Le transport de produits pharmaceutiques conservés sous chaîne du froid nécessite des précautions particulières et les barrières à l’entrée restent souvent élevées. Ce que confirme Virgyl Bergiel. « Ce sont des volumes intéressants, mais il s’agit d’un transport assez complexe qui impose des obligations en matière de traçabilité et la mise en place de nombreuses ressources. Nous traçons chaque expédition jusqu’au destinataire final en temps réel avec un relevé des températures toutes les cinq minutes et des alarmes en temps réel en cas d’excursion de températures », prolonge le transporteur qui s’appuie sur la plateforme Trailermatics du groupe CLS pour contrôler la qualité de ses transports.
Les règlementations régissant les produits de santé, en place et à venir, tendent vers toujours plus de sécurité, ce qui nécessite en effet des investissements importants, tant dans les moyens que dans les outils, afin de respecter l’intégrité des produits pharmaceutiques. « Historiquement, nous transportions des médicaments en ambiant car, à l’époque (années 1990-2000), il n’existait pas de réglementation sur le respect des courbes de températures. Depuis cinq ans, celle-ci s’est durcie et les transporteurs ont dû s’adapter. Raison pour laquelle nous avons dû opérer rapidement une transition de la température ambiante en remorques fourgons vers la température dirigée et investir massivement dans des ensembles frigorifiques. C’est un marché de niche qui nécessite de lourds investissements et une qualification des conducteurs qui sont formés et sensibilisés aux particularités du transport de produits de santé et aux bonnes pratiques de distribution (BPD) », souligne de son côté Pascal Pihen, dont l’entreprise familiale est certifiée Certipharm depuis 2016 et titulaire d’une attestation de conformité au guide des BPD 2014 pour ses prestations logistiques depuis août 2022. D’après lui, la certification Certipharm impose des exigences supplémentaires « dans le choix de nos nouvelles recrues et la mise en place de formations régulières spécifiques ».
Une exigence dont témoigne également Benoît Latteur chez Eurotransphama, qui a obtenu la certification BPD en décembre dernier. « L’industrie pharmaceutique est une culture de l’excellence et de la rigueur avec plus de contrôles et de régulations. » Depuis 2020, le transporteur dit avoir réalisé de gros investissements en matière de qualité en poussant ses expertises en matière de traçabilité, de système d’échanges d’informations, de formation du personnel…
Maîtrise des températures et traçabilité
Face à l’intensification du cadre réglementaire et à l’augmentation du volume des produits sensibles, les entreprises sont confrontées à de plus en plus d’obligations et doivent donc mettre davantage l’accent sur le contrôle et la sécurité. Une traçabilité sans faille, tant en température qu’en géolocalisation, est donc un prérequis. C’est pourquoi Carrier Transicold s’attache à améliorer le transport et le contrôle de la température grâce à une gamme complète d’équipements et de services destinés au transport frigorifique et à la traçabilité de la chaîne du froid. « Nous innovons au quotidien afin de continuer à garantir à nos clients, partout dans le monde, le transport optimal, sans rupture de la chaîne de froid avec une maîtrise constante de la température de toutes les marchandises et notamment les plus sensibles, comme les médicaments et les vaccins », indique Jean-Pascal Vielfaure. D’après l’équipementier, 15 de ses produits sont actuellement certifiés CertiCold Pharma (label octroyé par le Cemafroid qui garantit la performance de la chaîne du froid pour la santé). C’est le cas notamment de trois modèles de la nouvelle gamme de groupes frigorifiques Supra HE (High Efficiency) pour camions porteurs, qui satisfont aux exigences des bonnes pratiques de distribution en gros des médicaments à usage humain et aux recommandations de l’ordre des pharmaciens.
Autre exemple chez Eurotranspharma. Les 850 véhicules de son parc national (mono et bi-températures en 2-8 °C et 15-25 °C) sont contrôlés en temps réel pour assurer la traçabilité en transmettant toutes les cinq minutes leur position et la température des deux compartiments. Pour renforcer la traçabilité des livraisons et garantir l’intégrité des marchandises acheminées, Heppner a, quant lui, lancé une solution de température monitorée des produits sensibles et déployé 1 200 sondes de températures connectées qui assurent un suivi personnalisé et en temps réel de la température.
Des efforts en matière de décarbonation
En parallèle, les contraintes accrues en distribution devraient accélérer l’orientation du marché vers des moyens moins consommateurs en CO2. C’est pourquoi « Carrier Transicold ne cesse d’améliorer ses gammes. Depuis 2015, l’entreprise s’est engagée, pour chaque nouveau produit, à réduire les impacts environnementaux. Ainsi, les flottes roulant avec du matériel Carrier ont réduit leurs émissions de CO2 de 20 % entre 2015 et 2021. D’ici à 2030, nous visons une réduction d’une gigatonne. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de proposer une solution électrique pour 100 % de nos gammes de produits. Il n’y a aucune excuse pour ne pas passer à une alternative électrique pour le transport réfrigéré », estime Jean-Pascal Vielfaure. Rappelons que Carrier Transicold a dévoilé lors du Salon IAA Transportation 2022 à Hanovre (Allemagne) son premier groupe frigorifique Vector pour semi-remorques alimenté par une pile à combustible à hydrogène. À noter qu’il mènera une série de tests en 2023 pour homologuer l’utilisation du biocarburant B 100 dans ses groupes frigorifiques.
La mobilité écologique et la décarbonisation de l’activité transport sont le prochain challenge chez Eurotranspharma, avec un objectif de réduction de 30 % de l’impact carbone à horizon 2030. Trente véhicules alimentés au gaz ont été mis en circulation en 2022 sur le sol français et 60 autres le seront d’ici à 2024, alors que les premiers camions alimentés au HVO arrivent au Benelux.
La maîtrise des livraisons du dernier kilomètre
Un autre enjeu de taille attend les acteurs de la chaîne du froid : l’essor de la distribution urbaine. Les Transports Chabas Santé (certifiés Iso 9001 depuis 2015), qui réalisent 50 % de leurs livraisons sur le dernier kilomètre, ont donc investi, depuis un an, environ 300 000 euros dans le déploiement de 24 caissons isothermes (Sofrigam) capables d’offrir trois plages de températures lors d’un même transport et de répondre aux besoins en matière de cartographie et de traçabilité des températures. Une dizaine de caissons supplémentaires sont prévus en 2023. Un enjeu auquel doit également répondre Eurotranspharma qui s’est spécialisé, depuis 2011, dans la distribution du dernier kilomètre de produits de santé dans toute l’Europe dans un environnement à température contrôlée. Cette unité du groupe Walden réfléchit, quant à elle, à l’implantation de hubs urbains (plateformes cross-dock).
Les défis de demain
Alors que le nombre d’épisodes de chaleur augmente chaque année en raison des changements climatiques, Pascal Pihen s’attend à ce que les transporteurs spécialisés dans l’acheminement de produits de santé sous température dirigée soient de plus en plus sollicités et doivent continuer à adapter leur flotte. Le marché devra aussi composer avec les nouvelles exigences proposées pour le règlement F-Gaz sur les fluides frigorigènes. Pour rappel, au niveau des gaz réfrigérants, une réglementation européenne impose un calendrier de réduction progressive des quantités de HFC (hydrofluorocarbones) mises sur le marché d’ici à 2030. C’est donc un nouvel enjeu qui attend les acteurs de la filière, à la fois industriel pour les fournisseurs de technologies réfrigérantes et financier pour les transporteurs qui devront encore investir dans la transformation de leur parc de véhicules et d’entrepôts.