Dimanche 26 mai était un jour de fête aux Transports Boucheix. Pour inaugurer les locaux qu’il a acquis à Aulnat, près de Clermont-Ferrand, Nicolas Combemorel, le dirigeant, avait réuni les 57 salariés de la société, ainsi que les 19 de Limatrans Logistique, qu’il dirige aussi (lire l’encadré). Pour les Transports Boucheix, cette installation, depuis deux mois, sur 6 000 m2 (dont 600 m2 d’entrepôt plus des bureaux) marque un tournant majeur. « Lorsque j’ai racheté le fonds de commerce de Simon Boucheix – qui partait à la retraite en 2008, rapporte Nicolas Combemorel, j’ai d’abord travaillé de chez moi. Puis, à partir de 2010, je louais des bureaux à La Pardieu, à Clermont, pour les personnes que j’avais embauchées. Et du parking pour mes véhicules, je me débrouillais avec les copains transporteurs pour passer des palettes à quai. » Mais la débrouille n’a qu’un temps, le développement de l’entreprise passait par cette installation sur un site, pour laquelle le dirigeant a investi quelque 700 K€. Si l’entrepôt avait en effet déjà été conçu pour un transporteur, les bureaux avaient besoin d’importants travaux et il manquait des équipements d’alarme et de télésurveillance. « Évidemment, cela va affecter un peu notre rentabilité, admet-il. Jusqu’à présent, celle-ci a toujours été bonne, parce qu’on n’avait pas de frais de structure. Mais j’ai poussé l’activité, depuis un à deux ans, dans cette perspective. »
En onze ans, le quadragénaire a déjà fait passer le volume de ventes de 690 K€ à 4,5 M€. Aujourd’hui, il espère que cet investissement va lui permettre de se développer. La situation du nouveau site, près de la jonction entre les autoroutes méridiennes (A71/A75) et transeuropéenne (A89), l’amène à proposer aux transporteurs l’utilisation de son parking et de son entrepôt : « Beaucoup cherchent des solutions à Clermont, soit pour déposer à l’improviste de la marchandise car le client final était fermé lorsque leur conducteur est arrivé, soit parce qu’un hayon est nécessaire pour décharger, constate le dirigeant. Je souhaite plutôt offrir des solutions aux collègues que leur prendre des parts de marché. »
S’il est animé de cette philosophie, c’est parce que l’activité de base des Transports Boucheix est constituée de distribution et de traction de nuit en sous-traitance pour des messagers : avec une quarantaine de lignes régulières, celle-ci représente 70 % du chiffre d’affaires. « C’est comme ça que j’ai connu Simon Boucheix. Je travaillais chez Gefco et il était mon client », se souvient Nicolas Combemorel, qui intervient désormais pour son ancien employeur, Gefco, mais aussi pour Ziegler, l’autre client historique des Transports Boucheix. Depuis 2008, il a aussi noué des liens commerciaux avec DB Schenker, Dachser, Kuehne + Nagel, Geodis ou encore Multi-Transport. « En fait, quelques mois après mon acquisition, la crise est arrivée et j’ai perdu deux contrats en quelques mois, raconte-t-il. J’ai eu très peur, mais finalement, c’est peut-être cela qui m’a aidé, en m’obligeant à aller frapper aux portes de tous les transporteurs de Clermont. » Après un « sale hiver », le transporteur auvergnat parvient, dès le printemps suivant, à relancer l’entreprise et doit recruter à l’exploitation. Ce service compte actuellement une responsable et deux techniciennes.
