Le groupe se met au lourd

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Avec une croissance faite d’un virage à 180° et de coups successifs d’accélération, le groupe Warning, basé près de Lyon, est « en mode start-up » depuis plus de vingt-cinq ans. Cette ancienne PME de courses, devenue ETI spécialiste de la distribution urbaine, vient d’acheter Euromatic au groupe Geodis. Une acquisition qui lui permet de passer dans la catégorie « poids lourds », dans tous les sens du terme.

Le groupe Warning, basé à Tassin, près de Lyon, spécialiste de la distribution urbaine, a profité de l’été pour passer au transport lourd… et devenir lui-même un poids lourd. Fin juillet, il a acheté à Geodis sa filiale Euromatic, forte de 570 collaborateurs et de 85 M€ de chiffre d’affaires. Warning passe ainsi de 6 à 21 agences en France, de 3 à 12 cotraitants ou encore de 27 000 m2 à plus de 120 000 m2 d’entrepôts logistiques en propre. Il atteint aussi un effectif de 1 900 salariés et un chiffre d’affaires de plus de 145 M€. Les 200 M€ devraient être dépassés dès 2020. Quant à son parc, désormais de 1 500 véhicules, il n’est plus seulement composé de VL, mais aussi de poids lourds (cf. encadré). « Notre politique est de cesser progressivement la location longue durée que pratiquait Euromatic pour disposer de tout notre parc en propre, précise Quentin Bonnac, directeur général et fils du fondateur et président, Éric Bonnac. Nous profitons par ailleurs des renouvellements pour passer au GNV. L’objectif est d’exploiter un parc 100 % gaz partout où des stations rendent cela possible. »

Livraison avec prestations complémentaires

Le communiqué diffusé lors du rachat d’Euromatic éclaire la logique de l’opération : « Warning, avec cette acquisition, optimise et complète son réseau de distribution dédiée et de transport urgent, tout en renforçant son positionnement de spécialiste des marchés à forte valeur ajoutée ». Euromatic possède, en effet, plusieurs activités : la location de véhicules avec chauffeurs et la distribution mutualisée (près de 12 M€ de chiffre d’affaires), la distribution et logistique en environnement sensible (matières dangereuses classe 9 type produits radioactifs, livraisons pour l’aéronautique, 12 M€), mais aussi la distribution nationale à haute valeur ajoutée, qui assure les 61 M€ restants. Il s’agit de livraison de produits high-tech lourds avec prestations complémentaires : matériels de reprographie ou d’imagerie médicale que la société assemble, livre, monte, branche, configure, teste… Une formation pour les utilisateurs peut même être assurée et le matériel usagé rapporté. Ces prestations sont assurées pour des meubles (Leroy Merlin, cuisines Fournier, etc.).

Une activité identique à celle de NRJ, précédente acquisition de Warning, en 2017. Ce groupe familial (dirigé par Jean Normand) emploie 1 150 salariés. Il exploite 850 véhicules, deux plateformes en région parisienne (Villeneuve-la-Garenne et Garonor) et 15 agences en régions, avec 9 partenaires, ce qui a apporté un volume de 12 M€ réalisé avec ces prestations. Pas mal, mais insuffisant pour atteindre une taille critique sur ce marché de niche.

C’est désormais chose faite. Regroupées depuis le mois de septembre sous le nom de « Warning+ Euromatic », ces prestations représentent 97 M€ sur les 145 M€ de CA consolidé du groupe Warning. « Nous allons pouvoir encore les développer grâce aux outils informatiques, assure Quentin Bonnac. Nous avions déjà TMS, push SMS, tracking, WMS… et nous venons d’acquérir un logiciel d’optimisation de plan de transport (PTV Smartour). Euromatic a également développé en interne un outil très complémentaire, spécifique à cette activité. » NRJ avait en outre une filiale de prestations informatiques chargée des paramétrages des matériels livrés, Jiffy Online… que Warning a également reprise.

