« Une nouvelle page ». C’est ainsi qu’Edgars Birovs, directeur général Hegelmann France, basé à Châtenoy-le-Royal (71), annonce le développement qu’aborde ce mois-ci son entreprise. La PME, filiale du groupe allemand éponyme (2 800 salariés, 2 500 véhicules) campe sur l’express, de l’Algarve (Portugal) jusqu’aux frontières de la Chine. Le siège bourguignon – dix quais de chargement, 6 000 m2 de stockage et 20 000 m2 de parking sécurisé – n’offrait jusqu’ici qu’une position centrale dans l’Hexagone pour des opérations de stockage, relais de conducteurs et réparation des véhicules.
Créé en 1998 à Bruchsal, près de Karlsruhe, par Georg, Alexander et Waldemar Hegelmann, artisans conducteurs venus du Kazakhstan, le groupe allemand possède déjà une implantation dans 15 pays, majoritairement à l’est de l’Europe, mais aussi en Espagne. L’entreprise aujourd’hui pilotée par la deuxième génération – les cousins Siegfried et Anton – connaît un essor soutenu avec, depuis sept ans, l’ouverture de succursales dans dix nouveaux pays et, ces quatre dernières années, une croissance continue d’environ 50 %, selon ses dirigeants. Dans ce contexte, alors que le groupe a inauguré son nouveau siège social en mars à Bruchsal, la filiale française démarre le second semestre 2019 sous le signe des changements, le principal résidant dans l’ouverture d’une activité de transport national. Jusqu’ici, le groupe assurait les livraisons pour des clients français avec les véhicules d’autres filiales ou, majoritairement, via la sous-traitance. La base de Châtenoy-le-Royal, « un hub très bien situé », selon son directeur, a généré 442 000 euros de revenus sur neuf mois opérationnels, de mars à décembre 2018. Puis, de janvier à mai 2019, 847 000 euros, essentiellement sur des activités de garage et d’entrepôt.
Edgars Birovs affiche aujourd’hui des ambitions supérieures. Après l’achat, début juin, de deux premiers véhicules en 44 tonnes, bâché et frigo, il s’apprête à constituer une flotte de 50 véhicules – surtout en MAN et Mercedes, en Euro VI – et espère recruter entre 70 et 100 conducteurs (deux par véhicule industriel). « Les véhicules seront immatriculés en France et les chauffeurs sous contrats français, aux conditions de rémunération nationales, affirme le dirigeant, qui apprend la langue de Molière et affine l’intégration de son entreprise dans le paysage national par des partenariats culturels et sociaux (voir encadré). Hegelmann France est une Sarl française qui respecte les lois françaises. En nous implantant près de Chalon-sur-Saône, nous avons rencontré le maire et les représentants de la chambre de commerce. Nous ne sommes pas là pour le cabotage, mais pour développer le marché national. » Les activités visées : l’express – le groupe revendique « une réactivité en continu, 24 h/24 et 365 j/365 » – mais aussi la marchandise générale, l’alimentation, la grande distribution, le frais, l’industriel ou la matière dangereuse… « Tout, sauf les matières explosives ou radio-actives », résume Dana Caleiro, responsable de la communication. « Et, plus généralement, la société souhaite travailler en direct avec les ETI et PME françaises », ajoute Edgars Birovs. Jusqu’ici, le groupe opérait en France surtout auprès de grands comptes, tels Michelin, Bonduelle ou Amazon…Pour alimenter cette montée en charge, Hegelmann France a confié la direction commerciale, basée à Toulouse, à Arnaud Joerger, vingt-cinq ans d’expérience (dont quinze en Allemagne) dans les transports internationaux de marchandises. Depuis la ville rose, il pourra s’appuyer sur le parc et l’équipe nationale renforcés, mais aussi sur des implantations nouvelles. L’entreprise a acheté un site de 17 000 m2 à Avrainville (91) et un autre de 10 000 m2, dont 2 000 m2 de stockage, à Calais (62). « À terme, souligne le directeur général, nous prévoyons d’acquérir de nouveaux sites logistiques et, tous les 500 km, des bases avec parking protégé et zones de repos pour les conducteurs. Il s’agit d’assurer la sécurité des marchandises et de soigner les conditions de travail de nos salariés. »
