, un journaliste de La Croix connu du milieu pour avoir publié en 2020 le livre enquête "Routiers".

Notre confrère, Jean-Claude Raspiengeas, a passé avec son équipe de tournage plusieurs mois en compagnie de conducteurs routiers. En 2020, le journaliste avait tiré de son enquête le livre « Routiers ».

Par la suite, il est retourné voir ses "héros du quotidien" pour réaliser un documentaire, « Routiers, les forçats du bitume ». France Routes ne pouvait pas faire l’impasse sur une rencontre avec celui qui "réhumanise les déshumanisés". Entretien.

Jean-Claude Raspiengeas est grand reporter Culture au quotidien La Croix et chroniqueur sur France Inter dans l’émission Le Masque et la Plume.
Crédit photo : DR

Jean-Claude Raspiengeas, le documentaire « Routiers, les forçats du bitume » est une variation de votre livre « Routiers ». La découverte de ces professionnels a débuté dans un célèbre relais. Vous nous racontez ?

Au journal La Croix, nous avions une rubrique, "24 heures quelque part". Je passais souvent devant L’Escale, je voyais qu’il y avait énormément de poids lourds. J’étais intrigué face à ce restaurant routier ouvert 24 heures sur 24 depuis 1934. Au départ, mon projet de sujet, ce n’était que l’Escale. En arrivant, je suis entré en contact avec les routiers. Je suis resté cinq jours et cinq nuits.

Plusieurs m'ont parlé du mépris dont ils étaient l’objet. J’avais encore en tête "les routiers sont sympas", qui correspondait à une réalité, à l’époque. Les routiers avaient une vraie résonnance dans la société, ils étaient estimés. Je me demandais alors ce qui s’était passé pour qu’ils soient aujourd’hui à ce point méprisés.

Du coup, j’ai demandé à quelques uns si je pouvais les suivre, les accompagner pour connaître leurs conditions de travail sur la route, identifier quelle était la nature de ce mépris. Certains ont accepté, je suis parti plusieurs mois avec eux en dormant dans les camions et observant leur quotidien.

Le documentaire, comme le livre "Routiers", témoigne de la vie des professionnels de la route à travers quatre portraits, dont celui de Toupinette.
Crédit photo : Compagnie des phares et balises

Dans ce quotidien raconté, quatre personnages principaux se livrent sur leur profession, mais aussi leur vie. Comment avez-vous fait pour être aussi proche ?

Dans la vie, nous ne connaissons les gens que lorsque nous voyageons avec eux. Je passais la semaine en leur compagnie, j’essayais de comprendre leur vie, je posais plein de questions. Je ne connaissais rien à ce milieu.

En roulant de longues heures dans le confinement de la cabine, nous avons appris à nous connaître. Cette confiance leur permettait de me raconter beaucoup de choses. Les rencontres sont venues de façon différente avec les quatre témoins.

Pierrot64 sortait d’un traumatisme très fort, suite à un accident,

Toupinette, je l’ai rencontrée grâce à l’association La route au féminin.

Bruno, via des connaissances. Il appartient à une famille de trois générations de routiers.

Valentin, c’est grâce au transporteur Pascal Besnier, son employeur. C’était bien de filmer Valentin dans le cadre de cette entreprise familiale, avec sa femme, ses chauffeurs qui forment quelque chose de très soudé dans cette société. C’était attachant, il y a avait de la profondeur dans ce qu’ils nous racontaient.

Vocation, solitude, liberté... vous avez traduit le quotidien des routiers en 58 minutes, n'est-ce pas un peu court ?

Nous souhaitions témoigner de la densité de leur vie. De la longueur des heures, des temps d’attente, de ce qui constitue le quotidien d’un routier, dont personne n’a vraiment idée. Si nous avons choisi ce titre, les forçats du bitume, c’est parce que c’est ce qui nous est apparu.

J’ai choisi des routiers qui partent à la semaine, c’est-à-dire qu’ils passent l’essentiel de leur vie dans le huis-clos de la cabine.