Des pièces auto aux produits frais

Le groupe de la famille Normand avait des activités supplémentaires dans son giron, qui sont venues renforcer les autres pôles de Warning. Parmi ceux-ci, Warning+ Précision concerne la distribution – tournées dédiées et navettes intersites – de pièces automobiles de rechange (notamment pour le groupe PSA) et pare-brise (Saint-Gobain Autover), que Warning a développé à partir de 2009-2010. L’une des filiales de NRJ ayant la même spécialité (Paris Express Services), également rachetée en 2017, permet cette année à ce pôle de réaliser 20 M€ de chiffre d’affaires. Le poids du pôle Warning+ Proximité, qui concerne la livraison à domicile pour la grande distribution, est identique. Commencée en 2012, lorsque Warning a remporté un appel d’offres de Monoprix pour assurer les livraisons aux particuliers de plusieurs de ses magasins, cette prestation a gonflé d’un coup à l’été 2014, lorsqu’il a fallu embaucher 150 personnes en même temps pour Carrefour en région parisienne. En 2017, le rachat d’une autre filiale du groupe NRJ, Kaplan, spécialisée dans la distribution de produits frais, a renforcé un peu plus cette activité.

« Récemment, nous avons signé un contrat avec Amazon qui nous permet de diversifier ces prestations sur tous types de produits, annonce Quentin Bonnac. Depuis quelques mois, nous mettons 25 véhicules/jour au départ du magasin de Lyon Saint-Priest [qui vient de déménager à Vénissieux, Ndlr] et ce mois de septembre, nous commençons à Paris, avec 25 à 30 véhicules/jour. Et ce contrat a vocation à évoluer ».

Enfin, dernier pôle : Warning+ Agilité, soit la course et la messagerie. Activités d’origine de ce groupe fondé en 1983, elles avaient tant pâti de la crise de 2008 qu’Éric Bonnac avait opéré un virage à 180°. Leur part dans le chiffre d’affaires est passée de 80 % en 2009 à… 15 % en 2013. Il ne compte pas pour autant l’abandonner, puisqu’il a racheté en 2015 Express Services*, une société de courses à deux et quatre roues en Île-de-France. Et le dirigeant y a ajouté en 2017 une activité de messagerie sous contrainte du groupe NRJ, implantée sur 5 000 m2 à Villeneuve-la-Garenne (par exemple pour le fabricant de peinture industrielle PPG ou encore pour Footlocker). Cette année, ce pôle devrait réaliser un peu moins de 8 M€.

Nouvelles acquisitions et internationalisation

Aujourd’hui, Quentin Bonnac réfléchit à la meilleure manière d’optimiser toutes ces acquisitions. « Le fait d’avoir un meilleur maillage d’agences en France va sans doute nous permettre d’éviter des trajets à deux chauffeurs ou des découchés, estime-t-il. Par ailleurs, certaines implantations Euromatic et NRJ d’un même territoire peuvent être redondantes. » Le site NRJ de Chassieu, près de Lyon, par exemple, pourrait être fermé au profit de celui d’Euromatic à Saint-Laurent-de-Mure, près de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry. Mais le groupe n’abandonne pour autant pas son « esprit start-up permanent ». Éric Bonnac est à la recherche de nouvelles aventures pour son entreprise. Il étudie d’autres « cibles » de croissance externe. Autre projet, celui d’internationaliser l’activité : « Si certains de nos clients veulent se développer au Benelux, en Espagne, en Italie, explique Quentin Bonnac, nous pourrons répondre à des appels d’offres avec eux. Nous ne nous fixons pas d’objectif, mais cela devrait intervenir d’ici trois à cinq ans. »

Repères

• CA 2019 : 145,1 M€

• Effectif : 1 900 salariés

• Parc : 1 500 VI, dont 80 porteurs – 19 t, 102 > 19 t, 42 tracteurs et 72 semis (10 porteurs et 2 tracteurs au GNV)

• Activités : livraison à valeur ajoutée, distribution de pièces automobiles, livraison aux particuliers

Inspiré par Largo Winch

Fin 2016, en vue de ses acquisitions, Éric Bonnac a fait entrer le fonds d’investissement CM-CIC au capital à hauteur de 10 %. Mais il reste majoritaire, à 80 %, tandis que son fils Quentin partage 10 % avec deux cadres « historiques » du groupe. Trentenaire, diplômé d’une école de commerce, ce dernier pilote désormais les opérations depuis la région parisienne, où Warning réalise 70 % de son chiffre d’affaires. Mais Éric Bonnac, qui avait en 2014-2015 pris de son temps – et de ses nerfs, peu rompus aux relations « politiques » – pour présider le cluster logistique Rhône-Alpes (disparu depuis), reste très présent. Autodidacte, il continue à construire avec son fils un petit empire… qu’il rêve sans doute aussi puissant que celui de la célèbre bande dessinée Largo Winch, puisqu’il a donné le nom de celui-ci à sa holding familiale : groupe W.

V.V. L

* Sans lien avec Paris Express Service, ex-groupe NRJ, cité plus haut.

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