Le site bourguignon, qui a déjà bénéficié d’un investissement de 500 000 euros et pourrait gagner en superficie avec l’achat de 35 000 m2 voisins, va connaître dans l’immédiat des travaux d’ampleur. Ceux-ci permettront d’agrandir la surface de bureaux et l’espace destiné au garage. Quelque 500 réparations sont déjà effectuées chaque mois sur le site. Hegelmann France proposera ces services à des clients extérieurs. Une dizaine de recrutements devraient intervenir. « Notre stratégie française combine la proximité d’une société locale à la puissance d’un groupe international, souligne Edgars Birovs. Notre flotte a un âge moyen de deux à trois ans. Mais, pour répondre instantanément à toute demande, il faut pouvoir compter sur un outil de production parfaitement entretenu et fiable. » La culture de l’express n’est jamais très loin, qui valorise la flexibilité et l’adaptabilité, et favorise par conséquent « la prise de décision rapide »… Ce qui n’empêche pas les visions au long cours. Depuis son arrivée en France en 2017, Hegelmann a investi quelque 4,7 millions d’euros dans les achats et la rénovation de ses sites logistiques français et de leurs installations, créant jusqu’ici une trentaine d’emplois. Selon le directeur général, « Hegelmann France nourrit l’ambition de placer la France parmi les trois premiers marchés du groupe et d’atteindre un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros en 2023 » ; 80 millions d’euros : c’était déjà la part du marché français dans le chiffre d’affaires global du groupe (420 millions d’euros). « Mais, précise Edgars Birovs, environ 90 % de ce chiffre sur le marché français est réalisé en sous-traitance, avec d’autres entreprises de transport. Notre objectif est d’opérer directement avec les clients français. »
Fin avril, peu après l’incendie de Notre-Dame de Paris, Hegelmann France proposait à l’État français un « mécénat de compétences », en s’engageant à donner des services de transport et stockage. « Le lendemain de la catastrophe, dès 7 heures, Siegfried Hegelmann m’appelait pour me demander ce que nous pouvions faire pour aider à reconstruire la cathédrale, relate Dana Caleiro, responsable de la communication de l’entreprise en France. L’événement a bouleversé bien des gens, dans le monde entier… et les Français n’en sont pas toujours conscients. »
Pour le groupe allemand, ce geste s’inscrit aussi dans une stratégie d’intégration de sa filiale française dans le paysage hexagonal. « Le groupe possède une longue tradition d’action caritative et de partenariats dans les pays où il est présent », complète Edgars Birovs. Ainsi, les 9 et 10 juin derniers, l’entreprise a-t-elle noué un partenariat avec les 33es Montgolfiades, festival de montgolfières à Chalon-sur-Saône… remettant un « prix Hegelmann » à Vincent Leÿs, pilote qui a parcouru 100 km en un seul vol. « En spécialistes des longues distances, nous savons apprécier cet effort-là », a commenté Edgars Birovs. Et, outre des partenariats locaux pour soutenir des équipes sportives, Hegelmann France organise cet été une opération de don de sang pour venir en aide au centre de transfusion local. Symbole fort. « Nous sommes une entreprise française, implantée ici », appuie Edgars Birovs. F. R.
Siège : Châtenoyle-Royal (71)
CA 2018 : 80 M€ sur le groupe (440 k€ en direct)
Effectifs : 30 salariés
Parc : 2 véhicules moteurs (50 annoncés pour la fin 2019)
Activités : express, produits alimentaires, marchandises dangereuses, portevéhicules