Le 17 mai dernier, Paris, Bruxelles et Madrid plaidaient, devant le Tribunal de l’Union européenne, l’annulation du règlement de 2016 adopté par la Commission européenne définissant des limites d’émission d’oxydes d’azote, que les constructeurs ne doivent pas dépasser, à l’occasion de nouveaux essais en conditions de conduite réelles (essais RDE). En effet, la ville de Paris estime que cette réglementation se traduit par un « permis de polluer » accordé aux constructeurs automobiles car elle aboutirait à ce qu’une collectivité locale ne puisse pas interdire la circulation des véhicules qui respecterait la dernière norme européenne (Euro 6). Rappelons que le règlement de 2016 permettait aux constructeurs de véhicules diesel, d’aller au-delà du niveau maximal autorisé pour les émissions d’oxydes d’azote (NOx) avec un facteur de conformité de 2,1. Ce qui revenait à autoriser des dépassements pouvant atteindre 168 mg/km alors que le seuil réglementaire est fixé à 80 mg/km pour les nouveaux véhicules homologués depuis le 1er septembre 2014. Pour les trois villes plaignantes, la Commission européenne aurait outrepassé ses attributions car sa délégation de pouvoir se limiterait à modifier des « éléments non-essentiels » de la législation. Ainsi, le règlement en cause ne respecterait pas les principes généraux du droit européen de l’environnement. De son côté, la Commission considère que le règlement attaqué n’aboutit nullement à empêcher les villes de lutter contre la pollution. De plus, elle prévoit d’abaisser graduellement la marge de tolérance et de ramener les émissions autorisées, à 80 mg/km d’ici 2023.
Parallèlement au recours formé par les métropoles européennes en juin 2016, 1 429 particuliers provenant de plusieurs pays, dont une majorité de français, avaient également engagé une procédure auprès du Tribunal de l’UE pour demander réparation du préjudice que l’adoption du règlement de la Commission leur aurait causé. Ces plaignants ont estimé que « ce règlement leur cause des préjudices matériels liés à la dégradation de la qualité de l’air qu’ils respirent et à la dégradation consécutive de leur santé ». Mais le Tribunal de l’UE a rejeté le recours dans une ordonnance en date du 4 mai 2018. L’autorité judiciaire européenne a considéré que la réalité des préjudices avancés par les 1 429 personnes n’était pas suffisamment établie. Pour elle, « un sentiment que tout un chacun peut ressentir ne constitue pas un préjudice moral réparable ». Notons que, contrairement aux villes qui avaient fondé leur action sur la légalité du règlement, les particuliers s’insurgeaient uniquement contre les effets du règlement. En définitive, le sort du règlement décrié reste suspendu à la décision que le Tribunal réserve à l’action des trois métropoles européennes. Par ailleurs, hasard du calendrier ou pas, le 17 mai 2018, c’était au tour de la Commission européenne de poursuivre la France ainsi que l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Hongrie, l’Italie et la Roumanie, auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), pour ne pas avoir présenté des mesures « crédibles, efficaces et en temps utile pour réduire la pollution ».
(1) Règlement (UE) 2016/646 de la Commission, du 20 avril 2016, sur les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6).
(2) Ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 4 mai 2018-(aff. T-197/17)