« Élargir nos savoir-faire quand les clients le demandent »

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Le Groupe Charles André (26), qui a fêté l’année dernière ses 90 ans, poursuit son développement à travers une stratégie à la fois pragmatique et opportuniste. Alors que la quatrième génération est entrée à la direction, Delphine André, présidente du groupe, commence à préparer la transmission afin d’inscrire GCA sur le long terme.
Le chiffre d’affaires de GCA a doublé en dix ans pour atteindre 1,6 milliard d’euros aujourd’hui. Quelle est la stratégie de développement du groupe ?

Depuis trois générations, nous avons eu une stratégie pragmatique et opportuniste. Nous faisons ainsi généralement de la croissance organique quand il y a de la place sur le marché, c’est-à-dire quand les marchés sont en expansion. Nous faisons de la croissance externe quand les marchés sont matures pour améliorer notre couverture géographique, ou pour acquérir un savoir-faire que nous n’avons pas. Notre démarche est très interactive avec le terrain, c’est-à-dire avec nos filiales. Nous étudions systématiquement toutes les opportunités. Nous sommes bien évidemment très à l’écoute des besoins de nos clients et nous n’hésitons pas à élargir nos savoir-faire quand ils le demandent.

Comment la reprise du groupe Caillot s’est-elle inscrite dans cette stratégie ?

Je n’ai pas imaginé tout de suite reprendre le groupe Caillot (51), car nos métiers respectifs semblaient assez éloignés de prime abord. Mais lorsque le conseil de Jean-Pierre m’a exposé le savoir-faire de l’entreprise, il est apparu que ce rapprochement avait du sens. En effet, le groupe Caillot œuvre dans la pièce détachée automobile, ce qui nous permettait d’élargir à la fois notre portefeuille clients – nous sommes en effet dans le secteur de l’automobile – et notre rayon d’action géographique. C’était aussi une magnifique opportunité de se diversifier dans des métiers dans lesquels le groupe Caillot est reconnu comme leader, fiable et efficace. L’entreprise a notamment un vrai savoir-faire dans le champagne, les vins et les spiritueux. C’est un secteur exigeant, fleuron de l’industrie française, et travailler pour ces clients est très formateur. Enfin, Jean-Pierre recherchait davantage une transmission qu’une vente pure et simple, en poursuivant sa route au sein d’une entreprise familiale lui apportant les moyens d’un développement solide et durable. Au fil des discussions, nous nous sommes rendu compte que nous étions complémentaires, que nous partagions les mêmes valeurs de travail, d’engagement, de respect.

Vous incarnez la troisième génération à la tête du GCA. Préparez-vous d’ores et déjà la transmission de votre entreprise ?

Dans une entreprise familiale, il faut toujours penser à la transmission. Nous nous inscrivons sur le long terme, avec cette idée de toujours préparer l’avenir plutôt que de le subir. J’ai la chance que mes deux fils soient entrés il y a plusieurs années dans l’entreprise, et qu’ils aient démontré très vite, à leur tour, leur passion pour ce métier. La quatrième génération est en route, ce qui donne une perspective à nos clients et à nos salariés. L’aîné, Charles, dirige la division transport et distribution, et Arthur, le cadet, la division logistique automobile, logistique industrielle et Transports Caillot. Ils ont commencé dans une filiale, sur le terrain et connaissent parfaitement les métiers. Ils sont efficaces et reconnus aujourd’hui par nos collaborateurs, ce qui est très important. C’est un beau cadeau, car il était non seulement important pour moi de poursuivre la construction enclenchée par mon père et mon grand-père, de quelque chose qui avait du sens, mais aussi de transmettre et de mettre l’entreprise entre de bonnes mains, de façon à garantir sa pérennité et son développement.

Dans quelle mesure l’inflation a-t-elle touché vos activités et comment le groupe s’est-il adapté ?

Comme tous les acteurs, nous avons subi l’inflation et les problèmes d’approvisionnement. Cela a particulièrement été le cas pour la livraison de matériels, avec des délais fortement allongés, ce qui nous a conduits à anticiper. L’activité automobile a subi des baisses de volumes de plus de 25 % en 2021 et 2022. C’est aujourd’hui reparti, avec un phénomène de rattrapage. Concernant l’inflation, nous avons pris la décision de la répercuter rapidement à nos clients. Les négociations n’ont pas toujours été simples, mais c’était une question de survie. En effet, le résultat net d’une entreprise de transport tourne autour de 3 % ; avec une inflation à 5,5 %, nous n’avions pas le choix. Nous avions également la nécessité d’augmenter notre main-d’œuvre pour pouvoir la conserver et lui donner une qualité de vie correcte. Et il nous faut aussi faire face aux investissements liés à la modernisation de notre outil de travail, qui doit se mettre en conformité avec les exigences liées à la transition énergétique. Chaque crise est l’occasion – et quasiment une opportunité – de remettre à plat la manière dont nous fonctionnons. L’entreprise doit toujours être aux aguets, en matière d’organisation, d’innovation, de gains de productivité – qu’on ne fait pas sur le coût de la main-d’œuvre, mais plutôt sur les méthodes de travail et l’innovation.

