Au cœur du Marché d’Intérêt National des Arnavaux, les entreprises de transport routier de marchandises se comptent sur les doigts d’une seule main. Une originalité bien souvent liée à l’histoire des dirigeants ou de leurs familles.
Nichée entre les enseignes de grossistes en fleurs, en fruits et légumes, Méridionale Container Partner, s’affaire tous les jours à déposer des conteneurs sur les terminaux de Marseille et de Fos-sur-Mer ou, à l’inverse, à livrer les fameuses boîtes chez les clients régionalement et dans l’Hexagone. La PME, qui emploie 32 salariés dont 26 chauffeurs, exploite une flotte de 26 tracteurs et 80 remorques. Réglementation des vitesses, respect des temps de conduite, du poids des conteneurs, temps d’attente sur les terminaux constituent le lot quotidien de MCP.
« Le transport routier de conteneurs est un métier difficile et bien souvent ingrat. L’époque des routiers sympas est révolue. Nous souffrons d’un manque de considération. Nous rencontrons de multiples difficultés, nous nous donnons du mal avec finalement peu de retours. Nous sommes confrontés à la concurrence de petits transporteurs qui louent les capacités et les véhicules pour finir par disparaître au bout de quelques mois », racontent Philippe et Stéphanie Texier, respectivement gérant et DRH de l’entreprise.
Ces deux fringants quadras continuent néanmoins à tracer leur route en cultivant les valeurs qui leurs sont chères. Certes anciennes, elles font toujours recette : « Nos clients apprécient la qualité de service, la ponctualité et le respect de nos engagements ».
MCP, qui assure majoritairement du transport de conteneurs autour du bassin de Fos-sur-Mer, a développé en 2015 le « One Way » en région Rhône-Alpes afin d’optimiser ses retours et effectue parfois des triangulaires entre Marseille, Lyon et Bordeaux. Les châssis acheminent toutes sortes de boîtes : des 20 pieds, des 40 pieds mais aussi du 40 pieds high cube et des reefers ou du « bennable ». Pour faire face au développement des conteneurs réfrigérés, MCP a investi en 2016 dans de nouveaux générateurs et en possède 11 au total permettant de préserver la température de la marchandise y compris lors des ruptures de charge.
Si les camions MCP sont suivis au moyen de la géolocalisation, si le dispatcheur est directement connecté aux manutentionnaires via un logiciel pour le dépôt et l’enlèvement des boîtes, pour autant l’entreprise veille à privilégier le contact humain avec ses clients. « Nous voulons cultiver cet esprit familial même si nous changeons progressivement de dimension », soulignent les deux responsables.
En effet, après avoir fait l’acquisition d’un nouveau terrain à Fos pour entreposer les tracteurs et remorques, une première filiale a vu le jour en janvier 2017. « Méridionale Transport Partner effectue pour commencer du transport de benne céréalière entre Avignon et la région de Milan. MTP est vouée à l’acheminement de tous types de trafics à l’exception des conteneurs maritimes », précisent Philippe et Stéphanie Texier. Pour ce couple visiblement épanoui, la vie n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille. Leur parcours de vie ressemble plus à un chemin vicinal qu’à une quatre voies. Le tandem semble soudé à jamais après avoir traversé les épreuves de la vie. Tous deux, issus des quartiers nord de Marseille, débutent dans la vie en bas de l’échelle.
Stéphanie, alors jeune coiffeuse, et Philippe, issu d’une famille de maraîchers, sont voisins dans la Cité des Hirondelles. Il entre dans la vie active avec un CAP de chauffeur pour tout bagage. « J’ai commencé à 18 ans à la STAF, société de transport de mon grand oncle basée au MIN où travaillait également ma grand-mère Jeannette Simonpieri, grossiste en fruits et légumes. J’ai choisi ce métier non par vocation mais pour faire comme les hommes de la famille. À 20 ans, je roulais en Italie, à Rome, Milan et Naples et puis je suis rentré sur le port aux côtés de mon oncle », raconte Philippe Texier.
Son oncle était une des grandes figures du port dans les années 90. Edmond Goubert dirigeait Marseille Manutention, l’entreprise de manutention du terminal fruitier. À la fois craint et respecté des dockers, l’homme disparaît en janvier 2002 dans des conditions mystérieuses. « J’ai été embauché pour entretenir des machines à fourche de Marseille Manutention. Mon oncle Alain a cessé son activité de transporteur pour nous rejoindre sur le port. J’ai travaillé sur les quais de 1995 à 2000, notamment pour assurer le transport des marchandises entre le terminal et Transcosatal, filiale de Léon Vincent dédiée au transport routier », se souvient Philippe Texier. Ensuite, le jeune pompier volontaire multiplie les expériences. Il tente une aventure entrepreneuriale dans la vente de glace en pains à Dakar avant de revenir à Marseille pour aider un ami à ouvrir une casse.
En 2001, Philippe Texier retrouve l’univers du transport routier chez SMDT, dirigée par un de ses oncles. « J’ai développé MCP, la cellule transport de conteneurs maritimes et, en 2009, j’ai racheté 50 % des parts avant de reprendre la totalité de l’entreprise à SMDT en 2012. MCP exploitait 13 tracteurs », raconte le dirigeant qui, entretemps, obtient sa capacité de transport. Il découvre alors une entreprise criblée de dettes. Il travaille jour et nuit pour redresser la barre. « Si je décidais de fermer, je devais repartir de zéro. J’ai fait le choix de passer ce cap. Pour gagner de la trésorerie, j’ai dû vendre quatre tracteurs », raconte Philippe.
Sa compagne l’épaule dans ces moments difficiles. Elle rejoint l’entreprise et se forme au management, au social. Les chauffeurs jouent le jeu et travaillent sans relâche. La reprise a lieu en pleine réforme du statut des ports autonomes. Une période marquée par de nombreuses grèves sur les quais. « Nous avons mis les bouchées doubles. Nous sommes revenus à l’équilibre en 2014 après deux années très difficiles où je devais payer le gazole à l’avance », poursuit le dirigeant qui, passe en trois ans, de 8 à 26 tracteurs. Philippe et Stéphanie qui font la route ensemble depuis 21 ans, semblent enfin avoir trouvé leur voie. Ils se plaisent à rêver « d’une belle entreprise de transport à l’ancienne avec les camions alignés sur le parking » !
Adhérent de TLF Méditerranée, Philippe Texier s’appuie au fil de l’eau sur les conseils de son secrétaire général. « Michel Mattar m’a orienté sur les formations dispensées par TLF. Il m’a permis de passer ma capacité en transport », souligne le gérant de MCP. A 43 ans, il est également administrateur de la Caisse Interprofessionnelle des congés payés de la région méditerranéenne. « En tant que chef d’entreprise, je cernais bien l’utilité de la caisse pour gérer les congés payés de mes salariés. Je voulais comprendre de l’intérieur comment s’opéraient les choix stratégiques et budgétaires », souligne-t-il.
• Siège : Marseille (13)
• Chiffre d’affaires : 4,3 M€ en 2016
• Flotte : 26 tracteurs, 80 remorques
• Effectif : 32 collaborateurs
• Activité : Transport routier de conteneurs maritimes