Nous ne l’avons pas dans le film, mais dans le livre, un routier dit : « Je suis loin des miens pour que vous ne manquiez de rien ». C’est cela leur condition, le mépris dont ils sont l’objet est insupportable car ils sont aux services des autres, ils en parlent dans le film.

Ils aiment la route, leur métier, mais au fond d’eux, il y a quelque chose qui n'est pas reconnu : ils remplissent une mission. La société ne leur reconnaît pas la noblesse de ce travail.

Les routiers condensent plusieurs maux de la société : pollution, accidents... Ce sont les soutiers de la mondialisation. Le flux tendu a changé le métier et étouffé la solidarité.
Crédit photo : Compagnie des phares et balises

Dans « les forçats du bitume », des expressions reviennent souvent, notamment flux tendu. Des paroles fortes : « 30 ans sur la route, je n’ai pas eu de vie », « je ne représente rien ». Vous cherchez à réhumaniser des déshumanisés, finalement ?

C’était le but. J’ai découvert leur condition et leur détresse morale. Il n’est pas normal que la société ne leur rende pas ce qu'ils donnent. Les routiers condensent tous les maux de la société, pollution, risques sur la route...

Ce sont les soutiers de la mondialisation. Le flux tendu, c’est ce qui a changé le métier. Ce flux tendu a cassé les solidarités. Le monde des routiers est un monde de paradoxes. Ce qui m’avait frappé lorsque j’écrivais le livre, c’était à quel point ils pouvaient me raconter la dureté de leur métier, et en même temps qu’ils l'adoraient. Nous voyons bien comment Toupinette est heureuse de reprendre la route. Ils sont enchainés à ce que je viens de d’écrire, et en même temps, ils se disent libres…  Ce qui domine c’est qu’une fois dans le camion et sur la route, il n’y a rien de mieux.

Le tournage du documentaire a débuté aux 24 heures Camions, un fête qui permet à tous de se réunir et de communier dans la passion du camion.
Crédit photo : Compagnie des phares et balises

Dans le documentaire, il y a aussi beaucoup d’espoir, notament dans la séquence où les routiers sont aux 24 Heures Camions. C'est un événement fédérateur ?

Lorsque j’ai découvert cet événement, j’étais sidéré par la fréquentation. J’ai découvert la fierté d’un métier, d’une communauté. Là, les routiers sont hors de la rudesse de leur profession, ils viennent en famille. Nous sentons la fierté, pas des courses mais sur l’ensemble du circuit, dans le village, nous sommes à ce moment dans le plaisir d’être routier. Cet événement les fédère, ils partagent la même culture. Nous avons commencé le tournage aux 24 Heures Camions pour nous saisir de ce monde. D'ailleurs, Toupinette, dans le film, reprend espoir pendant les 24 heures.


« Routiers, les forçats du bitume »

  • Un documentaire de Jean-Claude Raspiengeas et Damien Vercaemer
  • Durée : 58 minutes
  • Réalisé par Damien Vercaemer
  • D’après l’ouvrage de Jean-Claude Rapiengeas « Routiers » © L’Iconoclaste, 2020
  • Musique originale : Baptiste Thiry – Éditions Cie des Phares et Balises / Cézame Music Agency
  • Montage : Anne Lorrière
  • Image : Damien Vercaemer
  • Son et drone : Marc Soupa

Une production Compagnie des phares et balises avec le soutien du Centre National du Cinéma et de l’image animée, de la Procirep – Société des producteurs et de l’Angoa, avec la participation de France Télévisions.

. Diffusion sur France 2, le 8 novembre à 23h05 ; sur la plateforme France Télévisions quelques jours après.

À écouter également :

Jean-Claude Raspiengeas, grand reporter à La Croix, a partagé pendant des semaines le quotidien de plusieurs routiers. Il a découvert, en embarquant dans leurs camions, à quel point leur profession était malmenée. Il raconte l'envers du récit. Un podcast original signé La Croix.

https://podcast.ausha.co/l-envers-du-recit-la-croix/en-cabine-aux-cotes-des-routiers

 

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