Le virage du gaz est pris

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Depuis 2017, les Transports Denoual (185 salariés), implantés historiquement en Bretagne, investissent dans des camions alimentés au gaz. La flotte se compose déjà de six véhicules et devrait atteindre une dizaine d’unités d’ici à la fin 2020, malgré le manque d’autonomie et de stations d’avitaillement. Par ailleurs, l’entreprise familiale envisage d’actionner un autre levier pour rouler propre : le rail-route.

Depuis avril, deux nouveaux camions sont venus étoffer la flotte des Transports Denoual, dont le siège social est situé depuis 1974 à Elven, dans le Morbihan. Avec une particularité, ils roulent au gaz naturel comprimé (méthane ou biogaz). Un choix que l’entreprise familiale, spécialisée dans le transport de produits alimentaires et sous températures dirigées, a fait voilà deux ans. Les motivations ? « Se démarquer, faire du transport différemment, donner une autre image de la profession…, répondent Régis et Pierrick, les fils du fondateur, Christian Denoual, aux commandes depuis 2005. Le coût du carburant représente 25 à 30 % de nos dépenses. Des prix que l’on ne discute pas. D’où la volonté de trouver des alternatives. »

Ce mode de transport n’est pas sans inconvénients. Il y a tout d’abord l’autonomie : « 400 à 450 kilomètres pour un camion qui roule au GNC, contre 900 kilomètres pour le GNL (gaz naturel liquéfié), ce qui oblige à un plein quotidien. »

Le gaz, un argument commercial

Il faut composer avec le manque de stations d’avitaillement, seulement deux étant disponibles dans le secteur morbihannais, à Locminé et Vannes. C’est aussi un investissement lourd : 120 000 euros par camion, « soit un surcoût net de 30 000 euros », en partie compensé par 13 000 euros d’aides à l’achat et quinze à vingt minutes pour faire le plein de gaz. « Mais on ne regrette pas. C’est un argument commercial », selon Pierrick Denoual. « Cela nous ouvre des portes chez certains clients », complète son frère aîné. Et si le coût d’achat des véhicules est supérieur aux camions au diesel, les coûts d’exploitation sont moindres, assurent les deux frères. « Le gaz coûte moins cher et son prix est relativement stable. » Le retour sur investissement se dessine « au bout de deux ans ». Aujourd’hui, six camions « très silencieux » (marques Scania et Iveco) roulent au gaz, avec une dizaine de conducteurs attitrés. Dans le renouvellement de sa flotte (102 moteurs), le transporteur breton prévoit d’intégrer ce type de véhicules pour atteindre une dizaine d’unités d’ici à la fin 2020, alors que 10 % du parc est renouvelé tous les ans (soit 2 M€ d’investissements annuels). Ce développement s’effectuera au rythme des nouvelles stations de ravitaillement, une dizaine de projets étant attendus sur le territoire breton à l’horizon 2021. À ce stade, les deux cogérants qui se partagent 90 % du capital à parts égales (le directeur de l’agence de Chevigny-Saint-Sauveur, en Côte-d’Or, est également actionnaire à hauteur de 10 %), n’envisagent pas d’investir dans une station sur le site d’Elven, le parc n’étant pas assez conséquent.

