Cette semaine, Franck Augustin, Pdg des Transports routiers d’Alsace (67).

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La grave crise sanitaire et économique que traverse le pays ne va pas manquer d’accélérer les mutations, d’éveiller les consciences, de rebattre les cartes du jeu. Comment appréhender le monde économique de demain ? La supply chain d’après ? Les acteurs du TRM et de la chaîne logistique nous livrent ici, chaque semaine, leur perception du monde économique qui s’ouvre.

“Si le Covid19 était tout simplement en train de nous disrupter ? Ce virus ne s’est pas posé de questions, il a respecté les éléments de base des nouveaux modèles économiques. « Il a accéléré après avoir validé son POC à Yuhan ». Résultat, entre les ballets d’hélicoptères qui rapatrient les Alsaciens d’un hôpital à l’autre et l’annonce de certains collaborateurs qui sont diagnostiqués Covid19, il n’est pas simple de tenir son rôle avec l’esprit clair. Pas de doute, les livres d’histoire mentionneront cet épisode gris de l’humanité. Mais les livres d’histoire mentionneront toujours le plan Marshall qui fut l’un des mécanismes financiers et commerciaux d’aide pour la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Et je pense que l’Europe économique sera à reconstruire. J’entends depuis tout petit le mot de décentralisation. Ce terme avait forcément un lien avec le pouvoir concentré à Paris. Mais là, que voit-on ? Du moins, que venons-nous d’apprendre ? Une grande partie des besoins nécessaires au bon fonctionnement d’un pays occidental tel que le nôtre est centralisé en Chine. Je ne parlerai pas volontairement de délocalisation, mais bien de centralisation.

Il nous faut réagir.

Dès à présent, et avec une grande vitesse comme l’exige le principe de disruption, le rétablissement d’un tissu économique solide européen, basé sur une création de valeurs matérielles est indispensable. Notre secteur d’activité, mais également la souveraineté de nos territoires européens, dépendra des mesures qui seront prises dans les semaines qui viennent.

Sauf erreur de ma part, les normes d’émissions de CO² qui régissent les motorisations de nos poids lourds étaient un formidable outil de protectionnisme pour les constructeurs européens. Quid de l’application de ce principe à tous les domaines industriels européens ? L’industrie n’est pas un gros mot, elle peut rimer avec développement durable et droits sociaux si on lui applique des contraintes, mais également si on l’aide politiquement. Il ne peut y avoir de solidarité étatique sans économie puissante. Des mécanismes d’attractivité sont déjà en place, il faut les renforcer. L’Europe est au début de la 4e révolution industrielle, sauf que cette dernière ne produit ni masques, ni gel hydroalcoolique et encore moins de principe actif de notre précieux paracétamol.

Alors que fait-on ? Allons-nous continuer cette masturbation intellectuelle dans le seul but est d’optimiser le coût d’acheminement des produits en provenance de pays situés à plus de 10 000 km de nos campagnes ? Ou alors, réinventons-NOUS l’industrie et in-fine la supply chain de demain, éthique et en adéquation avec notre temps ?

Quatre mois après mon démarrage dans la vie professionnelle a surgi la crise financière, et à présent le covid19 avec son lot de dettes qui vont suivre. Ok pour travailler et assumer les dettes, ma génération fera son maximum, mais uniquement si la société nous suit. Sans une réelle envie des Français et des Européens de gagner une souveraineté industrielle et digitale, nous pourrons brader nos supply-chains au GAFA et BATX. Il y a déjà des projets dans les tuyaux : l’ADEM et GS1 sont à l’initiative d’un groupe de travail nommé la Fabrique de la logistique. Ces initiatives doivent être soutenues par les donneurs d’ordres, les transporteurs, les incubateurs et les prestataires informatiques. Nous ne pourrons pas rivaliser avec les deux géants qui nous entourent, si nous ne sommes pas en mesure de créer des référentiels digitaux communs européens puissants. D’un point de vue un peu plus terre à terre, le covid19 va-t-il rééquilibrer le rapport entre les postes de conducteurs à pourvoir et les candidats ? Deux pistes seront à observer.

La première est celle des contrats précaires type intérimaires et CDD. Ils ont été les premiers impactés par l’arrêt de leur mission et le seront d’autant plus qu’il y a un risque qu’on ne remette pas en place leurs missions après le 11 mai.

La seconde piste est la tension sociale qui remontera à la surface à la fin du confinement. Tôt ou tard, l’impact financier sur les salaires des conducteurs (manque des frais de déplacement, prime qui sera source de négociation entre salarié et patron). A cela se rajoutera la problématique des vacances. Il est évident que nous ne pourrons pas accorder de congés s’il y a des commandes clients. Je pense que l’on observera un mercato des bons chauffeurs, ces derniers déçus de telles ou telles réactions de leur patron ou de la gestion de cette crise, mais l’inverse sera également vrai. L’homme est génétiquement programmé pour réaliser des projets techniques, c’est le propre de son existence. La cohésion sociale sera au cœur de la supply chain de demain. Pour exemple, le revenu universel, avec l’arrivée massive de la robotisation, ne devra pas être jeté trop vite à la poubelle. Mais qui va payer ? Pour payer, il faut de la création de valeur et pour créer de la valeur, il faut une production. Si nous ne devions retenir qu’une seule chose : il faut créer pour exister.”

Tribune • La supply chain d’après

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