GCA réalise une partie de son activité sur le transport combiné, notamment au travers de votre filiale Novatrans-Greenmodal. Quelle en est la stratégie de développement ?

Le transport combiné a toujours été une division importante chez GCA. Il a constitué un élément de différenciation. Le transport combiné représente environ 8 % du chiffre d’affaires annuel du groupe. Sur le rail-route, la stratégie est clairement de survivre malgré les mouvements sociaux, la vétusté des infrastructures ferroviaires et l’inflation ferroviaire. En 2023, nous avons subi jusqu’à 33 jours de grève qui ont supprimé 500 circulations. De plus, le retour à la normale s’est avéré très long. Un train permet de transporter le volume de marchandises de 40 camions, mais la fiabilité est beaucoup plus aléatoire. La filiale reste fragile, car ce métier est plus cher, moins flexible et plus long que par voie routière. Notre stratégie est de poursuivre le développement de nos activités de transport combiné afin de contribuer à la réduction des émissions carbone et de proposer à nos clients des services répondant à leurs attentes ; à savoir fiabilité, régularité, sécurité, capacité et prix de transport acceptables. Il est donc indispensable que les réseaux ferroviaires, lors de l’attribution des sillons de circulation des trains, reconnaissent l’importance des trains de transport combiné, que le prix de l’électricité sur le réseau ferroviaire soit maîtrisé, et ce, afin de réduire les coûts de la traction ferroviaire.

Le Gouvernement souhaite favoriser le report modal. Quels seraient les chantiers prioritaires pour le développement du fret ferroviaire ?

Il faut bien avoir conscience que le prix du fret ferroviaire est plus élevé que la route et plus complexe à mettre en œuvre. Les principaux freins au rail résident dans la vétusté des infrastructures, en particulier terminalistiques, la mauvaise qualité des sillons (d’autant plus durant les travaux) et le manque de fiabilité lié aux mouvements de grève. Cela ne favorise pas une qualité de service suffisante pour une adoption massive du ferroviaire pour le transport de fret. C’est pour cela qu’il faut s’appuyer sur des acteurs déjà en place, qui maîtrisent la technicité du métier.

Qu’en est-il du report modal vers le fluvial ?

Le report modal de fret vers le fluvial est plus facile que pour le rail. C’est plus libre et plus maîtrisable. Il suffit d’une barge adaptée pour pouvoir transporter les marchandises. Le principal point à surveiller est le niveau de profondeur de la voie d’eau, qui peut varier selon les conditions climatiques. Cependant, le report modal vers le fluvial est limité par les voies d’eau navigables disponibles (Rhône, Seine, canal de la Deûle) ; le réseau est donc limité.

De quelle manière GCA travaille-t-il sur le verdissement de son parc roulant ?

Nous testons l’ensemble des technologies de motorisation fonctionnant aux énergies alternatives en vue d’avoir un retour d’expérience, car, à ce jour, il n’y a pas de véritable alternative qui soit aussi compétitive que le gazole. Pour décarboner notre activité sur la route, nous avons investi dans des tracteurs 44 tonnes au gaz (GNL/GNC). Malheureusement, avec la hausse des cours du gaz, l’exploitation de nos camions n’est pas facilitée. Nous explorons également les camions électriques pour les faibles tonnages. L’autonomie de ces véhicules reste variable en fonction de la météo (températures), de l’efficacité des bornes de rechargement et du trafic. Enfin, concernant l’hydrogène, cela reste complexe. La technologie est aujourd’hui cinq fois plus chère que le diesel et le nombre d’infrastructures disponibles reste encore limité. À l’heure actuelle, pour le transport de faible tonnage et la livraison urbaine, nous privilégions l’électrique, tandis que nous optons pour du transport combiné pour les trajets longue distance.

La transition énergétique de votre groupe ne se résume pas qu’aux flottes. Quelles actions avez-vous lancées au sein de vos sites logistiques ou auprès de vos collaborateurs ?

