Pendant des années, l'ISO ne s'est intéressé qu'à la stricte conformité aux procédures. La norme version 2000 se veut beaucoup plus proche du client. Ce qui représente une avancée considérable aux yeux de Frédéric Steinlé, secrétaire général de la Société de Manutention d'Affrètement et de Transport (SMAT) à Rixheim (68). Avec 20 agences et 400 collaborateurs, l'entreprise alsacienne se targue d'avoir été l'une des premières sociétés du secteur à entreprendre la certification ISO 9002. « Nous avons entamé ses premières démarches Qualité dès 1993. En 1996, se souvient Frédéric Steinlé, seuls le siège social et l'agence de Mulhouse étaient certifiés. Puis, nos clients sont devenus de plus en plus exigeants et il nous a fallu conduire la certification du reste de l'entreprise, laquelle comptait alors douze agences ». Le diplôme, qui trônait dans l'entrée de l'entreprise, faisait certes l'admiration des visiteurs. Mais dans les faits, il en était tout autrement...
« L'ancienne version était en réalité peu adaptée à notre activité de commissionnaire de transport» reconnaît Frédéric Steinlé. Il fallait tout noter, consigner la moindre anomalie pour engager des actions correctives. Trop contraignant, ce procédé est rapidement devenu ingérable ». A ce jour, la mutation vers la version 2000 n'est pas encore terminée, « mais tout est déjà révisé ». Obtenu en 1999, l'audit de renouvellement a aidé la SMAT à effectuer cette migration. Il lui a permis de faire ressortir cinq points de « défaillances » portant sur la revue de direction (examen par les dirigeants d'une série de critères tels le niveau de la qualité dans l'entreprise et l'efficacité de l'organisation en place), le processus d'exploitation, l'adaptation des prestations réalisées par les sous-traitants, la traçabilité et les accords commerciaux avec les clients. « Dans la mesure où nous vendons un service, les principales difficultés que nous avons rencontrées étaient liées au processus d'amélioration continue », souligne Frédéric Steinlé. « Il n'est pas simple de centraliser l'information, c'est-à-dire de réunir et consigner les réclamations des clients ». Autre exemple avec le management des ressources humaines. « La version de 1994 réclamait une identification des besoins par poste, l'objectif étant de trouver le candidat idéal. La version 2000 vise, au-delà de l'identification des besoins, une gestion des carrières et la mise en place de bilans de compétences 0 ». Pour Frédéric Steinlé, un système Qualité n'est efficace que s'il permet d'atteindre deux principaux objectifs : organiser la société et gagner de l'argent. « Nous vendons notre organisation à nos clients ; c'est donc sur ce critère qu'ils vont juger nos compétences et nos performances. La norme peut nous aider à nous améliorer. A condition qu'elle soit acceptée de tous ».
« Nous n'avons pas attendu l'ISO pour nous préoccuper de la qualité de notre service et des relations avec nos clients » souligne Annick Charbonnier, P-dg des Transports Charbonnier (41). Ainsi nos véhicules sont équipés d'informatique embarquée depuis trois ans. La norme nous permet cependant de parler le même langage que nos chargeurs, lesquels sont presque tous certifiés ». Diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce de Tours, Christophe Sabassier a piloté la démarche de la société Charbonnier (55 moteurs, 70 personnes, 5,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2001, membre du groupement Astre) avant de devenir son responsable qualité. Il juge impératif de répondre à deux interrogations préalables : la norme aidera-t-elle l'entreprise à améliorer son fonctionnement et son organisation interne ? La non certification risque-t-elle de lui faire perdre des marchés ? Une analyse à laquelle souscrit le consultant Stéphane Daurat. Selon lui, la certification peut aider l'entreprise à se poser les bonnes questions. Dans la mesure où elle intègre toutes les évolutions - au plan réglementaire, technique, social, concurrentiel - auxquelles sont confrontés les transporteurs routiers. Et surtout qu'elle emporte l'adhésion de la direction. « Pour les PME, la réticence des dirigeants constitue l'obstacle majeur à surmonter. Bien davantage que le coût », souligne Stéphane Daurat. D'où la nécessité que l'ensemble des acteurs de l'entreprise s'approprie la démarche. Faute de quoi, le processus risque de déboucher sur une véritable « usine à gaz », terme employé par Christophe Jegou, P-dg des Transports Jegou (35). C'est néanmoins dans un souci de qualité que le transporteur spécialiste du transport à double plancher de produits alimentaires et industriels (30 moteurs, 41 salariés, 3,2 M€ de CA en 2001) a élaboré le manuel destiné à ses conducteurs et mis en place des indicateurs de performances. Objectif pour 2002 : aucun procès verbal et deux accidents mineurs responsables au maximum. Pourtant, certains transporteurs ont carrément renoncé à l'ISO. Parfois après l'avoir expérimenté comme Groupeco (45). Cinq ans après sa certification, l'organisateur de transport a cessé de s'y référer au profit d'un référentiel « maison ». Explications : la valeur ajoutée n'apparaissait pas significative. Une conséquence de « l'inadaptation de la norme au secteur des services ». Pour sa part, Nadine Suchet, directrice des Transports Suchet à Lyon (15 personnes, 10 véhicules, 2 M€ de chiffre d'affaires en 2001) associe volontiers la course à l'ISO à un phénomène de mode des années quatre-vingt dix. « En 1999, nous avons interrompu le processus au bout de six mois », indique la dirigeante de la société active en transports urgents tous tonnages et grutage. Elle explique sa décision par la lourdeur des procédures, le temps nécessaire à leur mise en place et un coût estimé à environ 30 000 euros, sans compter les frais de suivi, formation et renouvellement. « La démarche requiert beaucoup trop d'efforts pour une PME qui n'en perçoit pas d'avantages commerciaux directs. En effet, rarissimes sont les chargeurs qui exigent l'ISO de leur transporteur. D'ailleurs, argumente Nadine Suchet, je préférerais renoncer à un marché plutôt que d'engager une nouvelle tentative pour satisfaire un chargeur qui limiterait les compétences Qualité d'une entreprise à l'ISO ».