Ces dernières gèrent un planning à la journée pour une autre activité de la société, qui assure 20 % de son chiffre d’affaires : des tournées « spot » pour des messagers et des transports à la demande pour le compte des industriels, en régional, national, voire international. La dizaine de conducteurs polyvalents dédiés à ces missions peuvent aussi, à tout moment, être mobilisés pour la troisième activité de l’entreprise, les courses urgentes en poids lourd. Si cette spécialité assure actuellement 10 % du chiffre d’affaires, Nicolas Combemorel souhaite la renforcer. « Des sociétés de course qui n’exploitent que des véhicules légers, mais aussi des donneurs d’ordre, nous demandent d’assurer, en poids lourd, un transport dédié et express, explique le gérant. Il peut s’agir de marchandises qui ont une certaine valeur et ne doivent pas traîner sur des quais lors de ruptures de charge. » Une activité « très bien valorisée » pour laquelle Nicolas Combemorel n’hésite pas à renoncer à des demandes plus standards. « Mais c’est un risque que nous prenons, pointe ce dernier. Certes, c’est une prestation vendue environ deux fois le prix d’une autre, mais parfois, je peux avoir les gars sur le parking et pas d’activité ! »
Les exploitantes savent mobiliser ainsi, au pied levé, tel ou tel conducteur, grâce à leur connaissance des contraintes personnelles et familiales de chacun d’eux. Quant au dirigeant, il veille à disposer de véhicules aptes à répondre à toutes demandes : « Sur nos 27 porteurs de 12 à 19 t, détaille-t-il, tous sont équipés de hayons et sept sont bâchés. On peut charger et décharger par le côté, par exemple en cas de grandes longueurs, et même par le toit si nécessaire. » Un parc qu’il renouvelle régulièrement : deux nouveaux porteurs sont entrés récemment.
Dans le cadre de la charte Objectif CO2, qu’il a signée début 2018, Nicolas Combemorel s’est engagé à acquérir des véhicules à la norme Euro VI. « J’achète uniquement des tracteurs neufs et exclusivement chez Mercedes, précise le chef d’entreprise. Lors de ma reprise de la société, Simon Boucheix m’a rapproché du concessionnaire de Clermont, qui m’a beaucoup aidé au moment de la crise. Je lui suis donc fidèle. » Ses engagements de la charte Objectif CO2 reposent sur un suivi des consommations ainsi que sur une sensibilisation et des formations à l’éco-conduite pour ses conducteurs. Mais en 2020, le transporteur prévoit aussi d’acquérir un véhicule au gaz. L’OTRE Auvergne-Rhône-Alpes, dont il est vice-président délégué pour l’Auvergne, est en effet membre du comité de pilotage d’un projet de station de distribution de GNV engagé par Clermont Auvergne Métropole. « Évidemment, le gaz pose un problème d’autonomie, commente Nicolas Combemorel. Mais cela peut se tenter pour les lignes aller-retour de Clermont à Lyon, Brive ou Montargis, par exemple, qui n’excèdent pas 500 km. On ne peut plus rester indifférents à la question du climat ».
• Siège : Aulnat (63)
• CA 2018-2019 : 4,5 M€ (+ 17 % par rapport à 2017-2018)
• Effectif : 57 salariés
• Parc : 21 tracteurs, 15 semis, 27 porteurs (12 à 19 t, dont 7 bâchés)
• Activités : traction, distribution, spot, courses urgentes
En 2017, Nicolas Combemorel a acquis une autre société de TRM, Limatrans Logistique, là encore à la faveur du départ à la retraite du dirigeant. « Le projet m’a séduit parce que le métier de cette entreprise, l’hyper-volume, est très spécifique », explique le dirigeant. Ses véhicules de 2,90 m sous barre permettent de transporter par exemple de la laine de roche pour Rockwool, du polystyrène pour Iko ou encore diverses marchandises volumineuses pour le compte des magasins Bamboo. Parmi ses destinations privilégiées figurent le Nord, la Normandie et la Bretagne, mais aussi la Corse.
Implantée sur la zone d’activité de Ladoux, sur la commune de Cébazat, au nord de Clermont, Limatrans Logistique côtoie le centre européen de recherche de Michelin, son premier client. Si l’entreprise assure pour ce groupe des lignes régulières permettant d’alimenter les usines, elle effectue également des courses ponctuelles, par exemple pour transporter rapidement et discrètement des prototypes. « Mes deux sociétés se retrouvent sur cette activité », constate Nicolas Combemorel, qui ne projette pour autant pas de les réunir. « J’essaie cependant de les fédérer humainement, assure-t-il. J’ai besoin d’avoir autour de moi des gens qui se reconnaissent, qui s’entraident en cas de besoin. » Voir danser ensemble les salariés des deux entités, lors de l’inauguration du site des Transports Boucheix, constitue pour lui un premier pas… V.V.L.