En 2018, la France lançait sa stratégie nationale sur le véhicule autonome. Un bilan et de nouvelles perspectives ont été dressés le 24 novembre lors d’un webinaire de la Société des ingénieurs de l’automobile (SIA). Pour son volet consacré au transport de fret et à la logistique, l’ambition de cette stratégie « est de développer une expertise et faire émerger des champions français leaders dans le déploiement de solutions », rappelle Philippe Gache. Pour le directeur du programme Systèmes de transports et intelligence (CARA), coordinateur de ce volet fret-logistique, la France dispose d’atouts dont l’expérience acquise dans les transports publics et une approche publique-privée fédérant tous les acteurs autour de cas d’usage en cohérence avec les besoins du marché. Dans ce cadre, plusieurs enseignements ont été rapportés sur la base des premiers travaux de la stratégie nationale : « L’automatisation est une brique qui doit contribuer à l’amélioration des performances et à l’acceptabilité du système logistique. L’émergence de premières solutions est à encourager et le champ de développement est important mais soumis à des moyens contraints. »
Ces premiers travaux ont permis de prioriser les usages selon leur coût et leur pertinence autour de trois environnements : sur sites privés fermés, en logistique urbaine et dans le transport sur moyenne et longue distance. Sur sites privés, le véhicule autonome de fret est déjà une réalité dans le cadre « de circulations automatisées sur parcours définis en zone minière ou sur des carrières de matériaux », indique Philippe Gache. Le transport automatisé de conteneurs sur zones portuaires est déjà opérationnel et est appelé à se développer sur les ports et les aéroports entre 2022 et 2026. Sur la même période, l’automatisation des véhicules devrait gagner les cours des plateformes logistiques étendue, ensuite, aux parcs logistiques avec circulations publiques.
S’agissant de la logistique urbaine, les premiers tests de livraison à l’aide de robots autonomes sont menés à Montpellier dans le cadre du plan national d’expérimentations du véhicule routier autonome (EVRA) qui finance le programme Sécurité et acceptabilité de la conduite et de la mobilité autonome (SAM). Pour l’heure, les tests menés à Montpellier concernent « une assistance robotisée à la livraison avec opérateur ». À partir de 2022, une prochaine étape vise à rendre autonome ces services à faible vitesse et à concevoir ses systèmes de supervision. Leur déploiement commercial pourrait intervenir dès 2025-2026.
Quant aux transports de fret sur moyenne et longue distance, une circulation automatisée dans un environnement ouvert et partagé n’est envisagée qu’à l’horizon 2026-2027 sous réserve d’un cadre réglementaire finalisé. Lequel est escompté d’ici à 2024.
Pour les trois environnements, des points de vigilance ont été identifiés. En plus de définir leur cadre réglementaire respectif, ils concernent « la standardisation des éléments de transport et les enjeux d’infrastructures » en logistique urbaine. Pour les sites privés fermés, la validation des concepts par des POC (proof of concept), de la sécurité et le développement de solutions de raccordement entre systèmes automatisés et non automatisés sont cités. Les solutions de raccordement entre systèmes automatisés et non automatisés sont illustrées par l’accroche-décroche de remorques sur les cours des plateformes logistiques, par exemple. Pour tous les cas d’usage enfin, il est souligné au moins quatre points de vigilance : « démontrer la sécurité des systèmes, développer des outils de supervision, valider les modèles économiques et sécuriser la gouvernance des données ».
Haute responsable pour le développement des véhicules autonomes en France, Anne-Marie Idrac remettra au ministère des Transports avant la fin de l’année les premiers résultats de la stratégie nationale. Parmi ses propositions, Anne-Marie Idrac insiste de façon globale sur « la finalisation du cadre réglementaire issu de la loi d’orientation des mobilités (LOM) et la détermination de référentiels de sécurité ». Elle recommande des mesures en matière de formation à la conduite autonome et d’information notamment sur la cybermenace. En matière d’innovations, Anne-Marie Idrac évoque « le soutien aux tests, démonstrateurs et pilotes, le développement coopératif des systèmes d’exploitation, bases de données et logiciels d’application ainsi que des systèmes d’évaluation », de l’interface homme-machine en particulier. Pour le pilotage et la gouvernance de la stratégie, elle encourage les liens avec la plateforme France véhicule autonome (FVA), les partenariats nationaux et internationaux et le développement des compétences numériques.