Un nouvel outil de suivi des coûts de revient pour le transport « longue distance », c'est ce que le Comité National Routier vient de publier. Il s'agit d'un indice synthétique diffusé chaque mois qui porte sur l'acheminement de « marchandises diverses effectué à longue distance, à titre principal ou exclusif, par des ensembles ou trains routiers ». Ses méthodes de calcul ont été simplifiées par rapport à son prédécesseur, l'indice « transports à grande distance ». Alors que ce dernier s'appuyait sur onze rubriques*, le nouveau né est lui construit à partir de sept grandes composantes de coûts (cf. encadré « Le nouvel indice longue distance ») appelées indices analytiques. Dans le cadre de la réforme du CNR - qui élargit son champ d'observation à d'autres activités que la seule longue distance - il devrait prochainement être complété par l'indice synthétique relatif au « transport régional de lots ». Suivront ensuite ceux dédiés aux segments de marchés spécialisés (liquides alimentaires, frigorifiques, bennes...). Chaque synthétique est élaboré à partir d'une combinaison d'indices analytiques. Publiés chaque mois par le CNR, ces derniers - au nombre de treize - se déclinent en plusieurs variantes pour tenir compte des caractéristiques propres aux différentes catégories d'activité (cf. encadré « Les indices analytiques »). Ils sont calculés à partir du dispositif d'enquêtes du CNR ou proviennent de sources externes comme l'INSEE, la CARCOSERCO (Chambre syndicale nationale des carrossiers et constructeurs de semi-remorques et conteneurs) ou la Direction des matières premières et hydrocarbures. Révisés chaque année, ils intégreront ainsi l'incidence des modifications réglementaires et/ou conventionnelles.
Le CNR souhaite faire de ses nouveaux indices analytiques et synthétiques de « véritables référentiels pour le suivi des coûts de transport ». Il ambitionne de fournir aux transporteurs des outils d'aide à la répercussion des charges, « afin de ne pas creuser les écarts existants et source de la majeure partie des dysfonctionnements observés sur le marché ». « Un rééquilibrage est d'autant plus nécessaire que se profile, à moyen terme, la mise en place d'une fiscalité environnementale visant à imputer les coûts dits externes (cf. Livre blanc de l'Union européenne) dans les prix de transport ». « De tels indices sont essentiels pour la profession. Et même si, au sein de TLF, nous aurions préféré qu'ils soient élaborés par une instance professionnelle et non pas par le CNR, un organisme trop dépendant du ministère des Transports, affirme Denis Jacquin, directeur général du groupe Tratel (93) et président de la Commission « économie et gestion » de la fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF). Malgré les décrets sur les prix abusivement bas et la sous-traitance, certaines entreprises travaillent encore pour des tarifs sous-évalués ».
Mais « Les indices du CNR ne peuvent servir en tant que tels dans les négociations tarifaires. Ils doivent être utilisés avec prudence », estime pour sa part Claude Bonnard, P-dg de Services et Transports Dobelle (80) et président de l'Unostra Picardie. D'autant que « les nouveaux indices, pas plus que les anciens, ne sont vraiment le reflet de la réalité », ajoute Carmelo Sgro, P-dg de GST Plate-forme européenne (74) et président de la FNTR Haute-Savoie. Ils ne prennent pas en compte la diversité de tailles et de fonctionnements des entreprises de transport. Et ils montrent une évolution passée des coûts, et non pas celle du moment. « Ils risquent même de nous desservir », considère Carmelo Sgro.
En revanche, le nouveau dispositif devrait permettre aux transporteurs d'appréhender la variation moyenne des principaux postes de charges, tout en « donnant des éléments de comparaison avec nos propres paramètres », se félicite Claude Bonnard. Pour en faciliter l'utilisation, le CNR s'est efforcé de simplifier la lecture des données. « Les indices CNR sont pédagogiques et bénéficient d'une bonne crédibilité », constate Denis Jacquin. Lorsque le transport est régit par un contrat, les professionnels de la route peuvent s'appuyer sur les indices pour intégrer une clause d'indexation des prix. Ils ont la possibilité de combiner les paramètres pour construire leur formule d'évolution des coûts de revient. « Il faut adapter les données à ses propres postes de dépenses », souligne Carmelo Sgro.