En matière d’environnement, nous travaillons sur la consommation d’énergie de nos bâtiments. Par exemple, nous faisons en sorte de mieux les isoler, afin d’avoir moins de déperdition de chaleur. Nous pilotons également les températures. Nous avons aussi installé des ombrières photovoltaïques sur une bonne partie de nos sites : ce sont ainsi 110 hectares de panneaux qui ont été déployés sur 11 sites en France, soit une puissance cumulée de 117 MW. En ce qui concerne nos salariés, nous les sensibilisons à de bonnes pratiques, telles que l’écoconduite, ce qui permet d’économiser du carburant.

Quelles sont les initiatives du groupe en matière de recrutement ?

Nous mettons beaucoup d’énergie à faire connaître nos métiers, notamment de conducteur, au grand public. Nous allons donc à la rencontre des jeunes ou des personnes en reconversion et nous leur expliquons que les métiers manuels sont de beaux métiers. Le métier de conducteur routier reste un exemple concret d’ascenseur social. Il permet à des personnes qui n’ont pas forcément fait d’études d’accéder à une vraie profession, leur permettant de bénéficier d’une autonomie certaine et de gagner leur vie correctement. Avec la démarche Exel Tour by GCA, lancée en 2019, nous allons à la rencontre de jeunes avec une semi-remorque équipée d’un simulateur de conduite, d’outils digitaux modernes, de divers ensembles de transports pour parler du métier de conducteur routier. D’autres professions du secteur sont présentées, comme celle de dispatcheur ou de mécanicien. Nous parvenons ainsi à susciter des vocations, ce qui est une grande fierté pour nous.

Quelles sont les démarches entreprises par GCA pour le développement des compétences des salariés et leur fidélisation ?

Nous inculquons les valeurs de travail et de persévérance à l’ensemble des nouveaux arrivants dans le groupe. Nous favorisons un management de proximité, qui permet d’être à l’écoute des souhaits d’évolution et de gain de compétences de chaque salarié. Chaque directeur de filiale – qui gère environ 200 collaborateurs chacun – a la possibilité de proposer des formations. Pour faciliter l’acquisition de compétences spécifiques à notre métier, nous avons ouvert notre propre école de formation, pour permettre à nos collaborateurs de bénéficier de passerelles au sein du groupe. De fait, l’ancienneté moyenne de nos salariés est supérieure à 12 ans. Ces sujets de formation et de fidélisation de nos collaborateurs sont au cœur des préoccupations d’un groupe familial comme GCA.

Parcours

1990

Diplôme d’un magistère de droit des affaires, fiscalité et comptabilité (université de droit, d’économie et de science politique d’Aix-Marseille). Elle travaille ensuite pour un cabinet juridique à Avignon, puis en tant que juriste pour GCA.

1995

Avocate au barreau de Valence

2002

Présidente de GCA

2011

Nommée chevalier de la Légion d’honneur

2020

Membre du jury de l’émission M6 « Qui veut être mon associé ? »

Historique de l’entreprise

L’entreprise a été créée par Charles André, le grand-père de Delphine André, en 1932, dans l’Ardèche, comme transporteur de carburant. À la fin des années 1970, son père, Charles-Pierre, a décidé de se lancer dans le transport combiné en créant GCA Intermodal. Cette division s’est enrichie avec les opérateurs de transport combiné Novatrans et Greenmodal, rachetés respectivement en 2013 et 2017. Il a également élargi l’offre de transport à l’alimentaire, l’automobile, au BTP, aux minéraux et à l’environnement, et a créé un réseau de stations de lavages. Parallèlement au transport, GCA a développé une offre de services logistique complète qui va de l’entreposage à l’emballage industriel, en passant par la préparation de commande, le dédouanement, la gestion des stocks, la gestion de l’approvisionnement de la chaîne de production ou encore le reconditionnement de véhicules. Dans ce domaine, GCA est actif dans l’automobile, l’aéronautique, la défense, l’énergie, la chimie et le ferroviaire.

Repères

Siège

Montélimar (26)

CA 2022

1,4 Md€

C A 2023 (prévisionnel) 1,6 Md€

Effectif

10000 salariés, dont 5 000 conducteurs

Unités de transport

18 000, dont : 5 000 moteurs, 6 000 semi-remorques, 4 000 conteneurs, 3 000 wagons et 11 barges.

Représentation géographique

Une centaine de filiales réparties sur 200 sites opérationnels, 50 ateliers et maintenance intégrés et présence dans 15 pays (territoire européen, Grande-Bretagne et Maroc)

Activités

aéronautique, automobile, chimie, énergie, défense, agroalimentaire, BTP, environnement, ferroviaire, nucléaire.

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