Quand le bâtiment va, tout va ». Cet adage pourrait aller à Euryale Guerdin, dirigeant de TMS, Transport Manutention Service, basé à Gretz-Armainvilliers (77). Le transporteur opère dans l’acheminement de matériels de travaux publics et de bâtiment : « il s’agit de pompes et silos à béton, de bungalows et d’engins de chantier, de matériels de forage… Des équipements encombrants, qui peuvent être lourds, larges et hauts, parfois des masses indivisibles. En plus de les déplacer, nous les manutentionnons, les installons, les montons sur place », glisse Euryale Guerdin, qui cite parmi ses clients de grands acteurs des travaux publics tels que Loxam, le groupe Fayat avec ses filiales SEFI Intrafor, Franki Fondation, SAML, mais aussi Spie… On comprend d’emblée que la valeur ajoutée de TMS se situe dans ses prestations clé en main, comprenant le transfert, le levage et la manutention pour assembler, façon pièces de Lego, 20 bungalows de chantier, ou implanter sur site une centrale à béton mobile. « Les conducteurs savent aussi manier un bras de grue. Ils ont tous été formés à ces interventions, sur le terrain », précise-t-il. Solidaire de la bonne santé du BTP, l’activité de TMS est liée aux grands travaux franciliens, des plus visibles comme la construction des lignes de métro du Grand Paris, aux plus secrets comme le bétonnage souterrain des anciennes carrières parisiennes… « C’est un transport de marchés de niches, en somme », résume le dirigeant.
Le parcours d’Euryale Guerdin est peu commun, lui qui a d’abord entamé une carrière militaire dans l’armée de l’air où il a passé ses permis poids lourds et super-lourds. Il y a découvert la route et construit son expérience, durant près de dix années. Puis, de retour à la vie civile, Euryale Guerdin reprend du service avec le transport en devenant conducteur de convoi exceptionnel, jusqu’à saisir l’opportunité de s’établir à son compte. Il profite du départ à la retraite d’un ami pour acheter un camion d’occasion. « C’était un UNIC qu’il me cédait à 10 000 F, en affirmant que je n’étais pas bête et que je m’en sortirais toujours », se souvient-il. D’abord inscrit comme artisan, il bascule rapidement en SARL. À force de persévérance et de travail, de bouche à oreille favorable, le transporteur fait parler de lui. Sa réputation de « bon chauffeur » lui ouvre de nouveaux marchés, dans le forage, le traitement des sols. Il commence alors à recruter des conducteurs. En 1997, grâce à son association avec Serge Millard, un homme du sérail, la nouvelle entité va prendre de l’épaisseur. À quatre mains et deux têtes, les deux protagonistes investiront davantage le secteur des travaux publics en équipant les camions de bras de levage, en développant un savoir-faire sur la manutention, et en se structurant : « Nous avons pu répondre aux besoins spécifiques des clients du BTP en étendant le parc matériel à des porte engins et des semi-remorques. Impossible, dans ce créneau, d’être performant sans disposer du matériel adéquat », estime-t-il. Sans se positionner dans le convoi exceptionnel, l’entreprise dispose néanmoins des autorisations de catégories 1 et 2 : pour transporter des colis jusqu’à 25 m de long, 4 m de large, 72 t de masse.