Reprendre le rail-route

Autre levier activé pour rouler propre : le rail-route. « Nous nous sommes lancés en 2011 sur deux lignes (Rennes-Mâcon et Rennes-Dijon) alors que certains transporteurs n’y croyaient pas », se souviennent Régis et Pierrick Denoual, qui ont injecté 1,2 million d’euros pour l’achat d’une quinzaine de caisses mobiles frigorifiques et autant de châssis, de 2011 à 2013. Mais, depuis 2017, ce mode de transport est en suspens suite à des problèmes techniques et des délais non garantis. Là aussi, les contraintes sont réelles. « Nous n’avons pas la maîtrise sur 50 % du trajet. En cas d’incidents techniques, la marchandise est bloquée dans le train. Une demi-heure de couac peut entraîner vingt-quatre heures de retard », précise Régis Denoual. Autre frein : un surcoût dans l’investissement matériel de 20 %. Et les coûts d’exploitation sont aussi plus importants car « nous sommes tributaires des horaires ». Mais le train possède aussi ses avantages : 2,4 millions de kilomètres et 2 500 tonnes d’émissions de CO2 économisés, 768 tonnes de carburant en moins, au cours des 4 000 voyages effectués depuis 2011. « Le rail-route existe et fonctionne. Mais si on ne laisse pas aux transporteurs plus de latitude sur les délais de livraison, ils n’en pratiqueront pas plus. On vous donne quarante-huit heures maximum pour livrer la région de Lyon au départ de Bretagne… Avec le train, c’est presque trop juste ! » Les deux cogérants, qui envisagent de relancer ce mode de transport à partir de septembre prochain, attendent donc davantage de souplesse dans les contrats de livraison et sont en pourparlers avec leurs clients. « Il faut trouver un argument économique », note Régis Denoual, qui soumet l’idée d’un bonus écologique.

Doubler l’activité logistique et la location de véhicules

L’entreprise, qui revendique 200 clients, a réalisé 21 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018. Elle table sur une progression de 3 % sur l’exercice 2019. L’activité transport pèse 90 % du revenu, partagée entre la température dirigée (surgelés et produits frais) à hauteur de 40 %, l’ambiant (20 %), le transport de produits industriels (bâtiment, pharmacie, emballage alimentaire) à 20 % et la location de véhicules avec conducteur (10 %). Quant à l’activité logistique, elle représente 10 % du chiffre d’affaires. « Proposée depuis une dizaine d’années, la location de véhicules se développe pour répondre à une réelle demande locale impulsée par la pénurie de conducteurs. » Un service de proximité que les deux cogérants souhaitent renforcer. Tout comme la logistique. « D’ici à cinq ans, nous souhaitons doubler ces deux activités. » Et après la mise en route de trois entrepôts de stockage, entre 2008 et 2018, pour une capacité de 15 000 m2, l’équipe réfléchit à une extension sur le secteur morbihannais.

« Nous misons beaucoup sur la formation des jeunes conducteurs »

Pour faire face à un déficit de personnel de conduite, les Transports Denoual n’hésitent pas à investir dans la formation de nouveaux conducteurs en collaboration avec l’Aftral, Pôle emploi et deux confrères du groupement Astre, dont ils sont adhérents depuis 1992. Une session de formation, qui débute en octobre pour une durée de quatre mois, s’adresse à une quinzaine de personnes. Au programme : passage du permis C et du permis semi-remorque, et la Fimo (formation initiale minimale obligatoire). Les candidats intègrent ensuite la société avant d’être pris en charge par l’un des deux formateurs de l’entreprise et sept tuteurs, pendant une journée voire un mois selon les besoins. Depuis octobre 2018, sept conducteurs ont ainsi bénéficié du dispositif. L’initiative semble faire ses preuves. « Nous misons beaucoup sur la formation des jeunes conducteurs. C’est un investissement humain et financier, entre 4 000 et 6 000 euros par candidat, mais nous avons de bons résultats », assurent Pierrick et Régis Denoual. Le hic ? Il n’y a pas de garanties. « Nous demandons aux conducteurs formés de rester deux à trois ans au moins dans l’entreprise. Mais il n’y a pas de clauses, c’est un vrai problème ! », reconnaissent les deux frères. F. F.

Repères

• Siège : Elven (56)

• CA 2018 : 21 M€

• Effectif : 185 salariés, dont 145 conducteurs

• Parc : 102 moteurs, 150 semi-remorques (dont 70 frigos), 250 cartes grises

• Activités : Transport de produits alimentaires sous températures dirigées, de produits industriels, location de véhicules avec conducteur

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