A l’occasion de la parution de leur livre blanc intitulé Decarbonation du transport international de marchandises : enjeux et leviers d’action, les experts Net-Zéro d’Ovrsea, soit Antoine Sauvage, cofondateur et directeur technique, et Charles Dubouix, en charge de la stratégie Net-Zéro, en ont fait une présentation préalable, à vocation pédagogique notamment. Dans un contexte où il est plus que jamais urgent d’agir.
Etat des lieux. Le transport de marchandises international génère 7 % des émissions globales au niveau mondial. Malgré un recul de 7 % des émissions de CO2 depuis 2016 – entrée en vigueur des Accords de Paris –, Ovrsea fait un constat alarmant : devant la croissance de la demande, elles devraient en réalité augmenter de 100 % si rien n'est fait. Ce qui fait qu'il faut désormais les réduire de 64 % d’ici à 2050.
Très pédagogique, le livre blanc explique les différents scénarios selon les actions mises en œuvre, ainsi que les effets pervers des émissions et leurs conséquences au niveau planétaire. Et bien sûr que la relation entre la demande de transport et le volume d’émissions n'est pas identique selon le mode de transport choisi, chiffres à l'appui.
Bien que la part de transport aérien ne soit que de 0,25 % en t.km, ses émissions, quant à elles, représentent 7 % du total. À l’inverse, 70 % des marchandises sont acheminées par transport maritime, ce qui équivaut à 37 % des émissions. C'est pourquoi Ovrsea plaide pour le report modal de l'aérien vers le maritime. Quant à la part du transport routier, soit 18 %, elle génère 53 % des émissions.
Le bon calcul pour établir la bonne stratégie
Affiner le calcul des émissions est essentiel pour Ovrsea, qui y consacre un chapitre complet. Pas anodine, la prise en compte des notions de scope (1, 2 et 3) peaufine encore le calcul des émissions totales générées par le produit : le fret amont et aval d’une entreprise peut parfois représenter 80 % des émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise.
Comme l’écrit Ovrsea, la mesure est en soi déjà un défi à relever, défi nécessaire afin d’établir, pour le chargeur, sa stratégie de décarbonation. Et de détailler dans ce livre blanc les différentes méthodes pour mesurer ces émissions, de la façon la plus précise possible. Sans oublier de mentionner que la collecte de ces données est primordiale également. "Nous sommes chargés de sensibiliser les clients et en tant que commissionnaires, nous sommes capables d'en parler", expliquent les deux experts.
Une marge d'erreur
Ovrsea constate une réelle prise de conscience des chargeurs : ils seraient 54 % aujourd’hui à calculer les émissions liées à leurs transports, contre 37 % en 2021. Le commissionnaire décrypte leurs motivations, sur une palette très large. Parmi celles-ci la réglementation (pour 47 %). "On en parle moins pour le maritime et l’aérien, car ils ne font pas partie des Accords de Paris, relève Antoine Sauvage. Pourtant, ensemble ils représentent environ 44 % des émissions dues au transport." Même s’ils sont soumis chacun à des réglementations spécifiques. Depuis le 1er janvier 2023, de nouvelles contraintes sont d'ailleurs imposées au transport maritime : le CII (soit le Carbon Intensity Indicator) mesure l’intensité du carbone des navires, classés selon cinq lettres. Les AB auront des avantages dans les ports, les CDE des pénalités, et jusqu’à l’interdiction d’opérer.
Collectes de données et bonnes méthodes de calcul ne sont pas suffisantes. L’expertise d’Ovrsea montre qu’une bonne analyse, et un recul par rapport à ce qui se passe en réalité, sont déterminants pour choisir les leviers sur lesquels il va falloir agir : "Chez Ovrsea on va faire varier les données pour qu’elles puissent servir à nos clients. Les entreprises veulent rationaliser cet enjeu, mais c'est difficile car la marge d’erreur est de 15 à 25 %. La donnée absolue est un mauvais indicateur car on ne prend pas en compte le poids par exemple. Il vaut mieux rapporter à la tonne/transport kilomètre pour effectuer le choix du mode et l’impact sur le long terme. Cette donnée est plus précise", précise Antoine Sauvage.
5 leviers pour agir
Ovrsea a élaboré une équation qui détermine 5 leviers d’action : CO2eq = demande de transport x chargement des véhicules x efficacité énergétique x report modal x intensité carbone de l’énergie. C'est sur les deux derniers facteurs que le commissionnaire a souhaité se concentrer. Et plus particulièrement sur le report modal du fret aérien vers le maritime, pas anodin en matière d’émissions WtW (du puits à la roue), soit une division par 50. Et souvent significatif : "En aérien 14 palettes représentent 18 tonnes de CO2 économisées". Pour Ovrsea c’est surtout d’articuler les deux modes qui est important : "La meilleure option est le maritime, mais on ne se prive pas pour autant de l’aérien si cela met en péril la production".
En conclusion le commissionnaire répète que l’atteinte de l’objectif nécessaire ne peut se faire qu’à l’aide d’une réponse collective, et en utilisant tous les outils fournis, y compris la décarbonation de l'énergie. Un chapitre est par ailleurs consacré au mix énergétique dans le transport maritime.