Les chargeurs sont bien conscients du coût d'une telle procédure pour une petite structure, assure Didier Léandri, le délégué général de l'AUTF (Association des Utilisateurs de Transport de Fret). Il observe d'ailleurs que les PME de transport certifiées représentent une part marginale au sein du secteur. «La certification se présente généralement comme un gage de qualité. Toutefois, l'obligation de s'y soumettre dépend du segment d'activité dans lequel intervient le transporteur ». Certains secteurs industriels, tel celui de l'automobile, ou certaines marques, à l'instar de Kodak ou des cosmétiques L'Oréal, imposent à leurs prestataires d'être certifiés ISO. Une exigence précisée dans leur cahier des charges. « Je reste néanmoins persuadé qu'une prestation de qualité n'exige pas nécessairement une certification », soutient Didier Léandri, qui a participé pendant plusieurs années au comité Transport de l'organisme certificateur AFAQ. « Ont été certifiées a contrario des entreprises qui présentaient des niveaux de qualité de service et de suivi commercial assez médiocres, mais dont les normes administratives correspondaient aux exigences de l'ISO. Avec son orientation « client », la version 2000 est plus proche de nos attentes ». Directeur logistique de Nestlé France, Marc Geffrault reconnaît qu'une certification constitue un « plus » qui apporte une garantie supplémentaire au chargeur. « Elle nous assure que le prestataire a réfléchi sur son organisation et son système qualité. Cependant, nous n'en faisons pas une condition absolue, affirme-t-il. Car la norme ISO 9000 n'a jamais prétendu faire de son titulaire un bon transporteur. Il nous importe davantage que celui-ci réponde précisément à notre cahier des charges ». Une opinion que partage Christophe Eggers, directeur logistique de Publishing Services à Vivendi Universal. Selon lui, les transporteurs ont encore des progrès à réaliser, notamment en terme de mesure des performances et d'analyse des dysfonctionnements : livraisons non respectées, colis endommagés ou manquants... « Nous souhaiterions instaurer des standards de mesure des performances pour tous qui permettraient de restituer au destinataire, c'est-à-dire au client final, un niveau de qualité global jusque dans la livraison ».
3% des entreprises de transport sont certifiées. Le pourcentage passe à 28% pour les 1000 plus importantes sociétés « soit un taux de pénétration relativement important par rapport à certains autres secteurs d'activités », analyse l'AFAQ. Sur les 50 premières entreprises, la proportion est de 50 % et sur les 20 premières de 90 %.
(source AFAQ)
Objectifs : laisser au seul responsable Qualité la définition des objectifs et leur mise en oeuvre alors qu'il est important de fédérer l'ensemble du personnel aux côtés de la direction.
Client : déconnecter la certification des préoccupations clients et des problèmes d'organisation interne.
Stratégie : se tromper dans le choix du responsable Qualité et du consultant chargé d'accompagner l'entreprise.
Motivation : sous-estimer le temps et l'implication individuelle nécessaire.
Ressources internes : laisser à un consultant trop de responsabilités dans la mise en place du projet.
Communication : ne pas communiquer sur l'état d'avancement et les résultats obtenus. Le retour d'informations et l'affichage de tableaux sont essentiels.
Méthode : plaquer un système qui a réussi dans une autre entreprise et ne pas associer les salariés dans la rédaction des procédures.
Comportements : fermer la porte aux initiatives individuelles et reprocher aux salariés concernés les dysfonctionnements relevés.
* Auteur de l'ouvrage « Les nouvelles clés de l'ISO 9000 et l'après certification » aux Editions Celse.