Quand survient la crise financière de 2008, Euryale Guerdin ne mesure pas les difficultés qui l’attendront de 2010 à 2012. Les grands marchés d’État ne sortent plus, le secteur du BTP dégringole, le carnet de commandes commence à se clairsemer, sans oublier les impayés qui se multiplient et les retards de paiement qui deviennent la règle. « En deux ans, je me suis retrouvé avec 200 000 € d’impayés, alors que les investissements et les charges couraient ». Il faut alors garder la tête froide et fixer les priorités, avec un objectif de maintien du personnel, « parce que nous évoluons dans un secteur qui requiert des conducteurs formés ». Perdre les hommes revenait à se délester de l’expertise de l’entreprise. Euryale Guerdin décide de geler les renouvellements de matériels, et profite des départs à la retraite de trois conducteurs pour alléger le niveau de ses charges sociales. Trois entrepôts sont fermés, l’ensemble de l’activité est rapatrié à Gretz-Armainvilliers pour réduire les charges de structure. Pas de vacances, pas de salaire pour le dirigeant qui malgré son ascension jusqu’en 2010 ne trouve aucun appui auprès des banques. « Nous sommes quand même restés 6 mois sans pouvoir payer les loyers en cours sur le matériel, et j’ai dû utiliser la moitié de mes fonds propres. Mon associé étant tombé gravement malade au même moment, j’ai repris la direction complète de l’entreprise afin de retrouver de la souplesse dans les décisions et de la réactivité », souligne le chef d’entreprise francilien. En matière d’exploitation, il resserre sa couverture géographique pour abaisser les dépenses de gazole. Il met un terme aux transports nationaux et se concentre sur le régional. Commercialement, Euryale Guerdin relance la machine et finit par décrocher de nouveaux contrats en 2013. « J’ai privilégié la collaboration avec les grands groupes, solides financièrement, même si les prix sont tirés », confie-t-il. Un an plus tard, l’entrepreneur solde ses dettes ; et il renoue avec les investissements dès 2015. « Aujourd’hui, la société a retrouvé l’équilibre, et personne n’a été licencié », se réjouit le dirigeant en regardant de nouveau l’avenir avec sérénité.
Avec un parc de 24 cartes grises, dont 9 porteurs avec bras de grue, 3 tracteurs, 10 remorques et semi-remorques, TMS a repris son rythme d’avant la crise : l’an passé, un tracteur Volvo de 540 ch Euro 6 est venu rajeunir le parc. Cette année, un châssis Scania de 4 essieux équipé d’un bras de grue de 80 t.m a été commandé pour son homologation à 41 tonnes, contre 32 tonnes actuellement pour les véhicules les plus performants, et surtout, à 90 tonnes remorquant. Les équipements de chantier ne cessent de s’alourdir : « Les bungalows, par exemple, sont passés de 1,2 à 2 tonnes en quelques années », relève Euryale Guerdin. Anticiper l’avenir, c’est disposer d’un matériel développant un rapport poids/puissance intéressant. Puissance au roulage, capacité de levage et de remorquage, et large gamme de remorques et semi-remorques. « Nous couvrons des longueurs allant de 13 à 21 mètres. Et ce n’est pas trop ! Dans le cadre des travaux du Grand Paris, nous déplaçons certains dépôts de stockage des rails et des aiguillages SNCF ; un rail, c’est 22 m ». De même, ce contrat d’exclusivité signé avec Loxam, gestionnaire d’un parc de 1 200 bungalows, qui l’occupe à l’année sur la rotation des équipements. « Tout se joue sur le coût au kilomètre proposé aux clients. Si je peux effectuer le même travail en déplaçant un seul camion, parce que j’ai le bon matériel, je sors alors un meilleur prix », s’amuse-t-il, en citant aussi son regard expert lorsqu’il appréhende une configuration de chantier. Mais le métier change et Euryale Guerdin regrette les excès de procédure, lui qui appartient à la vieille école, celle fondée sur la parole, la poignée de main qui possède une valeur de contrat. Cet état d’esprit, il tente de l’insuffler à ses deux fils, Mathis et Lorys, venus l’épauler. « Ils apprennent le métier et vont devoir trouver leur style entre ma façon de faire et celle des jeunes ingénieurs », sourit-il, non sans une certaine fierté face au chemin accompli ; cette belle entreprise familiale qu’il a bâtie et qu’il compte transmettre…
Siège social : Gretz-Armainvilliers (77)
CA 2016 : 1,1 M€
Effectif : 13 salariés dont 11 conducteurs
Parc : 14 moteurs, 9 porteurs, 3 tracteurs, 4 remorques
Activités : transport et manutention d’équipements de travaux publics, bungalows de chantier, engins de chantier, centrale à béton…