Quelque 600 000 entreprises de transport, 13 milliards de tonnes de marchandises transportées en 2022, trois millions de salariés… Le secteur a son importance dans l’économie européenne et cherche à faire entendre sa voix dans le cadre des élections. Les organisations du secteur ont fait part de leurs propositions pour développer le transport et la logistique et renforcer leur compétitivité. « Demain encore plus qu’hier, l’Europe aura besoin de logistique. La filière sera une cheville ouvrière des nouveaux objectifs stratégiques de l’Europe en matière de résilience et de décarbonation. La France doit saisir ces opportunités pour renforcer la compétitivité de sa filière », souligne Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, dans une tribune publiée le 15 mai.
Côté décarbonation, l’Union TLF suggère de travailler au niveau européen sur l’adoption d’un calendrier réaliste en matière de décarbonation et de transition écologique du transport. L’objectif climatique à l’horizon 2040 doit être corrélé aux réalités économiques, aux évolutions technologiques et à la disponibilité d’énergies bas carbone. Dans ce cadre, la fédération préconise « de prévoir l’intégration d’un facteur de correction carbone et d’assurer une égalité de traitement entre les énergies disponibles afin d’assurer aux entreprises un panel suffisant d’alternatives ». Plaidant pour le mix énergétique, la FNTR, dans un livret blanc consacré à ses propositions ainsi que dans un manifeste commun avec deux autres fédérations européennes (l’allemande BGL et la nordique NLA), rappelle de son côté que la décarbonation du transport routier de marchandises va engendrer des surcoûts considérables (52,6 Mds € à horizon 2040 selon la feuille de route de décarbonation des véhicules lourds) tant pour l’achat des poids lourds que pour le développement des réseaux d’avitaillement. Elle demande donc « que chaque acteur y contribue, des constructeurs aux énergéticiens, des collectivités à l’État et des chargeurs aux consommateurs eux-mêmes. Sur ce point, la transition énergétique suppose notamment la mise en place d’aides massives et pérennes à l’investissement ».
La FNTR, comme TLF, aborde par ailleurs la révision de la directive 96/53/CE sur les poids et dimensions et demande le passage transfrontalier à 44 tonnes quand deux États limitrophes appliquent déjà cette limite maximale de poids. Les deux organisations patronales soutiennent également l’autorisation de la circulation transfrontalière de camions plus longs et plus lourds des EMS (European Modular System ou mégacamions), « dans des conditions spécifiques (sécurité et non concurrence avec le fer notamment) », précise la FNTR. La massification du transport, notamment au travers de la circulation des EMS, permettrait de concilier performance économique et écologique, renchérit TLF. En revanche, le Groupement national des transports combinés (GNTC), sans se dire contre les mégacamions, plaide contre « une augmentation non contrôlée des gabarits routiers qui pourraient entrer en concurrence directe avec des flux de transport combiné ».
L’Union TLF suggère par ailleurs de simplifier et d’adopter avec plus de souplesse le reporting extra-financier. Dans le détail, elle préconise de décaler d’un an la mise en place de cette obligation d’information et de s’appuyer sur l’approche « wheel-to-wheel » pour mesurer la décarbonation.
Le transport combiné n’est pas en reste dans le cadre des recommandations. L’Union TLF incite à développer les corridors européens et à stimuler le transport intermodal sur le Vieux Continent. Pour ce faire, elle préconise la création d’un cadre ambitieux visant à l’interopérabilité entre chaque mode, démocratisant les modes massifiés et évitant la surcharge administrative. La FNTR porte deux demandes : la facilitation des nouvelles mesures pour l’accès aux aides en faveur du transport combiné ou multimodal, surtout pour des TPE-PME, et l’application de manière obligatoire des règles sur le cabotage aux parties routières du transport combiné. Pour appuyer un meilleur déploiement du transport multimodal, le GNTC soutient de son côté la garantie d’un plan de transport dédié au transport combiné avec des sillons correspondants à la demande du marché. Il demande par ailleurs un meilleur maillage du réseau national avec la création de nouvelles plateformes multimodales, la modernisation et l’agrandissement du parc existant, la pérennisation à long terme des mécanismes de soutien (aide à la pince, aide aux sillons, certificats d’économies d’énergie). Le groupement appuie en outre la concrétisation de l’expérimentation du 46 t pour les pré/post acheminements routiers en combiné.
Pour lutter contre le dumping social, favoriser des conditions de concurrence loyale ou encore améliorer les conditions de travail des conducteurs, la FNTR et TLF insistent sur l’importance de la bonne application du Paquet Mobilité adopté en août 2020. Rappelant que l’Allemagne, l’Autriche et la France sont les pays les plus cabotés d’Europe, l’Union TLF souligne que la mise en œuvre des différentes mesures qu’il contient « permettra d’améliorer les conditions de travail des conducteurs, mais aussi de limiter les disparités réglementaires entre les États membres ». De son côté, la FNTR émet deux propositions. Dans la nouvelle directive sur le détachement des conducteurs, l’application du salaire minimum du pays dans lequel le conducteur travaille étant requis, elle demande la mise à disposition d’un outil pour faire face à la variété et complexité des systèmes sociaux d’un État membre à l’autre. Par ailleurs, concernant les contrôles, outre un nombre suffisant pour assurer une effectivité du Paquet Mobilité, elle plaide pour un renforcement de leur qualité grâce à une meilleure approche méthodologique (meilleures connaissances des processus de contrôles de chaque État, partage d’informations renforcé) entre les services des États membres. Concernant l’attractivité des métiers, la FNTR souhaite une application plus uniforme des règles de qualification initiale et formation continue : « Il y a actuellement encore trop d’exemptions et une reconnaissance inégale de la formation reçue d’un pays de l’UE à l’autre, précise la fédération. Ces difficultés sont à surmonter pour renforcer la sécurité routière et pour l’attractivité de la profession de conducteur, au moment où celle-ci risque d’être de plus en plus en tension. »