Logistiques Magazine : Comment réussissez-vous à optimiser le temps et l’espace ?
Stéphane Lefebvre : Le groupe Camaïeu a procédé à la réimplantation complète de sa logistique en 2006 en restant volontairement à Roubaix. Nous sommes stratégiquement situés près des grands ports du Nord, ce qui permet à notre entrepôt de recevoir les marchandises deux ou trois jours après leur sortie des ateliers de confection (un tiers de nos approvisionnements provenant de pays proches : Maroc, Tunisie, etc.). De Roubaix, nous sommes ensuite capables de livrer en J + 1 les magasins en France et en Belgique, en J + 2 l’Italie, la Suisse, l’Espagne, la République tchèque et la Slovaquie et en J + 3 la Hongrie et la Roumanie. Au sein de l’entrepôt de 40 000 m2, nous assurons la logistique des vêtements conditionnés pliés (à 97 %) et suspendus (3 %). Le cheminement se partage en deux flux : réassort et implantation. Ces opérations s’effectuent avec huit machines à éclater et cinq trieurs. Chaque trieur gère 280 sorties correspondant à 280 magasins, à raison de 45 000 pièces par heure. Grâce à ce système, même en cas de panne ou de travaux, il n’y a jamais de rupture dans l’approvisionnement des magasins. L’une des grandes spécificités logistiques de Camaïeu, c’est que nous avons supprimé le picking. Et ce même si nous n’envoyons que peu de références dans des quantités importantes : plus de 80 % de notre flux font moins d’un carton. Nous nous sommes orientés dans une logique "goods-to-men", à savoir que nous prélevons des articles en grande quantité pour les amener vers les hommes travaillant sur les trieurs. Le secret, c’est la prédistribution mécanisée. Par exemple, pour un top à fines bretelles, on va prélever dans le stock de masse des cartons complets et les amener vers les trieurs. Le seul flux de "recirculation" existant est le renvoi vers le stock. Seules les petites quantités (moins d’un carton) font l’objet d’un traitement manuel.
L. M. : Comment s’adapte la logistique au rythme des collections ?
S. L. : La force de Camaïeu, aujourd’hui, c’est son offre en magasins. Près d’une centaine de nouvelles références par semaine sont implantées en magasin. Camaïeu propose près de 60 collections-capsules par an. À la logistique, donc, de s’adapter et d’approvisionner les magasins tous les jours, avec leurs justes besoins. C’est pourquoi nous n’avons jamais limité le facing ou créé de stocks résiduels. Toutes les nuits, les ventes sont remontées informatiquement. Entre minuit et 4 heures du matin, le réassort est préparé. À 4 heures, les commandes sont prêtes sur des critères de références, tailles, coloris et magasins. Tout est automatisé en fonction des règles de gestion propres à Camaïeu et des tendances de ventes.
L. M. : Quels sont les défis que doit relever aujourd’hui Camaïeu ?
S. L. : Techniquement, l’entrepôt actuel (12 millions d’euros investis sur les 5 dernières années) est taillé pour prendre en charge jusqu’à 120 millions de pièces par an, ce qui permet d’anticiper l’arrivée de 700 nouveaux magasins. En 2013, nous avons traité 70 millions de pièces pour 1 035 magasins. Parmi nos priorités, nous souhaitons accompagner le développement du e-commerce. Il y a quatre ou cinq ans, celui-ci représentait quatre petites allées. Aujourd’hui, c’est l’équivalent de l’activité de 8 à 10 gros magasins. D’un point de vue logistique, le site internet est encore considéré comme un magasin à part entière. Nous avons construit un flux pour la livraison web en magasin et nous misons sur le cross-canal avec la possibilité de récupérer son panier sur le site en magasin, de le valider via notre application, de se faire livrer en points relais, etc. Il nous reste à définir une vraie stratégie logistique pour le e-commerce dans les années à venir. L’autre défi de Camaïeu aujourd’hui est de poursuivre l’internationalisation, notamment pour intégrer l’approvisionnement des magasins lointains, situés à des milliers de kilomètres de Roubaix, soit un lead time de plusieurs semaines, même en avion. L’Indonésie, par exemple, est l’un des pays les plus complexes à l’export avec deux à trois semaines de trajet incompressibles. Malgré tout, nous considérons que la taille critique (que nous estimons à une centaine de magasins) n’est pas atteinte pour ouvrir une plate-forme de proximité. Aujourd’hui, la limite de notre modèle se pose quand le magasin se situe à plus de deux à trois jours de transport de notre centre de distribution.
Camaïeu en chiffres
> Chiffre d’affaires : 800 millions d’euros. 70 millions de pièces vendues en 2013.
> Effectif : 6 000 collaborateurs (dont 4 000 en France).
> Implantations : 1 085 magasins dans 21 pays.