Parmi les principales dispositions de la future loi énergie-climat se trouvent les objectifs de la politique énergétique de la France affichés à l’article 1er. Ainsi, il ne s’agit plus de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2050 comme le prévoyait la loi de transition énergétique de 2015. Désormais, la politique énergétique nationale a pour objectif « d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six ». La loi définit cette neutralité carbone comme « un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques de gaz à effet de serre sur le territoire national. Le périmètre des émissions et absorptions comptabilisées correspond à celui des inventaires nationaux de gaz à effet de serre. La neutralité carbone s’entend sans utilisation de crédits internationaux de compensation carbone ». Le premier article projette également « d’encourager et d’augmenter la production d’énergie hydroélectrique sur tout le territoire », ainsi que de « développer l’hydrogène bas-carbone et renouvelable avec la perspective d’atteindre environ 20 à 40 % de la consommation totale d’hydrogène industriel à l’horizon 2030 ».
Les premières pages du projet de loi énergie-climat apportent également des modifications à la stratégie bas-carbone de la France. S’agissant particulièrement de la répartition des budgets carbone selon les secteurs, prévue par l’article L. 222-1 du Code de l’environnement, la loi ajoute une nouvelle disposition mentionnant que « des budgets carbone indicatifs sont également définis pour les émissions de gaz à effet de serre liées au transport international » (art. 1er bis B). Par ailleurs, le texte définit l’empreinte carbone comme « les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de biens et services, calculées en ajoutant aux émissions territoriales nationales celles engendrées par la production et le transport de biens et de services importés et en soustrayant celles engendrées par la production de biens et de services exportés ».
Le chapitre IV du projet de loi est consacré à la lutte contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie (CEE) (art. 4). Rappelons que les entreprises du TRM peuvent aussi bénéficier des primes CEE pour des actions visant à réduire leur impact environnemental. Par exemple, une PME qui change ne serait-ce que cinq véhicules par an peut récupérer jusqu’à 7 000 euros (voir OT n° 2981). Le dispositif n’est pas négligeable même s’il reste trop rarement utilisé dans le secteur du transport routier. Cependant, les CEE ayant une valeur vénale et pouvant être échangés de gré à gré, ils sont susceptibles de donner lieu à des manœuvres frauduleuses. Le projet de loi énergie entend y mettre fin en renforçant les moyens de contrôle, notamment à travers l’échange d’informations entre les administrations (art. 5).
Les nouveaux entrepôts, les locaux à usage industriel et artisanal, les supermarchés et les parcs de stationnement couverts devront désormais consacrer, au moment de leur construction, 30 % de leur surface de toiture (calculé par rapport à l’emprise au sol), en production d’énergie renouvelable (art. 6 quater). Cela peut prendre la forme de panneaux solaires ou de système de végétalisation « basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité ou tout autre dispositif aboutissant au même résultat ».
François de Rugy, le ministre de la Transition écologique et solidaire a salué l’adoption de la loi en première lecture à l’Assemblée, en déclarant que « face à l’urgence écologique et climatique, nous réaffirmons par ce texte notre détermination à aller plus vite, plus loin et plus fort en matière de lutte contre le changement climatique. Neutralité carbone en 2050, sortie progressive du charbon, déploiement des énergies renouvelables, lutte contre les passoires thermiques. L’action climatique de la France franchit ce soir une étape clé ». Un enthousiasme que ne partagent pas les parties prenantes, qui estiment que le projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques. Par exemple, les ONG environnementales comme le Réseau Action Climat, trouvent que le texte manque de moyens d’action. Rappelons également que quatre ONG ont assigné le gouvernement français en mars dernier, pour « manquements » à son obligation d’action contre le réchauffement cliimatique, suite à la pétition signée par deux millions de personnes, baptisée « l’Affaire du siècle ». De la même manière, le Haut Conseil pour le climat que le projet de la loi énergie-climat entérine dans son article 2, a dans son premier rapport publié le 25 juin dernier, pointé le retard de la France sur ses objectifs de neutralité carbone. Par ailleurs, un sondage Ifop sur la transition énergétique dans les territoires réalisée en juin 2019 pour Primagaz, relève que près de 60 % des Français jugent que les objectifs de réduction des émissions de GES fixés dans la loi énergie-climat ne seront pas atteints. Le projet de loi étant au stade de discussion à l’Assemblée, il peut encore être modifié.
Dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat, l’Union européenne a mis en place une stratégie « énergie » visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cela s’est traduit par la publication par la Commission en novembre 2016 du paquet « énergie propre pour tous les Européens » qui comprend huit actes législatifs votés en plusieurs étapes par le Parlement. Le dernier acte concernant l’organisation du marché de l’électricité a été adopté par le Parlement le 26 mars 2019. Le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie (2018/1999), la directive révisée sur l’efficacité énergétique (2018/2002), la directive révisée sur les énergies renouvelables (2018/2001) et la directive sur la performance énergétique des bâtiments (2018/844), sont déjà entrés en vigueur en 2018. S’agissant précisément de la directive « énergie renouvelable » qui a une incidence sur le secteur du transport, elle prévoit qu’en 2030, 32 % de l’énergie produite dans l’Union européenne devra avoir une origine renouvelable. De plus, les fournisseurs de carburants doivent atteindre un niveau d’au moins 14 % d’énergie produite à partir des sources renouvelables dans le domaine des transports d’ici à 2030. Seront supprimés d ici à 2030 les biocarburants, bioliquides et combustibles issus de la biomasse produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale. En effet, ces carburants, dont la zone de production gagne nettement sur les terres contiennent un important stock de carbone et présentent un risque élevé d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols. Les États membres doivent transposer cette directive le 30 juin 2021 au plus tard. S. W.