Absentéisme, application des gestes barrières, adaptation des machines dans les entrepôts automatisés comme manuels… La période de crise sanitaire puis le déconfinement se sont révélés accélérateurs de l’automatisation pour gérer les nombreuses contraintes qui se sont posées dans les secteurs qui ont pu continuer leur activité. « Le plus marquant dans cette crise sanitaire a été l’imprévisibilité, souligne Sophie Conte, directrice business de Rhenus Logistics, société de prestations logistique et transport. Il a fallu faire preuve de résilience pour ne pas subir la situation. » Des entrepôts ont fermé, d’autres sont restés ouverts et ont rencontré un pic d’activité, des projets ont été décalés. Cette période a eu un impact sur la manière de travailler « et nous sommes encore en phase d’apprentissage », témoigne Alexandre Jordan, responsable des systèmes logistiques pour le groupe Jungheinrich, spécialisé dans les équipements de manutention, de stockage et de gestion des flux de marchandises. Pour les professionnels qui participaient à la table ronde, la crise a eu des effets positifs pour les entreprises alimentaires, pharmaceutiques ou encore de bricolage. L’automatisation a ainsi réduit l’impact sur le personnel et a facilité l’application des gestes barrières et de la distanciation physique. Dans les secteurs de la distribution, de l’industrie, de la pharmacie, la gestion des flux pendant la crise s’est avérée plus simple pour ceux qui avaient anticipé l’automatisation. Pour le groupe Schaeffer, fournisseur de produits et systèmes pour les flux internes de matériel, bien que le virage ait été amorcé en matière d’automatisation, la France a du retard par rapport à d’autres pays européens. « Nous avons constaté que le e-commerce et l’alimentaire ont poursuivi leurs projets de développement pendant la crise, souligne William Fleuriau, directeur commercial chez Schaeffer. Nous avons continué à les accompagner pendant la période puis pendant le déconfinement. Et certaines entreprises ont même passé le cap de la production 24 heures sur 24. » Même constat pour le groupe Scallog, expert en robots logistiques, qui constate que sur certaines activités, des clients qui avaient déjà l’habitude de travailler 7 jours sur 7 ont dû accélérer et tourner 24 heures sur 24. En revanche, « beaucoup de projets restés en attente pendant le confinement rencontrent aujourd’hui une accélération, indique Olivier Rochet, P-dg de Scallog. Pour nos clients, c’est le déconfinement qui a eu un effet accélérateur de la robotisation. »
La robotisation visait à répondre à trois critères : améliorer la productivité, l’agilité de l’entreprise et les conditions de travail. « Ils devront davantage être pris en compte à l’avenir, soutient Alexandre Jordan. Les troubles musculo-squelettiques (TMS) et leurs coûts peuvent être limités par des postes ergonomiques auxquels on intègre de plus en plus l’automatisation. » L’automatisation s’effectue ainsi au service de l’humain en répondant à la fois à l’agilité des entreprises et aux enjeux humains, soutiennent les professionnels. « Par exemple, les chariots automatiques, qui n’ont pas été installés dans une optique d’anticipation de crise sanitaire, ont permis néanmoins dans cette période d’éviter des taux de charge inutiles et de limiter les risques de TMS, témoigne Alexandre Jordan. Les entreprises qui n’avaient pas cette technologie ont trouvé des solutions mais il y a eu davantage d’impacts sur leur activité. » Des actions concrètes d’automatisation ont été menées chez Rhenus Logistics pendant la période, d’abord au niveau de l’organisation. Un client du groupe, spécialisé dans le retail et qui changeait de système WMS, lui a demandé au tout début de la crise d’ouvrir un service e-commerce en quelques jours. « Ce type d’installation prend environ huit mois habituellement, souligne Sophie Conte. Heureusement, nous avions déjà travaillé en amont sur ce type de système. » Sur la partie mécanisation, les gestes barrières ont permis au groupe « de beaucoup progresser », précise la directrice. La société a par exemple travaillé sur le déchargement d’un conteneur qui implique habituellement que deux personnes se trouvent à l’intérieur de la structure en installant un programme de déchargement de camion semi-automatique. « Ce système permet de faire face à l’absentéisme et d’accompagner l’humain simplement. L’entreprise est ainsi moins fragile », indique Sophie Conte. En complément, l’entreprise s’est intéressée à l’exo-squelette : « Si l’automatisation s’avère impossible sur un poste, l’exosquelette peut être un recours et apporter davantage d’agilité. Il permet au collaborateur de porter des charges de 8 kilos. » Autre automatisation intégrée par le groupe, les chariots intelligents qui évitent au collaborateur de se déplacer dans l’entrepôt. « Ce système a permis pendant la crise une réadaptation des entrepôts selon l’absentéisme : l’outil était déplacé à l’endroit où le personnel manquait et apportait davantage de flexibilité », remarque Sophie Conte.
Cette évolution technologique semble en revanche moins présente pour les entreprises dont les collaborateurs se trouvent sur le terrain. « L’accélération du digital dépend des métiers, soutient Caroline Tougayère, directrice Hommes et Compétences chez GT Solutions, spécialisé dans la location de camions avec chauffeur. Nous l’avons expérimentée dans l’environnement administratif où des projets digitaux ont été boostés pendant la période. » En revanche, 80 % des salariés du groupe se trouvent sur le terrain, au volant d’un camion. « Notre cœur de métier, la location de camion avec chauffeur, nous a aidés puisque nous sommes dans la gestion de l’urgence, explique-t-elle lors d’une conférence portant sur le management de l’après-Covid. Notre organisation fait en sorte que la fonction support est toujours réalisée à distance. Nous n’avons donc pas eu de difficulté sur ce point et cela nous a montré l’efficacité de cette méthode. » Pour Sébastien Perdereau, practice manager pour le cabinet de recrutement Michael Page, si la période s’avère accélératrice de la numérisation, notamment pour la mise en place des WMS et TMS, les entreprises se heurtent à un principe de réalité. « Même si elles estiment que leurs flux auraient mieux fonctionné si elles étaient outillées, l’aspect financier freine souvent ces projets. »