C'est à la demande du ministère des Transports, en mai 2001, que le CNR a modernisé son dispositif de suivi des coûts. Le gouvernement voulait ainsi répondre aux préoccupations des professionnels de la route, après leur mouvement de mécontentement de septembre 2000. A l'issue du conflit, il avait sollicité la Direction des Transports Terrestres pour qu'elle agisse en faveur d'une meilleure répercussion des hausses de coûts subies par les transporteurs. Un groupe de travail avait retenu le principe de la publication au Journal Officiel d'une série d'indices de référence concernant l'évolution des prix de revient. Une question qui avait alors créé la polémique au sein des fédérations professionnelles. TLF et l'Unostra étaient contre une diffusion trop officielle, craignant qu'elle n'interfère dans les relations entre transporteurs et chargeurs. La FNTR (Fédération nationale des transports routiers) soutenait quant à elle le projet, estimant que les entreprises du secteur ont besoin d'outils incontestables pour mener à bien leurs négociations. Après plus de dix mois de débat, les membres du CNR sont parvenus à un compromis en octobre 2001. Résultat : les indices synthétiques et analytiques seront prochainement publiés par le Service Économique et Statistique (SES) du ministère des Transports dans son bulletin trimestriel.
* Carburant, pneumatiques, entretien-réparations, péages, conducteurs, frais de déplacement, assurances, taxes, coût de détention du tracteur et de la semi-remorque, charges de structure.
Sept indices analytiques constituent le nouvel indicateur synthétique « longue distance ». Celui du carburant - avec remboursement partiel de la TIPP (GAZPRO) - intervient dans sa composition à hauteur de 23,3 %, l'indice de maintenance (MAINT) pour 8,4 %, celui du coût d'utilisation des infrastructures (INFRAS) pour 4,7 %, le personnel de conduite (« CONDLD » qui intègre les spécificités de la longue distance) pour 29,6 %, les frais de déplacement (INDEPL) pour 7 %, le coût de détention du matériel (MAT 1 : véhicules de plus de 19 t de PTAC) pour 14,2 % et les charges de structures (STRUCT 1) pour 12,8 %. Prenant pour référence le mois de décembre 2000 (base 100 de l'indice synthétique), ces pondérations sont établies à partir de l'enquête de terrain réalisée par le CNR auprès d'un échantillon représentatif d'entreprises. Elles seront réajustées chaque année.
Treize indices analytiques par grandes composantes de coûts ont été retenus par le Comité National Routier. Deux d'entre eux, dédiés au carburant, sont composés du prix du gazole à la pompe HT (moyenne mensuelle) et du prix en vrac HT. Le premier (GAZ) ne prend pas en compte le remboursement partiel de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) à l'inverse du second (GAZPRO). L'indice maintenance est calculé à partir des prix des pneumatiques, des dépenses d'entretien et de réparations réalisés en externe et/ou par l'entreprise (pièces détachées, lubrifiants, locaux, salaires et charges). Le coût d'utilisation des infrastructures (INFRAS) est constitué des péages et de la taxe à l'essieu. Pour les charges liées à la détention du matériel, deux indices ont été établis. Le premier (MAT 1) s'applique aux ensembles articulés et porteurs de 19 t de PTAC et plus, le second (MAT 2) aux véhicules de 3,5 t à 19 t de PTAC. Ils intègrent les prix du matériel, des assurances (véhicules et marchandises) et le coût de financement. Concernant le personnel de conduite, le CNR distingue quatre catégories : longue distance (CONDLD), transport régional (CONDREG), déménagement (FPDEM) - en cours d'élaboration - et messagerie (FPMESS). Ce dernier est encore à l'état de projet. Les quatre indices sont calculés à partir du salaire brut (barèmes conventionnels du Salaire minimum professionnel garanti et de la Garantie annuelle de rémunération après 5 ans d'ancienneté), des charges salariales et des éléments tels que les primes ou la majoration du travail de nuit. Les frais de déplacement font l'objet d'un indice à part entière (INDEPL) évoluant avec le coût d'une journée soit deux repas et un découcher. Les dépenses de structure existent en deux variantes. « STRUCT 1 » est applicable aux entreprises supportant de faibles charges, « STRUCT 2 » à celles ayant des coûts de fonctionnement plus importants. Ils sont construits à partir du salaire brut du personnel sédentaire (barèmes conventionnels après 6 ans d'ancienneté), charges salariales, coûts des locaux, frais de postes et communication et charges financières.